Origine et histoire de l'Abbatiale Saint-Sauveur
L’abbatiale Saint‑Sauveur de Redon, ancienne église abbatiale, se dresse au nord des bâtiments conventuels et domine la confluence de la Vilaine et de l’Oust depuis son promontoire schisteux. Fondée en 832 par le moine bénédictin Conwoïon sous la protection du roi Nominoé, l’abbaye a joué un rôle important dans l’affirmation de la souveraineté bretonne. L’église primitive, gravement endommagée par les raids normands, est reconstruite au cours de la première moitié du XIe siècle ; de cet état roman subsiste notamment la nef, d’origine plus longue avant l’incendie de 1780. Au XIIe siècle est élevée la tour de croisée, au plan rectangulaire transverse inspiré des modèles aquitains, dont l’architecture impose une forte valeur symbolique liée au soutien princier dont bénéficiait le monastère. En 1230 un nouvel incendie cause d’importants dégâts; Henri III d’Angleterre et le pape encouragent ensuite la reconstruction par des aides et l’octroi d’indulgences. Un différend avec le duc Jean Ier entraîne l’exil des moines jusqu’en 1256 et retarde le chantier du chœur, qui commence probablement entre 1260 et 1270 ; la chronique de 1276 et la présence de verrières représentant les ducs autour de 1300 attestent l’achèvement progressif des parties basses puis hautes du nouvel édifice. La reconstruction gothique du chœur, datable des vingt dernières années du XIIIe siècle, donne naissance à un chevet rayonnant à cinq pans entouré d’un déambulatoire et de chapelles qui témoigne d’une grande unité stylistique. Au début du XIVe siècle le projet d’une façade monumentale n’aboutit qu’à la réalisation de la tour nord, achevée avant 1341, tandis que le reste du projet reste inachevé. À la fin du Moyen Âge, la victoire et l’installation du parti Montfort se traduisent par l’ajout, vers 1440, de la chapelle Notre‑Dame‑de‑Bonne‑Nouvelle, dite « chapelle au duc », incorporée à l’enceinte urbaine ; le tombeau du duc François Ier y trouve place et figure parmi les monuments classés. Les bâtiments monastiques sont entièrement reconstruits au XVIIe siècle sous l’impulsion de l’abbé commendataire Richelieu et des bénédictins de Saint‑Maur, qui font aussi installer dans le chœur un retable baroque commandé à l’atelier lavallois de Tugal Caris. L’incendie de 1780 ravage la nef, supprime cinq travées et conduit à l’abaissement de la voûte, à l’obturation des baies hautes et à la construction d’une nouvelle façade occidentale de style classique, isolant la tour nord‑ouest comme un campanile. Après la suppression de l’abbaye à la Révolution en 1790, l’église est affectée au culte paroissial tandis que les bâtiments conventuels accueillent des établissements scolaires ; la chapelle conserve un mobilier daté du XIXe siècle. La chapelle de la Congrégation et le cloître sont inscrits depuis 1930, et l’ensemble conventuel abrite aujourd’hui le collège Saint‑Sauveur. Classée au titre des monuments historiques depuis 1862 et le clocher depuis 1875, l’abbatiale a fait l’objet de restaurations aux XIXe et XXe siècles, dont une intervention notable en 1910 par Paul Gout qui a restitué l’aspect du chevet en supprimant des adjonctions mauristes. Sur le plan architectural, l’édifice associe une nef romane à trois vaisseaux et un transept doté d’une croisée remarquable, une tour de croisée unique en Bretagne, et un chevet gothique rayonnant sobre et rigoureux, caractérisé par un triforium continu et des fenêtres hautes en réseau. Le mobilier protégé comprend notamment le grand retable du maître‑autel, plusieurs retables secondaires et des tombeaux classés, et l’église conserve deux orgues. L’abbatiale demeure un lieu de culte et de patrimoine, témoin des longues évolutions architecturales et des événements qui ont marqué l’histoire religieuse et politique de la région.