Période
2e moitié XIIe siècle, 1ère moitié XVIe siècle, XVIIIe siècle
Patrimoine classé
La grille en fer forgé du XVIIIe siècle de la porte du parc avec son encadrement de pierre et les murs circulaires situés de part et d'autre du portail (cad. C 37) : classement par arrêté du 16 octobre 1956 - L'ancien hôtel abbatial : la façade principale sud, la toiture correspondante et l'escalier en vis intérieur (cad. C 189, 190) : inscription par arrêté du 30 juillet 2004 - Les bâtiments de l'ancienne abbaye à l'intérieur de l'enclos : les ailes ouest, nord et est des anciens bâtiments conventuels, y compris la parcelle où se trouvait l'ancienne église et la galerie sud du cloître (cad. C 357) ; l'ancien chur de l'église et les vestiges des murs est et sud du bras sud du transept, les pavillons d'entrée, les deux ponts, l'ancien moulin, le colombier et le mur d'enceinte (cad. C 30, 33 à 38, 426, 427, 170 à 173, 175, 177, 178, 180, 181, 357) : classement par arrêté du 4 octobre 2006 - Les sols à l'intérieur de l'enclos de l'ancienne abbaye, le bief avec ses aménagements, y compris les maçonneries bordant le bief et l'Aube, l'église néo-gothique et le quartier disciplinaire de l'ancienne colonie agricole pénitentiaire (cad. C 30, 33 à 38, 426, 427, 170 à 173, 422, 423, 175, 177, 178, 424, 425, 180 à 182) : inscription par arrêté du 4 octobre 2006
Origine et histoire de l'Abbaye
Fondée en 1135 par saint Bernard comme fille de Clairvaux, l'abbaye cistercienne d'Auberive est implantée en fond de vallée en Haute-Marne et conserve l'organisation de son plan d'origine. Sur des terres offertes par l'évêque de Langres et des seigneurs locaux, les moines assainirent un terrain marécageux en détournant le cours de l'Aube, creusant un bief destiné au moulin et des canaux pour évacuer les eaux usées, ce qui permit l'implantation d'un ensemble monastique conforme au modèle cistercien. À son apogée au XIIIe siècle, l'abbaye possédait de nombreuses dépendances, moulins, étangs, mines et vignobles, puis connut, aux XIVe et XVe siècles, des difficultés liées à la guerre de Cent Ans qui réduisirent sensiblement son cheptel et conduisirent à la mise en fermage de la plupart de ses biens. Deux éléments architecturaux rappellent encore le Moyen Âge sur le site : le sanctuaire de l'église abbatiale et l'entourage de la porte du réfectoire des moines. Le XVIe siècle voit l'installation de la commende ; entre 1519 et 1791, l'abbaye eut quatorze abbés commendataires, dont Louis de Rye, qui fit édifier un palais abbatial en dehors de l'enclos. L'établissement subit également des pillages durant les guerres de Religion. Au XVIIIe siècle, la majeure partie des bâtiments est reconstruite grâce aux ressources de la communauté ; les travaux s'étendent de 1753 à 1777, aboutissant à une nouvelle église achevée en 1777 tandis que l'ancien chœur est converti en remise et en bûcher. L'aile ouest conserve des boiseries d'origine et un grand escalier suspendu dont le garde-corps en fer forgé est du XVIIIe siècle, tandis que l'ancien dortoir des moines, élevé selon les plans de l'architecte François Buron entre 1782 et 1787, abrite un escalier monumental à quatre noyaux. Parmi les dépendances figurent un pigeonnier octogonal et un moulin qui présente encore en élévation des éléments du XIIIe siècle, vestiges jugés rares dans la région et en France ; le bâtiment est par ailleurs élargi au XIXe siècle lors de l'aménagement d'une orangerie. Après la suppression des ordres en 1789, les derniers moines quittent les lieux à la fin de 1790 et le domaine est inventorié puis vendu comme bien national. Au tournant du XIXe siècle, Abel Caroillon de Vandeul installe une filature de coton en adaptant la chute d'eau du moulin et en important des métiers anglais, avant de transformer l'abbaye en résidence de plaisance pour sa famille ; le domaine passe ensuite entre diverses mains, dont le maître de forges Bordet, qui démonte en 1835 l'église abbatiale du XVIIIe siècle et agrandit le moulin en 1844 pour en faire une orangerie. L'État acquiert l'abbaye en 1856 pour en faire une maison centrale pour femmes afin de désengorger Clairvaux ; l'architecte Dormoy renforce l'enceinte, aménage des cellules de punition et des dortoirs collectifs, et élève une chapelle polyvalente conçue pour accueillir jusqu'à 600 détenues, servant de lieu de culte, d'enseignement et de réfectoire. Des cachots sont aménagés au milieu du XIXe siècle dans un étage entresolé lors de la conversion en prison, et la vie carcérale y est structurée autour d'un emploi du temps strict et de travaux confiés par contrat à des entrepreneurs privés, principalement pour la confection de vêtements militaires. La prison accueille des personnalités comme Louise Michel, transférée à Auberive en 1871 avant sa déportation, puis se transforme entre 1885 et 1891 en colonie industrielle pour mineures et, de 1894 à 1924, en colonie agricole pour jeunes garçons, accueillant en moyenne entre 100 et 200 enfants et alternant travaux agricoles et enseignement élémentaire. Mise en vente en 1926, l'abbaye retrouve une vie monastique de 1927 à 1960 sous diverses communautés religieuses, qui y développent notamment un verger de variétés anciennes, avant d'être rachetée en 1960 par l'entreprise Solvay pour en faire une colonie de vacances ; elle ouvre pour la première fois au public en 2005. Partiellement classée au titre des monuments historiques depuis 1956, l'abbaye est aujourd'hui propriété privée de la famille Volot, qui mène sa réhabilitation culturelle autour d'un centre d'art contemporain, d'une saison musicale et festive estivale, et d'un verger conservatoire de variétés fruitières anciennes sur un parc de six hectares et demi ; l'ancien palais abbatial voisin accueille une auberge et le site est ouvert au public.