Origine et histoire de l'Abbaye de Belle-Étoile
L'abbaye de Belle‑Étoile est une ancienne abbaye de l'ordre des Prémontrés située à Cerisy‑Belle‑Étoile, dans le département de l'Orne. Elle a été fondée en 1216 par Henri de Beaufou et son épouse Édicie de Romilly, lorsque des ermites de l'abbaye de Lonlay s'installèrent sur le mont de Cerisy. Initialement modeste et placée sous l'influence de l'abbaye de La Lucerne, elle reçut au cours du XIIIe siècle des donations de la noblesse locale, notamment de Mathilde de La Lande, qui dota le monastère et fonda un prieuré‑cure à Chanu. Trente ans après sa création, l'abbaye disposait d'un patrimoine satisfaisant en terres, dîmes et rentes seigneuriales.
Le premier abbé régulier fut Jean de Monufray, qui descendit de l'ermitage du mont de Cerisy dans le vallon de Belle‑Étoile. Pendant l'occupation anglaise (1417‑1450), plusieurs abbés, dont Robert Chaulier, Richard Loyson et Michel Baouste, restèrent fidèles au roi d'Angleterre. Jean Hubert (1435‑1475) fit construire la grange dîmeresse, Thomas Chancerel entama vers 1501 la construction du cloître achevée par Jean Leprince, et Jacques d'Harcourt fut le premier abbé commendataire. Lors des guerres de Religion, l'abbaye subit un saccage sous Philippe de La Grainerie, et le roi nomma ensuite un abbé calviniste, Jacques de Crux, dont l'installation provoqua des conflits internes. Sous Pierre de Roussel, les religieux adoptèrent la réforme de Lorraine, tandis que Pierre de Villelongue fit édifier un nouveau logis abbatial indépendant des bâtiments claustraux. L'abbé de Lestrade et une dizaine de religieux furent les derniers occupants avant la vente des biens comme biens nationaux en 1791, entraînant la démolition de nombreux bâtiments et la dispersion du mobilier de l'église.
L'édifice et ses vestiges ont été inscrits au titre des monuments historiques en 1926 (vestiges), 1974 (grange aux dîmes) et 1986 (façades et toitures, y compris la charpente, ainsi que les deux cheminées en granite de la métairie des Salles‑de‑Bas). Il subsiste des vestiges de l'église du XIIIe siècle, le cloître reconstruit au XVe siècle, la grange aux dîmes, la métairie des Salles‑de‑Bas et l'hôtellerie datée de 1713. L'ensemble reprend le plan classique des abbayes : l'abbaye est située entre le chemin de Cerisy et un ruisseau alimentant un vivier, la partie sud accueillant cloître, dortoirs, salle capitulaire, réfectoire, boulangerie, logis abbatial, chapelle, hôtellerie et colombier, et la partie nord abritant le logis abbatial construit au XVIIIe siècle.
La grange dîmière, d'origine XIVe mais incendiée durant la guerre de Cent Ans, a vu sa charpente refaite en 1460 ; ses poteaux reposent sur des supports maçonnés pour ne pas mettre de charge sur des murs fragilisés et elle présente des fenêtres gothiques en arc lancéolé. La métairie reprend le principe de la charpente de la grange, avec des poteaux prenant appui sur de gros corbeaux saillants du mur plutôt que sur des socles de maçonnerie, et elle fut dédoublée au XVIIe siècle en Salles de Haut et Salles de Bas partageant une cour commune. La ferme des Salles‑de‑Bas faisait partie de la mense abbatiale ; celle des Salles‑de‑Haut relevait du tiers lot.
Les chanoines suivaient la règle de saint Augustin et assumaient une fonction pastorale, ouvrant leur abbaye aux cérémonies de l'ordre et aux fidèles des hameaux voisins ; ils avaient la charge de nombreuses chapelles et églises réparties dans plusieurs diocèses. Pour assurer leur ministère, les donateurs ont doté l'abbaye d'un important patrimoine et, pendant six siècles, les abbés ont acheté et vendu terres et rentes, agissant parfois comme un établissement de crédit. Le temporel comprenait fiefs nobles, terres en roture, fermes, maisons, domaines réservés et forestiers, étangs et viviers, moulins et fours, dîmes, droits commerciaux sur une foire à Cerisy et diverses rentes. Parmi les fiefs figuraient la baronnie de Cerisy avec plusieurs fiefs annexes et la seigneurie de Chanu ; la masure, unité de tenure rurale évoquée dans les aveux, regroupait habitations, bâtiments agricoles, jardins, terres et prés et entraînait des obligations envers le seigneur.
Les fermes relevant de l'abbaye — dont le Bourg, le Mont, la Maltotière, la Malière, les Salles de Bas et de Haut, la Jouvelière, la Bullerie, la Flaudière et le Val — rapportaient un tiers des recettes, un autre tiers provenant des dîmes perçues sur diverses paroisses. L'abbaye possédait deux moulins à blé et deux fouleurs à Cerisy‑Belle‑Étoile ainsi que des moulins à Chanu et Saint‑Pierre‑d'Entremont, et les 250 arpents des bois du Mont de Cerisy fournissaient charbon de bois et bois d'œuvre, le panage et le pacage étant pratiqués. Pour défendre ses droits, l'abbaye a engagé de longs procès et reconstitué des titres volés ou détruits afin de protéger ses possessions.
Le sceau de Guillaume, abbé en 1252, représente une main tenant une crosse et une étoile, tandis que celui de Jehan Gallier (abbé de 1480 à 1496) montre une crosse, les initiales J*G et une étoile à six branches. Les archives départementales de l'Orne conservent une importante série d'aveux des familles de Cerisy‑Belle‑Étoile depuis 1332 et de Chanu depuis 1326, qui éclairent les conditions de vie, les ressources et les relations entre paroissiens, nobles et abbaye. Quelques éléments du mobilier et des œuvres de l'abbaye se trouvent aujourd'hui dans les églises de Cerisy‑Belle‑Étoile, de Tinchebray et d'autres paroisses, et un tableau d'autel a été classé au titre des objets des monuments historiques en mai 2003. En 2022, l'abbaye a été mise en vente au prix de 500 000 euros.