Origine et histoire de l'Abbatiale Notre-Dame-et-Saint-Edme
L'abbaye de Pontigny, située dans l'Yonne en Bourgogne, est un ancien monastère cistercien fondé en 1114 et la deuxième des quatre premières filles de Cîteaux. Sa notoriété tient à son rang dans l'ordre cistercien, au prestige de ses protecteurs et hôtes, à l'importance de sa communauté et de ses possessions, à la richesse de sa bibliothèque et à la valeur de son architecture. Fermée à la Révolution, elle fut en grande partie détruite, mais conserve la plus grande église cistercienne encore subsistante, affectée depuis 1954 à la Mission de France. L'installation des moines à Pontigny remonte à un groupe dirigé par Hugues de Mâcon envoyé par Étienne Harding à la demande d'un prêtre d'Auxerre ; le nom de Pontigny dérive vraisemblablement du toponyme gallo‑romain Pontiniacum. L'abbaye occupait une position frontière entre plusieurs diocèses et comtés, situation qui inspira une légende locale sur les limites de juridiction. Son développement aux XIIe et XIIIe siècles fut soutenu par de nombreux protecteurs laïcs et ecclésiastiques, notamment des rois de France et d'Angleterre, des comtes, ainsi que par de nombreuses confirmations pontificales et appuis épiscopaux. Les rois capétiens confirmèrent et enrichirent ses privilèges et possessions, tandis que des souverains anglais assurèrent des secours et des rentes pour l'entretien du culte autour du tombeau de saint Edme. Les comtes de Nevers et d'autres seigneurs comtaux furent parmi ses bienfaiteurs principaux et gardiens traditionnels, la paternité de la fondation attribuée aux comtes de Champagne étant toutefois considérée comme erronée par les archives. Le temporel agricole se constitua progressivement autour de l'abbaye : champs, prés, forêts et, à la fin du XIIe siècle, des terres viticoles notamment à Chablis. Dès 1138 apparut une organisation par granges ; la documentation mentionne une douzaine de granges ainsi que des celliers, des maisons urbaines et des moulins répartis principalement dans l'Yonne et les régions voisines. Les moines exploitèrent aussi des mines de fer, des carrières d'argile pour la fabrication de tuiles et de briques, et aménagèrent une importante dérivation du Serein pour leurs moulins et leurs droits de pêche. À partir du XIIIe siècle, les dons furent de plus en plus convertis en rentes ; aux siècles suivants, des granges furent affermées à des laïcs et l'exploitation passa à des métayers et fermiers. L'abbaye disposait d'une hôtellerie notable et accueillit des hôtes prestigieux, parmi lesquels Thomas Becket, réfugié de 1164 à 1166, la reine Adèle de Champagne et Étienne Langton. L'archevêque Edmond d'Abingdon, saint Edme, y fut inhumé après sa mort en 1240 ; la canonisation et la floraison de miracles autour de son tombeau firent de Pontigny un lieu de pèlerinage. La communauté monastique fut importante aux XIIe‑XIIIe siècles : les sources évoquent plusieurs dizaines de moines et un effectif élevé de convers, et la liste des abbés montre que certains supérieurs accédèrent à de hautes charges ecclésiastiques. Pontigny donna naissance à une vaste filiation : 43 abbayes‑filles réparties en France et au-delà, jusqu'en Italie, en Hongrie et en Roumanie. Sa bibliothèque médiévale figurait parmi les trois plus importantes du monde cistercien ; un catalogue de la fin du XIIe siècle décrit 271 manuscrits, reflet d'une activité soutenue du scriptorium entre environ 1135 et 1220. À la Révolution, la bibliothèque fut transférée à Auxerre et de nombreux manuscrits et imprimés furent dispersés ; on retrouve aujourd'hui près de 120 manuscrits ou fragments issus de Pontigny dans des dépôts en France et à l'étranger. Après la Révolution, l'enclos abbatial fut vendu, l'église réservée à la commune et la plupart des bâtiments démolis, sauf une aile du cloître et le bâtiment des frères convers. En 1842 l'archevêque de Sens acquit le domaine et y installa une petite communauté qui donna naissance à la congrégation de Saint Edme ; Paul Desjardins racheta le domaine en 1906 et y organisa les Décades de Pontigny entre 1910 et 1939. Le site servit ensuite de collège franco‑américain, puis de séminaire de la Mission de France à partir de 1954 ; le conseil régional de Bourgogne acquit le domaine en 2003 et a ouvert une partie au public. La région a ensuite engagé une procédure de cession qui s'est soldée par la validation de la vente à la fondation François Schneider en décembre 2020, et un projet de réhabilitation centré sur la « Terre » a été lauréat en 2024 d'un appel à projets de tourisme durable. Le patrimoine architectural conserve surtout l'abbatiale, classée au titre des monuments historiques, le bâtiment des convers des XIIe‑XIIIe siècles, des vestiges du cloître, des portails et une portion des murs d'enceinte. Depuis le début du XVIe siècle, l'abbaye porte des armoiries parlantes « d'azur au pont d'argent surmonté d'un arbre portant un oiseau dans son nid, accosté de deux fleurs de lis d'or », reprises par la commune de Pontigny.