Origine et histoire de l'Abbaye d'Hérivaux
L'abbaye d'Hérivaux, située à Luzarches dans le Val-d'Oise, à l'orée de la forêt de Chantilly et à environ trente kilomètres au nord de Paris, est un site classé qui conserve les ruines d'une abbaye fondée au XIIe siècle et en grande partie démolie après son acquisition comme bien national puis sous la propriété de Benjamin Constant. En 1140, Ascelin, dit « l'Ermite », se retira sur le lieu alors appelé Herremivallis et, aidé par des compagnons et par des donations des comtes de Beaumont et de Clermont, défricha le vallon où coulent plusieurs sources pour fonder la communauté. La construction des bâtiments définitifs commença en 1160 ; la même année l'évêque de Paris demanda le rattachement de la maison aux Augustins, rattachement devenu effectif en 1188, année de la mort d'Ascelin. L'évêque Maurice de Sully prit la fondation sous sa protection, finança l'église et le cloître et incita les seigneurs voisins à soutenir la communauté ; l'abbaye entretint des liens étroits avec le village de Fosses dont l'église fut longtemps un prieuré d'Hérivaux. Au XIIIe siècle Hérivaux devint paroisse ; la communauté et son territoire se développèrent et, au XVe siècle, la vallée et le hameau limitrophe comptaient plus d'une centaine d'habitants. Le dernier abbé régulier fut nommé le 22 août 1469 ; tous les abbés qui suivirent exercèrent la charge en commende. L'abbaye percevait les bénéfices de plusieurs cures — Saint-Étienne de Marly, Saint-Étienne de Fosses, Saint-Nicolas de Bellefontaine et Saint-Jean de Montepiloi — ainsi que ceux de deux prieurés et de nombreux domaines en Île-de-France, et elle possédait autrefois une partie de la forêt de Coye. Les religieux introduisirent des cultures comme la gaude, la vesce et le pavot, destinées notamment à la manufacture de draps du seigneur de Rocourt à Fosses. Au XVIIe siècle, face à des dérives dans la vie conventuelle, une réforme décidée par le cardinal François de La Rochefoucauld fut transmise en 1623 mais ne fut appliquée qu'en 1639 lorsque le père Faure de Senlis prit possession de l'abbaye accompagné de religieux et des autorités civiles ; il prit également en charge la réforme de l'abbaye de la Victoire. En octobre 1632 un incendie endommagea gravement le logis ; les réparations se poursuivirent jusqu'en mars 1634 et le logis fut reconstruit à cette époque. La communauté connut ensuite la mauvaise gestion de l'abbé François Molé, nommé en 1647, qui conduisit à la ruine partielle des bâtiments et à une forte réduction de la population locale, malgré des revenus alors encore importants ; une reconstruction notable eut lieu en 1735 grâce à une donation du duc Louis IV Henri de Bourbon-Condé. En 1785 un incendie détruisit les bergeries et les porcheries de la ferme, qui furent reconstruites ; en 1790 il ne restait plus que le prieur et deux moines à Hérivaux. L'Assemblée constituante de 1789 vota la suppression des ordres réguliers hors éducation et œuvres de charité ; Hérivaux fut d'abord exemptée par l'octroi de pensions, mais les biens firent l'objet d'une expertise puis d'une vente aux enchères fin 1790 et en février 1791, et il ne restait alors qu'un dernier moine. Après plusieurs adjudications et reventes, la propriété fut acquise par Benjamin Constant, qui conserva la ferme et le pavillon des hôtes mais fit démolir l'essentiel des bâtiments conventuels ; il y logea Madame de Staël et y rédigea des écrits avant de revendre la propriété en 1801. Entre les deux guerres, le joaillier Georges Mauboussin acheta et restaura le domaine ; l'architecte Paul Ruaud y fit édifier deux ailes perpendiculaires et, au début du XXe siècle, des travaux d'ornementation et la création du parc modifièrent l'aspect du « château ». Pendant l'occupation, à partir de l'été 1940, l'ancien site servit de lieu de repos pour des officiers supérieurs allemands ; aujourd'hui l'ensemble est une propriété privée morcelée en lotissements, mais quelques ruines de l'église demeurent visibles depuis la route. La Gallia Christiana dresse la succession des abbés de l'abbaye du XIIe au XVIIIe siècle et fournit la liste nominative des titulaires connus. L'église Sainte-Marie, orientée parallèlement à l'actuel château, fut édifiée de 1160 au début du XIIIe siècle et dédiée en 1188 ; elle offrait une nef unique, un large transept et une abside profonde, et son plan reste lisible au sol grâce au dégagement des fondations entrepris vers 1913. L'église échappa à l'incendie de 1632 mais fut démolie en même temps que les autres bâtiments conventuels sous la propriété post-révolutionnaire ; subsistent la façade nord-est avec son portail et des fragments de murs intégrés à des constructions postérieures, et l'ensemble des vestiges de l'église est inscrit au titre des monuments historiques depuis 1926. La grange dîmière, mentionnée dès 1187, comporte trois vaisseaux à cinq travées avec arcades en arc brisé reposant sur des piliers quadrangulaires et des dispositifs de stabilisation adaptés au terrain marécageux ; son haut toit est visible derrière les bâtiments de la ferme et la grange est inscrite aux monuments historiques depuis 1998. Le logis abbatial a en grande partie disparu ; le pavillon des visiteurs subsistant fut transformé en « château d'Hérivaux » et remanié aux XVIIe, XVIIIe et XXe siècles, les travaux de l'architecte Ruaud datant du début du XXe siècle ; la reconstruction de 1735 et les réparations du XVIIe siècle ont modifié la physionomie monastique et le cloître avait déjà disparu au moins depuis la reconstruction suivant l'incendie de 1632-1634. Les communs situés entre le château et les ruines datent du début du XIXe siècle et comprennent une tour d'allure toscane ainsi que des éléments lapidaires d'origine incertaine ; d'autres dépendances monastiques — logis de l'abbé, moulin à eau, colombier — figuraient autrefois sur le domaine.