Origine et histoire de l'Abbaye
L'abbaye bénédictine d'Altorf, située dans le village d'Altorf (Bas-Rhin, canton de Molsheim), se trouve sur la RD 393 entre Strasbourg et Molsheim et est accessible depuis l'A35 par la sortie Dorlisheim. Elle a été fondée par le comte d'Eguisheim dans la seconde moitié du Xe siècle; la chapelle initiale fut consacrée en 974 par l'évêque de Strasbourg en présence de l'abbé Maïeul de Cluny. Au milieu du XIe siècle, le pape Léon IX consacra un autel et offrit des reliques, dont un bras de saint Cyriaque, qui devint le patron principal de l'abbaye, reléguant saint Barthélemy et saint Grégoire. L'abbaye fut occupée par des moines bénédictins de 974 à 1790 et connut plusieurs affiliations monastiques, dont la ratification à la Congrégation de Bursfelde et, en 1624, l'incorporation à la congrégation bénédictine de Strasbourg. Elle subit de nombreuses destructions et pillages, notamment pendant la guerre des Paysans et la guerre de Trente Ans, et fit l'objet de reconstructions régulières. La nef romane de l'église Saint-Cyriaque date des campagnes de construction des XIIe et XIIIe siècles, tandis que le chœur et le transept furent reconstruits au début du XVIIIe siècle par l'architecte Peter Thumb. L'ancienne maison abbatiale, aujourd'hui presbytère, remonte à la fin du XVIe siècle; le maître-autel et d'autres aménagements intérieurs sont du XVIIIe siècle. Les bâtiments conventuels ont été reconstruits à plusieurs reprises; le cloître fut refait au XVIe siècle, comme en témoigne une console datée 1581, et les travaux majeurs du début du XVIIIe siècle comprirent la reconstruction de l'aile nord par Albert Regutz et l'édification de la partie orientale en plan en H sous la direction de Peter Thumb, dont la première pierre fut posée en 1715. Ces constructions comprenaient un grand réfectoire, des galeries voûtées servant de cloître autour du jardin intérieur et des accès directs aux sacristies et à l'église; seule la galerie ouest et les deux premières travées de la galerie nord subsistent, intégrées à des bâtiments remaniés. Les anciennes cuisines, détruites en 1702, furent rebâties par Albert Regutz; la grande grange fut élevée en 1713 par Mathias Dietterle. Le plan d'ensemble du XVIIIe siècle comprenait un soubassement voûté, un rez-de-chaussée et deux étages, des toits à croupes et des avant-corps à frontons selon les descriptions et vues de l'époque, mais la construction de Thumb fut partiellement démolie après la vente des bâtiments au début du XIXe siècle. À l'intérieur, la nef conserve l'esprit roman et le mobilier baroque du XVIIIe siècle inclut un maître-autel, des stalles, une chaire à prêcher, un orgue signé André Silbermann (1729) et plusieurs autels latéraux consacrés à des saints; les fonts baptismaux gothiques datent du XVe siècle. Le buste reliquaire de saint Cyriaque, constitué d'un tronc en chêne du XIIe siècle partiellement revêtu de plaques métalliques et enrichi de médaillons aux XIIIe siècle, est la pièce la plus importante de l'église; il fut complété et restauré à plusieurs reprises, notamment vers 1730 pour son exposition et par Martin Vogeno en 1883-1884. L'exposition à baldaquin du buste et les reliquaires qui l'entourent, représentant saint Benoît et saint Joseph, participent à la réputation de l'abbaye comme lieu de pèlerinage pour les épileptiques, les fiévreux et les malades nerveux. L'abbaye possédait aussi un atelier monétaire établi dès la fin du Xe siècle, dont l'activité cessa à la fin du XIIIe siècle avant un bref redémarrage et le transfert ultérieur des droits à l'atelier épiscopal de Strasbourg. Le domaine abbatial comprenait un jardin et un étang aménagé en 1734 avec canaux et viviers pour l'élevage de poissons, destiné à l'approvisionnement des moines; le jardin du cloître abritait des espaces de culture et de recueillement identifiés comme pomarium, herbularius et hortus. La communauté déclina à la fin de l'Ancien Régime et les moines durent quitter l'abbaye en 1791; les bâtiments furent d'abord affectés à l'hôpital militaire puis vendus au début du XIXe siècle. Le site conserve des vestiges lapidaires réemployés et des éléments architecturaux issus des nombreuses phases de reconstruction, et la croix funéraire de Laurent Klein est encastrée à l'emplacement d'une ancienne porte du chœur. L'abbaye a fait l'objet de protections au titre des monuments historiques, avec le classement du maître-autel en 1932, l'inscription de la façade à pignon du presbytère en 1937 et le classement de l'église paroissiale Saint-Cyriaque en 1983. Les abbés se sont succédé pendant huit cents ans, depuis des figures anciennes comme Benno, mort vers 991, jusqu'à Cyriakus Spitz, dernier abbé à l'époque de la suppression.