Origine et histoire de l'Abbaye
L'abbaye Saint‑Gorgon de Gorze est une abbaye bénédictine fondée à Gorze, près de Metz, vers 747. Elle a été créée par saint Chrodegang et Rome a confié à la nouvelle communauté les reliques de saint Gorgon. Le nom de l'établissement apparaît sous de nombreuses graphies dans les documents anciens, depuis Monasterium in Gorzia et Locus sancti Gorgonii jusqu’à Monasterium Gorziense et Abbaye de Gorze. À partir de 933, Jean de Vandières, avec l’archidiacre Einold de Toul, introduit une observance bénédictine plus stricte qui donnera naissance à la « réforme de Gorze » et se diffusera dans tout le Saint‑Empire. Le modèle gorzien se distingue de celui de Cluny : il fonde un réseau de maisons égales, liées par la prière et la fraternité plutôt que par un gouvernement central et sans contrôle juridique hiérarchique. Dans le contexte du Saint‑Empire, les monastères restent fréquemment la propriété des laïcs fondateurs et restent soumis à la juridiction épiscopale, différence notable avec la dépendance de Cluny à Rome. La réforme de Gorze toucherait plus de 150 monastères en Lotharingie et en Germanie ; des moines de Gorze intervinrent pour réformer ou fonder des établissements tels que Saint‑Martin de Metz, Saint‑Hubert, Saint‑Arnoul, Gembloux, Soignies, Lobbes, et influencèrent des abbayes comme Einsiedeln, Poussay, Muri, Bouzonville, Hermetschwil, Münster, Engelberg, Moyenmoutier, Saint‑Evre de Toul et Saint‑Maximin de Trèves. Elle participe ainsi à la renaissance ottonienne. À partir du XIVe siècle la discipline monastique se relâche ; l’abbaye devient ensuite une « abbaye royale » placée sous la protection du roi de France. Gorze est incendiée par les Bourguignons en 1479 et pillée en 1483 ; pendant les guerres de Religion elle accueille Guillaume Farel avant que la terre de Gorze ne soit prise par les troupes de Claude de Lorraine. Le pape Grégoire XIII sécularise l’abbaye en 1572 et l’établissement est détruit au cours du XVIe siècle ; un nouveau palais abbatial est édifié à la fin du XVIIe siècle pour l’abbé commandataire Philippe Eberhard de Loewenstein. La terre de Gorze comprenait un ensemble de localités et dépendances : Gorze, Champs, les censes d’Auconville et de Labauville, Dampvitoux, Dornot, Hagéville, Juville, Grange‑en‑Haye, le moulin de Lannoy, le Petit moulin, Marimbois, Moivrons, Morville, Novéant, Onville, Ornel, Rezonville, Sainte‑Catherine, Saint‑Julien, Saint‑Marcel, Sponville, Tronville, Villecey, Vionville, Voisage et Waville. Par le traité de Vincennes, la terre de Gorze est cédée à la France en 1661. Une liste de soixante‑sept abbés, couvrant la période 749–1801, est conservée ; parmi eux figurent des noms marquants tels que Droctegand, Einold, Jean de Vandières, Guillaume de Dijon, le cardinal Jean Jouffroy, Julien de la Rovère (futur pape Jules II), les cardinaux de Lorraine et de Guise. L’abbaye possédait des fiefs, terres, bois et fermes, ainsi que des prieurés et cures, parmi lesquels Escherange, Varangéville et le prieuré de Saint‑Nicolas‑de‑Port. L'abbaye est classée au titre des monuments historiques par arrêté du 16 février 1886.