Origine et histoire de l'Abbaye
L'abbaye Saint-Vigor de Cerisy-la-Forêt, communément appelée abbaye de Cerisy, est un édifice catholique situé à Cerisy-la-Forêt dans la Manche, en Normandie. L'ensemble médiéval comprend principalement l'église abbatiale romane du XIe siècle, des parties de l'abbaye des XIIIe et XVe siècles, la chapelle Saint-Gerbold et quelques bâtiments agricoles. Fondée sur une tradition liée à saint Vigor, l'abbaye connaît un renouveau au XIe siècle : Robert le Magnifique édicte une charte et Guillaume de Normandie poursuit les travaux qui donnent à l'église son architecture romane. Les moines bénédictins défrichent la forêt environnante et l'abbaye reçoit d'importantes donations qui en font un centre économique et intellectuel doté de nombreuses dépendances et granges monastiques. Au XIIe siècle, Cerisy étend son influence, fonde des prieurés et voit ses privilèges confirmés par le pape Alexandre III, atteignant un grand rayonnement à la fin du siècle. Passée dans le domaine royal en 1204, l'abbaye bénéficie ensuite de dons permettant des aménagements, notamment la construction du porche occidental et de la chapelle dite de l'Abbé, Saint-Gerbold. Elle subit les troubles de la guerre de Cent Ans et accueille une garnison ; elle passe sous domination anglaise puis revient au royaume de France. La mise en commende après le concordat de Bologne marque le déclin de son autonomie ; plusieurs abbés commendataires, dont Mazarin et Paul d'Albert de Luynes, tiennent ensuite la charge. Au XVIe siècle l'abbaye est pillée et incendiée par des troupes huguenotes, entraînant la perte du chartrier et de nombreux biens. La Révolution et la vente comme biens nationaux provoquent la démolition d'une grande partie des bâtiments conventuels ; les pierres sont dispersées et les terres vendues, mais la chapelle Saint-Gerbold et quelques éléments sont finalement préservés. L'abbatiale devient église paroissiale en 1790 ; des démolitions supplémentaires ont lieu en 1811 lorsque plusieurs travées et le porche gothique sont abattus pour financer des réparations. Classée monument historique dès 1840 pour l'église et en 1938 pour l'ensemble, l'abbaye a fait l'objet de campagnes de restauration à partir de 1880, puis en 1964, et la remise en état de l'étang des moines a été menée dans les années 1990. Implantée en lisière de la forêt de Cerisy, dans la vallée de l'Esque, l'abbaye s'inscrivait historiquement dans le Bessin et dans le diocèse de Bayeux, avant d'être rattachée au diocèse de Coutances. L'abbatiale suit un plan en croix latine et mêle un roman normand massif, proche du parti de Saint-Étienne de Caen, à des remaniements gothiques ; sa façade occidentale actuelle correspond au mur de refend élevé pour séparer la partie monastique de la partie paroissiale. Le chevet, remarquable par ses quinze fenêtres étagées sur trois niveaux, conserve des contreforts et clochetons du XIVe siècle ainsi que modillons et gargouilles romans et a été renforcé après un effondrement de voûte. Le chœur sans déambulatoire comporte deux travées et une abside profonde ; d'anciens voûtements gothiques ont été en partie supprimés pour restituer l'aspect roman et remplacés par un plafond charpenté. La nef, conçue selon l'élévation bénédictine à trois niveaux avec arcades, tribunes et fenêtres hautes, a perdu ses cinq premières travées démolies au XIXe siècle ; les collatéraux sont voûtés d'arêtes et la croisée du transept supporte la tour-lanterne. La tour-lanterne conserve les deux niveaux inférieurs avec arcatures aveugles ; sa flèche a été refaite au XIXe siècle. Le cloître a quasiment disparu : il mesurait trente-cinq mètres sur trente et comportait autrefois deux cents colonnes, dont on aperçoit encore quelques fondations. Parmi les bâtiments conventuels subsistent la porterie du XVe siècle, un bâtiment gothique abritant jadis une salle de justice et une prison, et la chapelle Saint-Gerbold du XIIIe siècle, ornée de voûtes à clefs armoriées. Un réseau de souterrains assurait l'évacuation des eaux et servait secondairement de celliers, de caches ou de voies de fuite. Le mobilier comprend de nombreux objets protégés, dont une représentation de Saint Vigor et le dragon du XVe siècle, ainsi que quarante stalles gothiques datées de 1400, parmi les plus anciennes de Normandie. L'Association des Amis de l'Abbaye, créée en 1939, œuvre pour la conservation et l'animation du site ; elle organise promenades, un parc de sculptures, concerts et expositions estivales. Les archives et terriers témoignent de la puissance foncière de l'abbaye, qui tirait ses revenus d'un vaste réseau de dépendances, de moulins et de vignobles exploités pour les rentes et la dîme. L'abbaye a compté quarante-cinq abbés réguliers et commendataires ; plusieurs religieux formés à Cerisy, tels Simon du Bosc, Georges d'Amboise, Germain Habert, Philippe de Vendôme et Paul d'Albert de Luynes, ont acquis une certaine renommée.