Période
XIVe siècle
Patrimoine classé
Immeubles (cad. AB 617 (anciennement B 368p) , 681 (anciennement B 369) , 682 (anciennement B 370, 371) , 695 (anciennement B 373p) : inscription par arrêté du 28 novembre 1941 - Les parties suivantes de l'abbaye de la Chaise-Dieu : en totalité : l'église abbatiale et la tour Clémentine, la maison du Cardinal de Rohan, le bâtiment des Hôtes et du réfectoire des abbés, la bibliothèque, le cloître, la chapelle des pénitents, l'aile du grand escalier, les jardins, les bâtiments est donnant sur le cours Lafayette, les communs, le cours Lafayette et la place de l'Echo ; partiellement : l'aile ouest des grands dortoirs et l'aile nord des petits dortoirs (cad. AB 618 à 624, 628 à 632, 666 à 670, 677 à 680, 683 à 685, 691, 749 ; domaine public, non cadastré : cours Lafayette et place de l'Echo) : classement par arrêté du 27 mai 2009 - La partie de l'aile nord des petits dortoirs (cad. AB 617) : classement par arrêté du 24 novembre 2014
Origine et histoire de l'Abbaye de la Chaise-Dieu
L'église abbatiale Saint‑Robert se dresse à La Chaise‑Dieu, en Haute‑Loire, et est classée au titre des monuments historiques. L'abbaye a été fondée par Robert de Turlande en 1043 et comptait environ trois cents moines à sa mort. Un ancien moine, Pierre Roger de Beaufort, devenu pape sous le nom de Clément VI, décida de remplacer l'ancienne église romane par une abbatiale plus vaste et d'y établir son tombeau. L'annonce de la reconstruction date du 3 mai 1344 et les travaux de fondation commencèrent dès cette année‑là; le gros œuvre, aux dimensions importantes, fut achevé rapidement, selon les comptes du chantier. La nouvelle abbatiale fut édifiée autour de l'ancien édifice roman dont la nef fut démolie d'ouest en est et le chœur ultérieurement; Hugues Morel et le maître‑lapicide Pierre Salciat assurèrent l'exécution, Salciat prenant la direction des travaux à partir de 1347. Pierre de Cébazat, maître d'œuvre de la cathédrale de Clermont, fut l'interlocuteur privilégié du pape et présenta, avec Salciat, des dessins de l'abbatiale et de son portail occidental. Bâtie en granit gris local, l'abbatiale est un édifice gothique de style rayonnant, marqué par une grande austérité et parfois rangé parmi les réalisations du gothique méridional, bien que son importance dépasse le cadre régional. L'édifice subit d'importants dommages lors du passage de troupes huguenotes et connut des aménagements et enrichissements au XVIIe et au début du XVIIIe siècle, notamment la construction et l'amélioration d'un orgue par l'abbé Hyacinthe Serroni. Une restauration menée par Michel Garnier a concerné l'ensemble entre 1990 et 1995.
L'abbatiale conserve un jubé rare resté à son emplacement d'origine, lequel a été abaissé d'un peu plus d'un mètre pour ne pas isoler acoustiquement l'orgue du reste de la nef. Elle abrite également une danse macabre peinte sur trois panneaux, longue de vingt‑six mètres et datée du XVe siècle, située dans le bas‑côté gauche du chœur; la fresque oppose des religieux et des laïcs à la mort figurée non comme un squelette mais comme un transi. Les voûtes de la nef sont en arc surbaissé; les collatéraux atteignent la même hauteur que le vaisseau central et l'absence de chapiteaux à la naissance des voûtes confère à l'ensemble une acoustique particulière.
L'orgue de l'abbatiale se compose de deux buffets construits séparément et de styles différents; la tribune et le petit buffet, réalisés en 1683 par le sculpteur Jean Cox, occupent toute la largeur de la nef et présentent une riche sculpture. Commandé par Hyacinthe Serroni, cet ensemble n'avait pas été achevé et, en 1726, le facteur Marin Carouge installa un nouvel instrument dans un buffet ajouté derrière le premier, formant ainsi le Grand‑Orgue; ce second buffet est d'un travail plus sobre et d'un style distinct. Peu utilisé après la Révolution, l'instrument se dégrada jusqu'à l'intervention de György Cziffra en 1966, qui contribua à relancer l'intérêt pour l'orgue et le festival de musique de La Chaise‑Dieu. La tribune et les buffets ont été classés au titre des objets des monuments historiques en 1903, la partie instrumentale ayant reçu une protection complémentaire en 1970; l'orgue a été restauré dans les années 1970 puis de façon plus aboutie dans les années 1990. Il présente aujourd'hui quarante jeux répartis sur quatre claviers manuels et un pédalier à la française, des transmissions mécaniques et un soufflage assuré par quatre soufflets cunéiformes; son diapason est à La = 396 Hz, ce qui le rend particulièrement adapté à l'interprétation de la musique française du Grand Siècle.
Le patrimoine textile de l'abbaye comprend un ensemble remarquable de quatorze tapisseries flamandes de la Renaissance, composé de deux tapisseries carrées représentant la Nativité et la Résurrection et de douze tentures de six à huit mètres. Commandées par l'abbé régulier Jacques de Saint‑Nectaire, ces tapisseries, classées dès la première liste des monuments historiques de 1840, ont été exposées au XXe siècle dans le chœur et ont souffert de l'humidité, de la lumière et de la poussière. La commune confia leur restauration aux ateliers Chevalier, qui ont procédé à un long nettoyage, à la restauration des fibres et au doublage nécessaire; après restauration complète, les tapisseries sont présentées depuis 2019 dans l'ancienne chapelle Notre‑Dame du collège, spécialement aménagée pour leur conservation. Dans cet espace, les douze tentures sont exposées à hauteur d'homme pour permettre une observation détaillée, tandis que les deux grandes tapisseries carrées sont présentées dans une salle à l'étage. Iconographiquement, ces tapisseries s'inspirent principalement de la Biblia pauperum et mettent en relation une scène centrale du Nouveau Testament, consacrée au Christ ou à la Vierge, avec des épisodes de l'Ancien Testament destinés à en être des préfigurations.
La salle de l'Écho, voûtée en arêtes, présente une propriété acoustique remarquable : un chuchotement placé dans un angle se fait entendre distinctement dans l'angle de la diagonale opposée, caractéristique qui a donné lieu à des interprétations sur son usage liturgique. L'ensemble de l'abbatiale, ses décors, son orgue et ses tapisseries font l'objet d'une protection comme monument historique depuis 1840.