Origine et histoire de l'Abbatiale Saint-Pierre-et-Saint-Paul
L'abbatiale Saints-Pierre-et-Paul de Wissembourg trouve son origine vers 660 sur une île de la Lauter, une fondation attribuée par une charte apocryphe au roi Dagobert mais que l'historiographie situe également sous l'impulsion de l'évêque de Spire Dragobod, selon un manuscrit de 661. Grâce à d'importantes donations la maison monastique acquit des terres à travers l'Alsace, le Palatinat rhénan et l'Ufgau; elle put, entre autres, racheter des parts dans les salines de Vic-sur-Seille (682) et acquérir la forêt du Mundat (760), jouissant de privilèges d'immunité. Saint Pirmin introduisit la règle bénédictine en 753, appuyé semble-t-il par Charles Martel, et le monastère connut un rayonnement culturel attesté par la rédaction du catéchisme de Wissembourg et par l'œuvre du moine Otfried. Au cours du haut Moyen Âge l'abbaye obtint à plusieurs reprises la confirmation du droit d'élire son supérieur, actes impériaux datés notamment de 882, 968 et 993. Des attaques et incendies marquèrent la fin du premier millénaire : incursions hongroises au début du Xe siècle, pillage et incendie en 985, puis nouveau sinistre en 1004 qui conduisit à une reconstruction dont le chœur fut consacré en 1033 et l'église en 1073. Sous l'abbatiat de Samuel (XIe siècle) fut élevée la tour occidentale, unique vestige notable de l'édifice ottonien, tandis que la chapelle du cloître remonte à la même époque. Après l'introduction de réformes monastiques au XIIe siècle, la congrégation entra en déclin à la seconde moitié du XIIIe siècle; l'abbé Édelin (1262-1293) engagea alors une vaste reconstruction gothique en commençant par le chevet : chœur, transept, tour de croisée, chapelles et sacristie nord à étage. La consécration de quatre autels en 1284 indique que le sanctuaire était déjà en usage liturgique; la nef fut édifiée en deux campagnes homogènes au début du XIVe siècle et un jubé y fut établi. Une chapelle Saint-Willibrord fut accolée à la sacristie en 1333 et la galerie méridionale du cloître paraît avoir été élevée en même temps que la nef. La flèche médiévale de la tour de croisée, signalée comme vrillée sur des vues anciennes, fut endommagée pendant la guerre de Trente Ans ; la tour fut alors surhaussée et couverte d'un toit à l'impériale avec lanternon, puis la flèche actuelle fut établie au XIXe siècle d'après le projet de Charles Winkler (1885). La Révolution provoqua la mutilation des sculptures des tympans, la destruction du lustre roman et du mobilier, la suppression du chapitre et la transformation de l'église en paroissiale; le jubé fut supprimé, le niveau du sol relevé d'environ 80 cm et les intérieurs blanchis. Au XIXe siècle on entreprit des réaménagements : en 1822-1828 le chœur reçoit de nouvelles stalles et des autels néogothiques, et en 1823 la fenêtre est de l'abside est partiellement murée. Des campagnes de restauration engagées à partir de 1865 ont notamment abaissé le sol et dégagé des peintures murales des XIVe et XVe siècles, découvertes à plusieurs reprises dans le transept et les chapelles (dégagements signalés en 1860 et en 1967 dans le croisillon sud). En 1875, les chapelles reçurent un décor peint néogothique; en 1934 fut mise au jour une absidiole d'un édifice antérieur contre le bras nord du transept. Les dates 1741, 1757, 1865 et 1866 figurent sur des contreforts et à la base de la tourelle sud-est, témoignant des interventions successives. L'abbaye, qui s'était à l'origine constituée comme une des plus riches du Saint-Empire, connut au fil des siècles la perte progressive de son patrimoine et la transformation de son statut ; le chapitre fut finalement supprimé à la Révolution et une partie de ses livres est aujourd'hui conservée à Wolfenbüttel. L'église est classée au titre des monuments historiques depuis le 16 février 1930.