Origine et histoire de l'Abbaye d'Étival-en-Charnie
La chapelle d'Étival est l'ancienne église abbatiale des religieuses bénédictines d'Étival-en-Charnie, située à Chemiré-en-Charnie dans la Sarthe ; elle doit sa fondation de 1109 à la rencontre entre l'ermite saint Alleaume, disciple de Robert d'Arbrissel, et Raoul VII de Beaumont. Raoul VII finança l'édification de l'abbaye au cœur de la forêt de la Charnie, en utilisant le calcaire de la Champagne mancelle et les roches roussard des environs, qui lui confèrent une teinte sombre. L'évêque du Mans, Hildebert de Lavardin, consacra l'église et voulut y voir observée la règle de saint Benoît. Trente et une abbesses se succédèrent à la tête de la communauté jusqu'en 1790 ; la plupart appartenaient aux grandes familles nobles du Maine, parmi lesquelles les Beaumont, Brienne, Sillé, Bouillé, Laval, du Bellay, Cossé ou Courtalvert. La fondatrice, Godehilde, venait de l'abbaye du Ronceray d'Angers et était la sœur de Raoul de Beaumont. Parmi les abbesses remarquées, Claire Néau de Lestang, réformatrice de 1627 à 1660, tenta d'introduire une réforme en 1636, qui ne fut acceptée qu'en 1650 et suscita des moqueries, notamment dans Le Roman comique de Scarron ; Henriette d'Espinay-Saint-Luc démissionna en 1664 en faveur de sa sœur Françoise Catherine, et Madeleine de Bernart de Courmesnil est attestée comme abbesse en 1789. Catherine du Bouchet de Sources est mentionnée comme religieuse de l'abbaye. En 1215 l'abbaye détenait des droits d'usage dans la forêt de Bouère, notamment pour le bois mort et le bois vif. Reconstituée après un incendie accidentel en 1511, l'abbaye devint l'une des plus riches du Maine : elle s'étendait sur 1 200 hectares et comprenait deux étangs (dont un de sept hectares), un moulin, un four à chaux, des forges et employait une quarantaine de personnes. Elle fut aussi un lieu de culture et de culte où l'on réalisa des traductions et des ouvrages religieux, et servit de refuge aux persécutés lors des périodes troublées, comme l'Inquisition et la Révolution. En 1789, quatorze moniales de chœur et six converses occupaient encore l'abbaye lorsque les religieuses furent expulsées ; l'abbaye fut en grande partie détruite par les révolutionnaires et des réfugiés périrent. Après un inventaire gouvernemental estimant sa valeur à 400 000 livres, l'abbaye fut vendue 30 000 livres en 1790 puis utilisée comme carrière de pierres à partir de 1792. Seul subsiste aujourd'hui l'ancien croisillon nord du transept de l'église abbatiale du XIIe siècle, transformé en chapelle et relié à une absidiole et à une sacristie. On y remarque des contreforts d'angle, une fenêtre romane haute au pignon aux larges claveaux et une porte basse à deux voussures en grès roussard, tandis que l'intérieur témoigne de modifications des ouvertures au cours des six siècles de fonctionnement de l'abbaye. Une fresque représente une abbesse tenant une crosse et un livre entrouvert ; on conserve aussi un fragment de dalle funéraire attribué à Jeanne de Laval, un retable de 1780 réalisé par Lebrun, les chapiteaux des colonnes extérieures de l'abside du XIIe siècle, un vitrail aux armes de Raoul de Beaumont et un autel rapporté lors de la restauration de 1900, signé Lebrun (1779). Après quarante années d'abandon, la chapelle fut restaurée au début du XXe siècle grâce à une subvention de la Commission des monuments historiques de la Sarthe et à des souscriptions, sous la direction de Robert Triger, et rendue au culte le 11 juillet 1901. Les fouilles de 1901 et 1902 ont permis de retrouver le plan de l'abbaye — église, cloître, chapitre, appartements abbatiaux et bâtiments conventuels — et d'établir que le chœur roman avait été remplacé par un chœur gothique ; il est probable que l'abbatiale avait à l'origine un plan et des dimensions proches de certaines églises régionales. La chapelle est classée monument historique par arrêté du 7 novembre 1973. La statuaire conserve un petit retable en bois de Lebrun (1780), la pierre tombale de l'abbesse Jeanne de Laval (XVe–XVIe siècle), une Vierge à l'Enfant, des statues de saint Fiacre, de saint Alleaume et de sainte Scolastique, ainsi qu'un Christ en croix. Plusieurs gisants de pierre, retrouvés en 1848 par l'archéologue M. Hucher sous l'ancienne sacristie, sont conservés au musée du Carré Plantagenêt au Mans ; ils représentent des membres de la famille des vicomtes de Beaumont et ont été datés entre le XIIe et le XIVe siècle, avec des attributions possibles précisées par les spécialistes. La paroisse d'Étival-en-Charnie fut rattachée à Chemiré-en-Charnie par décret de Napoléon Ier en 1809. À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, la région était connue pour son élevage d'oies, avec plus de 8 000 têtes dont une part importante était exportée vers l'Angleterre via la gare de Chemiré-en-Charnie. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le maquis d'Étival fut réprimé le 20 juin 1944 ; parmi les fusillés près de l'étang de l'abbaye figurent Francisque Eugène Bec, parachuté anglais, et Claude Hilleret, jeune patriote français, membres des groupes mobiles franco-anglais de la Sarthe.