Abbaye de Cercamp à Frévent dans le Pas-de-Calais

Patrimoine classé Patrimoine religieux Abbaye

Abbaye de Cercamp

  • 1-5 Rue d'Arras
  • 62270 Frévent
Abbaye de Cercamp
Abbaye de Cercamp
Crédit photo : Adophe de Cardevacque - Sous licence Creative Commons
Propriété privée

Période

XVIIIe siècle

Patrimoine classé

Les façades, toitures et salles du rez-de-chaussée avec leurs boiseries et cheminées du bâtiment des Hôtes ; les façades et toitures de la Porterie : classement par décret du 15 avril 1947 ; L'ancienne abbaye de Cercamp, en totalité, à l'exception des parties déjà classées par le décret du 15 avril 1947, comportant notamment le château, les vestiges de l'abbatiale, les différents bâtiments annexes (porterie, filature textile, maisons de moines, bâtiments agricoles, etc) et les vestiges bâtis ou enfouis, incluant l'ancien réseau hydraulique, l'allée de tilleuls menant au château, le parc, ainsi que l'ensemble des parcelles constituant le domaine, telle que représentée sur le plan annexé à l'arrêté, en rouge pour les bâtiments, en vert pour les parcelles et en bleu clair pour le réseau hydraulique, située sur les parcelles n° 15, 24, 25, 31 à 38, figurant au cadastre section AE : classement par arrêté du 16 mars 2015

