Origine et histoire de l'Abbatiale
L'ancienne abbaye Saint-Pierre de Beaulieu-sur-Dordogne, située à Beaulieu-sur-Dordogne en Corrèze, est surtout représentée par son église abbatiale et par la salle capitulaire, seules parties intégralement conservées. Selon le cartulaire, l'abbaye fut fondée par Raoul de Turenne, archevêque de Bourges, qui y installa des moines venus de Solignac et l'enrichit par des donations et des reliques. Le monastère connut une prospérité due à l'étendue de ses domaines et à l'afflux de pèlerins ; des fouilles ont révélé des vestiges des IXe‑XIe siècles. Au XIe siècle, des conflits locaux entraînèrent des spoliations, puis l'abbaye passa sous l'obédience de Cluny, ce qui favorisa une période de stabilité et de reconstruction. L'église fut édifiée par campagnes entre la fin du XIe siècle et le début du XIIIe siècle : le chœur, le transept et la dernière travée de la nef furent réalisés en premier, puis le côté sud avec son porche et ensuite le bas‑côté nord ; certains éléments de la façade et le portail sont des phases tardives et le clocher date d'une campagne suivante. L'établissement constitua une étape sur des variantes du chemin de Rocamadour et de Compostelle. À la fin de l'union avec Cluny, des troubles locaux reprirent entre l'abbé, les vicomtes de Turenne et les bourgeois, et l'abbaye perdit progressivement ses prérogatives après la guerre de Cent Ans. L'institution déclina encore avec l'apparition d'abbés commendataires, puis la ville et l'abbaye furent durement touchées par les guerres de Religion : la cité passa aux huguenots, l'abbatiale servit de temple réformé à certaines périodes et les moines durent s'enfuir avant de revenir. Au XVIIe siècle, les Mauristes furent chargés de la maison et entreprirent des réformes ainsi que le relèvement des bâtiments claustraux. Vendue à la Révolution, l'abbaye fut largement démolie et seule l'église échappa à la destruction. Des effondrements de voûtes au XIXe siècle motivèrent des restaurations conduites notamment par Anatole de Baudot et son successeur, qui dégagèrent le chevet avant sa restauration. L'abbatiale, planifiée selon les besoins du pèlerinage, présente un chœur à déambulatoire et des chapelles rayonnantes et reflète les courants artistiques du carrefour du Quercy, du Limousin et de l'Auvergne. Le portail méridional conserve un tympan sculpté de grande renommée : il représente la Parousie avec le Christ triomphant devant une grande croix parousiaque, entouré d'apôtres et d'anges, et surplombant une frise de monstres et de figures symboliques qui incarnent la victoire sur le mal. Le linteau et les registres inférieurs complètent ce programme eschatologique par des bêtes et des monstres en mouvement, conférant à l'ensemble une vivacité remarquable. La salle capitulaire, dans le prolongement du transept, est utilisée comme sacristie depuis 1903 et conserve un ensemble significatif de chapiteaux romans ornementaux. L'abbaye a bénéficié de protections successives au titre des monuments historiques, depuis le classement de l'abbatiale au XIXe siècle jusqu'à l'inscription des vestiges au XXe siècle. Le mobilier liturgique comprend notamment deux retables classés — dont celui de la chapelle de la Vierge réalisé en 1678 par Pierre Estrade et Jean Duchesne — ainsi que plusieurs reliquaires et objets d'orfèvrerie classés à la fin du XIXe siècle, parmi lesquels une châsse, des bras‑reliquaires et une Vierge à l'Enfant. Aujourd'hui, l'abbatiale, entourée de maisons basses et de ruelles étroites, demeure un témoin authentique du passé monastique et conserve l'une des œuvres majeures de la sculpture romane.