Origine et histoire de l'Abbaye d'Hautecombe
L’abbaye royale d’Hautecombe est un ensemble monastique en activité, situé sur la rive occidentale du lac du Bourget, sur la commune de Saint‑Pierre‑de‑Curtille en Savoie. Fondée au XIIe siècle par Amédée de Lausanne avec l’appui du comte Amédée III de Savoie, de Mahaut d’Albon et de Bernard de Clairvaux, elle fut construite par des moines cisterciens et devint rapidement une maison influente. Hautecombe est surtout connue comme nécropole de la maison de Savoie, accueillant les sépultures de de nombreux comtes, princes et, plus tard, de certains rois et reines d’Italie. Le site présente une longue histoire d’occupation, depuis des vestiges palafittiques préhistoriques classés au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2011 jusqu’à des traces d’un temple gallo‑romain à l’emplacement de l’abbaye. Initialement implantés à Cessens, les moines se rattachèrent à l’ordre cistercien sous l’influence de Bernard de Clairvaux et transférèrent ensuite leur communauté sur le promontoire de Charaïa, aujourd’hui Hautecombe. L’abbaye connut une période de prospérité médiévale, étendant ses possessions par donations et fondant même des maisons dépendantes en Italie et en Orient. À partir du XVe siècle, le régime de la commende affaiblit la vie monastique et entraîna un lent déclin des vocations et des ressources. La Révolution française chassa les derniers moines, entraîna la vente des biens comme biens nationaux et transforma partiellement l’abbaye en faïencerie, avant que l’édifice ne soit laissé en ruine. Rachetée au début du XIXe siècle par le roi Charles‑Félix de Sardaigne, l’abbaye fut restaurée dans un goût néo‑gothique baroque sous la direction de l’architecte Ernesto Melano ; la restauration permit de restituer l’église, de relever les monuments et de redonner au lieu sa fonction funéraire pour la dynastie. Reconnue propriété privée au sein d’une fondation créée par Charles‑Félix, l’abbaye retrouva des religieux cisterciens en 1826, puis connut, au XXe siècle, une présence bénédictine de 1922 à 1992. Durant la Seconde Guerre mondiale, Hautecombe hébergea des religieux polonais arrêtés par la Gestapo en 1944, et l’abbaye joua après‑guerre un rôle pastoral pour la communauté polonaise locale. À la fin des années 1980, les bénédictins quittèrent le site pour Ganagobie, et la communauté du Chemin Neuf s’installa à Hautecombe en 1992 pour assurer la prière, l’accueil des visiteurs, l’entretien du monument et en faire un centre de formation spirituelle. Implantée sur un éperon rocheux au pied du mont de la Charvaz, l’abbaye occupe un emplacement remarquable à proximité immédiate du lac, ce qui en fait, selon les sources, la seule abbaye cistercienne bâtie aussi près d’un lac naturel. Le plan actuel reprend largement l’organisation médiévale autour du cloître : abbatiale, bâtiments des moines, réfectoire, dortoir et grange batelière sur le lac témoignent de la vie monastique et des aménagements portuaires anciens. L’église abbatiale conserve l’emprise et la longueur de l’édifice médiéval, mais les restaurations du XIXe siècle ont modifié la hauteur des voûtes et introduit un décor néogothique et baroque réalisé par des artistes et artisans italiens et piémontais. Le cloître, la terrasse et la grange batelière — rare bâtiment accessible par bateau — figurent parmi les éléments les plus remarquables et sont valorisés pour des concerts et expositions. La chapelle Saint‑André, surmontée d’un phare édifié au XIXe siècle à l’initiative de Marie‑Christine, illustre la fonction d’assistance aux mariniers que les moines assumaient sur le lac. L’abbaye abrite une nécropole riche de tombes et de gisants de la maison de Savoie, dont certaines restaurées ou relevées lors des travaux du XIXe siècle, et accueille également des inhumations plus récentes. Protégé au titre des monuments historiques depuis le XIXe siècle, le site relève aujourd’hui de la Fondation d’Hautecombe pour sa propriété et fait l’objet d’un important programme d’entretien mené avec des partenaires publics et privés. La communauté du Chemin Neuf y anime quotidiennement offices et liturgie, organise des sessions de formation et des rassemblements estivaux, gère l’accueil touristique et poursuit la restauration du monument. Hautecombe demeure un lieu mêlant spiritualité, mémoire dynastique, architecture et paysage lacustre, largement ouvert au public tout en conservant une vie communautaire permanente.