Origine et histoire de l'Abbaye de Beauport
L'abbaye de Beauport est un ancien monastère de chanoines prémontrés fondé en 1202 et largement édifié au cours de la première moitié du XIIIe siècle, situé à Kérity sur la commune de Paimpol, dans les Côtes-d'Armor, en Bretagne. Fille d'abbayes normandes, elle illustre l'importation du gothique normand en Bretagne et se distingue par l'unité de son plan, son polylithisme coloré et la qualité de son architecture conventuelle. Implantée sur un domaine descendant vers la mer, l'abbaye occupe environ 70 hectares protégés par une double ceinture de murailles et une digue, et comprend un havre formé par une jetée. Dès le Moyen Âge, Beauport combine fonctions spirituelles et temporelles : présence pastorale, exercice de la haute et de la basse justice, gestion d'un vaste patrimoine foncier et maritime, et développement d'activités économiques telles que pêcheries, salines, moulins et opérations de crédit. Sa seigneurie maritime lui confère des droits sur l'estran et les pêcheries de la côte, ainsi que des possessions et dîmes dans une vingtaine de paroisses, y compris des biens en Angleterre. L'abbaye se développe rapidement entre les XIIIe et XVe siècles, marque le paysage par des aménagements hydrauliques et participe à la grande pêche lointaine vers Terre‑Neuve et l'Islande. La mise en commende au XVIe siècle puis les guerres de religion entraînent un long déclin, malgré des réformes et des restaurations menées aux XVIIe et XVIIIe siècles par des prieurs et des congrégations réformatrices. L'enseignement de la philosophie et de la théologie instauré à la fin du XVIIe siècle lui apporte un rayonnement intellectuel, mais la situation matérielle et les vocations se dégradent à partir du milieu du XVIIIe siècle. À la Révolution la communauté est dissoute et les bâtiments vendus ; l'abbaye passe ensuite en mains privées et subit démolitions et effondrements au début du XIXe siècle. L'intérêt d'antiquaires et de savants au XIXe siècle, dont Prosper Mérimée et Arcisse de Caumont, conduit à des mesures de protection et au classement du monument parmi les Monuments historiques en 1862. Rachetée par le Conservatoire du littoral en 1993, la propriété a fait l'objet, en 1995, d'un projet de « cristallisation » qui privilégie la consolidation des vestiges plutôt que leur restitution complète. Aujourd'hui l'ensemble, partiellement en ruines, reste l'un des ensembles monastiques les plus complets de Bretagne et fait l'objet d'aménagements de valorisation et de médiation culturelle. Le plan conventuel respecte la règle des Prémontrés : église placée au point le plus élevé, cloître au nord, salle capitulaire, chauffoir, réfectoire et dortoirs organisés selon la déclivité du terrain et en relation directe avec le cloître. L'église abbatiale présente un chevet plat, une nef voûtée d'ogives et des bas‑côtés voûtés d'arêtes ; la flèche en charpente se situait à la croisée des transepts. Parmi les espaces remarquables figurent la salle capitulaire aux chapiteaux finement sculptés, le réfectoire ouvrant sur le jardin par de larges arcades, le grand cellier voûté et la salle dite « au Duc », dont l'aménagement autour d'un canal atteste d'activités hydrauliques et artisanales. Les matériaux reflètent la diversité géologique locale et des importations : spilites, schistes, grès rose, granit et une pierre verte de parement côtoient l'emploi de calcaire de Caen et de lumachelle (Purbeck) pour des éléments décoratifs. Le dépôt lapidaire, riche de plus d'un millier de pièces, illustre les différentes phases constructives et la nécropole médiévale associée au site. Le domaine protégé allie valeur patrimoniale et naturaliste — marais, roselières, prairies salées et vergers — et fait l'objet d'une gestion assurant à la fois conservation des vestiges et accueil du public. Des visites guidées, animations et actions de médiation permettent aujourd'hui de faire connaître l'histoire monastique et les milieux naturels de Beauport.