Origine et histoire de l'Abbaye de Cercamp

L'abbaye Notre-Dame de Cercamp, située à Frévent dans le hameau de Cercamp (Pas-de-Calais), est une ancienne abbaye cistercienne fondée au XIIe siècle par Hugues III de Campdavaine. Rattachée à l'ordre cistercien et fille de l'abbaye de Pontigny, elle fut fermée à la Révolution et ses bâtiments furent en grande partie ruinés au XIXe siècle. Elle se trouvait dans la vallée de la Canche, dont un canal creusé amenait l'eau au nord des murs et alimentait les jardins du monastère. Le toponyme a connu plusieurs formes — Carus campus, Clairsage, Claircamp, puis Cercamp — et signifierait le « champ du cerf » ; un écusson à ce motif, sculpté sur le principal bâtiment, fut ensuite encastré dans un mur de l'hôtel Saint-Martin à Frévent. Selon les sources, Hugues de Camp d'Avesnes, comte de Saint-Pol, investit en 1131 Saint-Riquier, provoqua la destruction de la ville et de l'abbaye et la mort de 2 500 personnes, entraînant la fuite de survivants et une plainte portée au concile de Reims. Sur les conseils du pape, Hugues procéda ensuite à la fondation d'un monastère qui devint l'abbaye de Cercamp. Une légende locale affirme qu'il fut puni par un jugement divin, condamné à se changer en loup enchaîné et à parcourir les lieux dévastés, sous le nom de « Bête canteraine ». Durant le Moyen Âge l'abbaye reçut plusieurs inhumations et donations : Hugues Corbet, de retour de croisade, y fut enterré, de même que son fils Raoul, et des seigneurs locaux, tandis que des actes de 1197 et de 1265 la mentionnent dans des titres et des mariages. En 1239, Hugues V de Châtillon-Saint-Pol et sa seconde épouse Marie d'Avesnes instituèrent une rente annuelle de treize muids de grain en faveur du monastère, assortie d'une obligation d'envoi annuel de 10 000 harengs et de trois pots de beurre à l'abbaye du Pont-aux-Dames ; ces redevances furent partiellement rachetées ultérieurement, le beurre en 1360 contre six muids de vin, et les harengs ensuite contre une rente de 140 livres réglée jusqu'en 1789. Mahaud de Brabant, morte le 29 septembre 1288, fut inhumée à Cercamp sous un tombeau de cuivre doré et émaillé, et d'autres personnalités, comme Marie de Bretagne et son époux Guy IV de Châtillon-Saint-Pol, y furent également enterrées. Un autre personnage, Gautier Disque, voulut être transporté à Cercamp mais fut inhumé dans une église voisine en raison des chemins périlleux. L'abbaye fut ravagée en 1415 par l'armée anglaise pendant la guerre de Cent Ans. Au XVIe siècle, l'abbé Pierre de Bachimont (1512-1550) releva Cercamp, fit remplacer les tuiles de la croisée et de la nef par des ardoises, posa des vitraux, commanda des stèles à Adam Dobelmer et fit exécuter une clôture en bois autour du pupitre ainsi que deux autels. Par lettres patentes du 21 janvier 1464, le roi Louis XI confirma les privilèges de l'abbaye. Aux XVIe et XVIIe siècles l'abbaye fut le lieu de séjours et de négociations, comme l'accueil en 1553 de Charles de La Roche-sur-Yon et le début, le 15 octobre 1558, des négociations qui allaient mener aux traités du Cateau-Cambrésis, et elle conserva des liens avec la cour, par des nominations et des campements militaires, notamment la nomination en 1617 d'Eustache Picot comme maître de musique et le campement de Gaspard III de Coligny en 1638. Une inscription rappelle en 1684 le transfert de plusieurs dépouilles et, en 1710, les murailles du jardin furent renversées lors de la guerre de Succession d'Espagne ; en 1713 le sieur Bonnaire reçut une pension du roi sur l'abbaye. Pendant la Révolution, l'Assemblée nationale transféra le 17 juin 1790 les biens de l'abbaye au département du Pas-de-Calais ; des chartes, livres et manuscrits furent saisies et brûlées à Arras le 23 juillet 1793, un décret départemental de 1794 supprima l'abbaye et ordonna la réunion des religieux aux Bernardins de Cercamp, puis l'ensemble fut vendu le 30 mai 1795. Au XIXe siècle, en 1823, le baron François-Luglien de Fourment fonda une filature de laine sur les ruines du couvent, détruite par un incendie en 1871, et en 1837 l'église abbatiale fut réduite à un amas de ruines par des démolitions. Son fils Auguste transforma le domaine en haras, en fit un lieu de collection et d'embellissement, et l'abbaye, devenue à des moments usine puis château, connut des usages variés. En 1915 le général Foch installa son état-major à Cercamp ; il y reçut notamment le roi George V, le ministre Alexandre Millerand et les généraux Joffre et French, et y reçut les insignes de grand-croix de la Légion d'honneur des mains du président Poincaré. Le domaine fut légué à l'Assistance publique de la Seine et affecté à des établissements de santé et d'enseignement, puis ouvert au public et entrepris de restaurations depuis 2012. L'intérieur des bâtiments de la Porterie, des Hôtes et des Étrangers, les annexes et le parc sont inscrits au titre des monuments historiques depuis le 16 septembre 1946, inscription transformée en classement par arrêté du 16 mars 2015 ; parallèlement, le bâtiment des Hôtes — façades, toitures, cheminées et salles boisées du rez-de-chaussée — et les façades et toitures de la Porterie sont classés depuis le 15 avril 1947. Cercamp est fille de l'abbaye de Pontigny et, au total, cinquante-quatre abbés se succédèrent durant six siècles, le premier abbé conventuel, Jourdain, dirigeant le monastère en 1140-1141. Après le concordat de Bologne de 1516 l'abbaye passa au régime de la commende : l'abbé fut nommé par le roi et cessa généralement de résider, percevant les bénéfices. Parmi les abbés figurent les réguliers Jean X (34e) et Louis Vignon (35e), puis une série d'abbés commendataires dont Pierre de Bachimont (36e), Jean Rouget, Philippe de Saulty, Eustache de Bayart, les cardinaux Mazarin et Dubois, Louis de Bourbon (49e), Claude-François de Montboissier de Canillac de Beaufort, le cardinal Prospero Colonna di Sciarra, Charles Antoine de La Roche-Aymon et Alexandre Angélique de Talleyrand-Périgord (54e et dernier abbé). Plusieurs personnalités sont liées à l'abbaye : Hugues IV de Campdavaine y fut inhumé en 1205, Marie de Luxembourg et partiellement son père Pierre II de Luxembourg-Saint-Pol y reposent également, et Jean-Baptiste Thiaudière de Boissy figure parmi les personnes associées au lieu. Une monographie d'Adophe de Cardevacque, Histoire de l'abbaye de Cercamp (Arras, Sueur-Charruey, 1878), est citée parmi les principales études consacrées au site.

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