Origine et histoire de l'Abbaye de Belval au Bois-des-Dames
L'abbaye de Belval, dite Belval au Bois-des-Dames, se situe sur la commune de Belval-Bois-des-Dames, dans les Ardennes. Elle a été fondée à l'orée d'une forêt, dans une vaste clairière vallonnée entre les bourgs de Belval-Bois-des-Dames et de Vaux-en-Dieulet, en un lieu où sourdaient des fontaines. Un ruisseau, qui alimenta successivement un moulin puis une forge, s'écoule vers la Wame, petit affluent de la Meuse. Fondée dans les années 1120 par des chanoines réguliers de saint Augustin sur un fief de l'évêque de Verdun Alberon de Chiny, l'abbaye intégra l'ordre de Prémontré en 1133. À l'origine elle formait un monastère double associant des religieuses, qui furent ensuite transférées au prieuré de Cressy par donation. Sous l'abbé Philippe, disciple de saint Norbert, Belval développa une école de copistes et de miniaturistes et s'affirma comme centre de production de manuscrits. L'abbaye étendit rapidement ses possessions et exerça sa paternité sur plusieurs établissements, ce qui lui valu protections et donations. Ruinée en 1320, elle fut reconstruite sur un plan plus vaste par l'abbé Baudouin II de Beaumont et connut alors une période de prospérité matérielle et spirituelle. Le roi Charles VI accorda aux religieux la pêche sur la Meuse en 1388, puis ils obtinrent le privilège de l'usage libre du sel ; au XVIe siècle l'abbaye possédait par ailleurs une forge. Le régime de la commende fut introduit en 1533 : l'abbé n'était plus élu par la communauté mais désigné par le pouvoir royal et prélevait une part des revenus, évolution critiquée par les religieux dans leurs registres. L'abbatiat fut à quatre reprises réservé à la maison de Joyeuse ; l'abbaye fut deux fois dévastée par les huguenots et, en 1622, la communauté n'était plus composée que de quelques religieux. En 1636 une partie des bâtiments fut incendiée, la proximité de la frontière rendant le site vulnérable aux incursions. Face au protestantisme, la Contre-Réforme des années 1620 se traduisit par un retour à la rigueur, la reprise des études de philosophie et de théologie, l'arrivée de nouveaux novices sous l'autorité du prieur Simon Raguet et la construction d'une chapelle dédiée à saint Nicolas. En 1741 la bibliothèque comptait 2 487 ouvrages, répartis majoritairement en théologie (54 %) et en histoire (25,2 %), avec des collections de droit, de philosophie et de belles-lettres marquées par l'influence mauriste. Supprimée en 1790, l'abbaye comptait dix-neuf chanoines dont dix-huit prêtèrent le serment à la Constitution civile du clergé ; le domaine fut vendu comme bien national en 1791 à Basile Joseph Raux, maître de forges et ancien fermier général des forges de Belval, qui avait été député du tiers état aux États généraux de 1789. Lors de cette vente, il acquit la ferme d'Elpèche, le moulin, la ferme de l'abbatiale, la forge, quatre étangs, des prés, des vignes et un bois. L'église fut détruite par l'État en 1795 et le mobilier dispersé, une partie retrouvant sa place à l'église Saint-Médard de Grandpré (stalles, boiseries du chœur, chaire, tambour de porte sculpté). Le domaine, devenu château de Belval, resta dans la famille Raux jusqu'en 1848, puis passa à Eugène Mathys, maître de forges de Fumay ; l'archéologue Roger Graffin l'habita ensuite jusqu'en 1914. Les bâtiments subsistants souffrirent fortement pendant la Première Guerre mondiale. De la bibliothèque médiévale subsistent notamment une bible, un bréviaire piémontais, des missels des XIIIe et XIVe siècles et, au total, 83 manuscrits désormais conservés à la bibliothèque municipale de Charleville-Mézières. L'architecture conserve un logis conventuel principal du XVIIIe siècle, allongé en pierre et brique avec deux ailes en équerre ; le portail occidental, tourné vers l'étang, présente un linteau orné de palmettes encadré de pilastres ioniques, décor qui se prolonge au premier étage. Une galerie voûtée occupe le rez-de-chaussée et s'achève par un départ d'escalier de style Renaissance, tandis que vingt-deux cellules occupent le premier étage. Le logis de l'abbé date du XVIIe siècle ; subsistent encore l'ancienne chapelle, fortement réduite par l'enlèvement de matériaux, et un bassin orné de deux statues. L'ensemble a été inscrit au titre des monuments historiques le 4 novembre 1991. La succession des abbés, documentée de 1137 à 1790, recense de nombreux titulaires, parmi lesquels Philippe I, Baudouin II de Beaumont, plusieurs membres de la maison de Joyeuse et Joseph-François de Malide.