Origine et histoire
L'abbaye bénédictine de Baume-les-Dames, également appelée abbaye Sainte-Odile, est située dans la commune de Baume-les-Dames (Doubs). Baume est citée comme abbaye dès 819, mais la disposition de l’établissement médiéval reste mal connue ; la découverte de sarcophages près de l'abside suggère toutefois la continuité du site ecclésiastique. Le cellier du XVe siècle se situe au nord de l'église ; aux XVIIe siècle, les documents distinguent un quartier abbatial au nord et le cloître au sud, et la porte ouest de l'abbaye date de cette époque. Au XVIIIe siècle, les religieuses reconstruisirent ou aménagèrent à leurs frais les maisons autour de la cour du cloître pour y loger des parentes, et la reconstruction de l'église, entreprise en 1738 puis reprise en 1758, s'arrêta à la deuxième travée de la nef ; en 1787 l'ensemble présentait déjà le plan général que l'on connaît. La Révolution entraîna des destructions limitées, la vente des bâtiments et l'ouverture d'une rue ; la construction de l'hôtel de ville en 1825 empiéta sur l'ancien logis abbatial. L'église conserve sa coupole à la croisée et les stucs de ses élévations intérieures ; le quartier abbatial abrite encore des remises, écuries et soues à porcs autour de la cour des communs.
Selon la tradition et des textes anciens, l'abbaye, nommée à l'origine Palma ou Palmense Monasterium, aurait des origines très anciennes et lui sont attribués, dans diverses versions, une fondation par saint Germain ou par Garnier, maire du palais. Elle prit le nom de sainte Odile en lien avec la légende selon laquelle la princesse d'Alsace, cachée à l'abbaye, y aurait retrouvé la vue après son baptême. D'autres récits locaux rapportent des miracles ou des trésors mis au service de la reconstruction du monastère ; ces traditions ont contribué à la renommée du lieu.
L'abbaye apparaît dans des sources hagiographiques et diplomatiques anciennes, notamment dans la Vie de saint Ermenfroy et dans le testament d'Anségise, et Glaber rapporte l'accueil de reliques venues d'autres monastères. Elle possédait le tombeau du comte Garnier, ouvert en 1768 et détruit à la Révolution ; quelques fragments furent réemployés et des ossements déposés au cimetière de Cour-les-Dames. Les sources montrent que l'abbaye était importante à l'époque carolingienne et qu'elle est citée dans des capitulaires de Charlemagne et de Louis le Débonnaire.
L'abbaye était gouvernée par une abbesse assistée d'un chapitre de quinze chanoinesses, soumises aux vœux et à des conditions de noblesse héréditaire pour l'admission ; elles vivaient dans des maisons autour de l'église et l'abbesse exerçait d'importantes prérogatives seigneuriales, quoique des privilèges aient été concédés aux habitants à partir du milieu du XIIe siècle. La longue succession d'abbesses, documentée du XIe au XVIIIe siècle, inclut des figures telles qu'Élisabeth (vers 1034), Adèle (vers 1065), Étiennette de Bourgogne (mentionnée en 1119 et 1162), Clémence de Bourgogne (1204), Nicole de Roche (1266) et, à l'époque moderne, Angélique-Henriette Damas de Crux (1750-1767) puis Marie-Philippine-Léopoldine d'Andelot, nommée abbesse en 1767. Certaines abbesses firent valoir des droits, traitèrent des biens, engagèrent des arbitrages ou, exceptionnellement, quittèrent la vie monastique pour épouser.
Pour assurer leurs revenus, les abbesses reçurent dès le XIe siècle les rentes de plusieurs églises locales et accumulèrent des biens par donations et acquisitions ultérieures ; elles firent construire une papeterie sur le Doubs en 1464, où l'on produisait le papier de chiffe, et établirent un pont à péage pour réguler l'accès au site. L'abbaye fut définitivement fermée en 1791 ; son mobilier et les titres furent vendus, puis la ville l'acheta en 1811 et transforma les lieux en entrepôt, halle aux grains, salle des fêtes, cinéma, garage, etc. Des travaux de maçonnerie entrepris à partir de 1982 ont consolidé la façade principale.
Un important chantier de réhabilitation, engagé par la municipalité depuis 2001 avec le soutien des Monuments historiques et des collectivités, a restauré marbres, stucs et sols ; des colonnes monolithes de calcaire blanc taillées par l'entreprise Piantanida ont remplacé des éléments disparus, et l'abbatiale dispose désormais d'un chauffage au sol, d'un éclairage modernisé, de loges et de commodités, ce qui lui permet d'accueillir concerts, expositions et spectacles. L'abbatiale fait l'objet d'une protection au titre des monuments historiques : classée depuis le 12 juillet 1886, l'ensemble des façades et toitures, les sols et sous-sols avec leurs vestiges archéologiques, ainsi que des parties précises des bâtiments ont été inscrits le 7 mai 2007. L'édifice continue d'inspirer la création musicale contemporaine, comme en témoignent des œuvres composées pour la ville et l'abbatiale au XXIe siècle.