Origine et histoire de l'Abbaye
L'abbaye Notre-Dame de Hambye est un ancien monastère bénédictin situé sur la commune de Hambye, dans le département de la Manche en Normandie, et classé aux monuments historiques. Fondée vers 1145 par le seigneur Guillaume II Paynel et implantée sur les bords de la Sienne près de la route départementale 51, elle fut le centre de la seigneurie ecclésiastique de Hambye. Les « moines gris » de la congrégation de Tiron assurèrent son essor : les donations affluèrent et Hambye devint mère d'autres fondations, dont Longues et Valmont ; en 1249 six religieux, accompagnés de Dom Robert, partirent fonder l'abbaye de Lanthénac. Après un âge d'or médiéval, la communauté déclina à partir du XVe siècle et s'éteignit à la fin du XVIIIe siècle. La seigneurie passa ensuite, après Jeanne Paynel, à Louis d'Estouteville puis aux maisons d'Orléans-Longueville et de Matignon-Grimaldi. Comme ailleurs en France, l'abbaye devint bien national en 1790, son mobilier fut dispersé et l'église vendue en 1810 ; elle servit de carrière de pierres et subit d'importantes démolitions, dont la façade et une partie de la nef. Après des protections reconnues à partir de 1900, des acquisitions privées en 1956 et par le conseil général de la Manche en 1964 ont permis des campagnes de restauration ; aujourd'hui l'ensemble appartient au réseau départemental des sites et musées de la Manche, tandis que certains bâtiments conventuels restent privés.
L'église abbatiale, principalement édifiée entre la seconde moitié du XIIe siècle et le XIIIe siècle, reprend un plan en croix latine et offre un bel exemple d'architecture gothique primitive. Le chœur, simple et élégant, comprend deux travées et un rond-point auquel s'ouvrent cinq chapelles rayonnantes ; son élévation comporte trois niveaux, avec grandes arcades, un niveau intermédiaire percé de petites fenêtres et des fenêtres hautes ornées de trilobes. Le chœur a fait l'objet d'une importante campagne de restauration en 2009-2010 et abrite les sépultures de Louis d'Estouteville et de Jeanne Paynel. La croisée du transept est surmontée d'une tour carrée qui servait de clocher ; la chapelle Saint-Michel, au nord, possède une tribune seigneuriale et un chapiteau historié daté du XVe siècle. La nef, réservée aux frères convers et très étroite, ne fut achevée qu'au début du XIVe siècle ; une partie de la première travée et la façade furent détruites au XIXe siècle et les bases de la façade ont été dégagées lors de fouilles en 2011.
Les bâtiments conventuels, datés des XIIe et XIIIe siècles, s'organisent comme dans de nombreuses abbayes bénédictines : deux ailes parallèles adossées à l'église et un bâtiment perpendiculaire formaient le carré du cloître. L'aile ouest abritait le logis des convers et la cuisine, l'aile est, dans le prolongement du transept sud, était réservée aux moines ; le rez-de-chaussée accueillait salles domestiques et religieuses, l'étage le dortoir. Le réfectoire a disparu après démontages aux XVIIe et XIXe siècles, avec des celliers aménagés en sous-sol ; la cuisine, transformée en commun et en écurie après la Révolution, a été restaurée dès les années 1960 et conserve une grande cheminée au linteau en arc surbaissé. La salle des moines, à deux nefs et voûtée d'arêtes, servait de chauffoir et de scriptorium ; son niveau a été reconstitué lors de restaurations menées entre 1963 et 1966. Le parloir, petite pièce rectangulaire à pilier central, et la sacristie, voûtée en berceau et ornée de décors peints, ont vu leurs peintures restaurées ; les fresques du parloir datent du début du XIIIe siècle. La salle capitulaire, chef-d'œuvre de l'architecture gothique normande du XIIIe siècle, présente deux nefs séparées par un épi central de colonnes en granit et s'ouvre sur le cloître par des baies en arc brisé ; ses décors peints ont été redécouverts et restaurés entre 1994 et 2002, la scène du lavement des pieds restant visible.
Le cloître, qui occupait l'espace entre l'église, l'aile des convers, le logis des moines et le réfectoire, a été démonté au début du XIXe siècle et ses colonnes dispersées ; des fouilles de 1989 ont mis au jour des sépultures, une partie du mur bahut et permis de replacer deux colonnes d'origine et quelques copies, tandis que d'autres colonnes se trouvent aujourd'hui à la ferme de la Callipière où elles servent de piliers et de poteaux. Au sud, des dépendances agricoles — porcherie, pressoir, charreterie et étables — fermaient la cour, accessible par un portail situé entre la cuisine et les étables.
Les ruines de l'église ont été classées aux monuments historiques le 12 août 1902 ; la porterie et le logis abbatial le 10 avril 1925 ; la salle capitulaire, les salles voûtées attenantes, les cuisines, la boulangerie, le pressoir et les étables le 16 mai 1925 ; l'enclos abbatial et ses aménagements hydrauliques le 2 mai 1995. Sur l'ancien porche figuraient les armoiries des fondateurs, la famille Paynel, d'or à deux fasces d'azur et une orle de merlettes de gueules. L'abbaye possédait des terres, rentes, églises, moulins, salines, marchés et pêcheries et, au XIIIe siècle, était à la tête de six abbayes, cinq prieurés et de nombreuses églises. La liste des abbés commence par Foulques ; on y trouve ensuite des noms tels que Roscelin, Guillaume, Lucas, Jean, Louis d'Estouteville (1504-1512), Claude de Mesmes et Henri de Menées.
Aujourd'hui, l'abbaye, l'une des plus complètes de Basse-Normandie après le Mont-Saint-Michel, présente une église à ciel ouvert oscillant entre roman et gothique et conserve une exceptionnelle suite de salles — salle capitulaire, sacristie, parloir, scriptorium — accessibles au visiteur, tandis que les bâtiments conventuels conservent un statut en partie privé.