Origine et histoire de l'Abbaye
L'ancienne abbaye Notre‑Dame de Jumièges, située en Seine‑Maritime, fut fondée vers 654 par saint Philibert sur un domaine du fisc royal et adopta la règle bénédictine à la fin du VIIe siècle après avoir probablement suivi la règle de saint Colomban. Elle représente l'apogée du monachisme normand et constitue un lieu majeur de l'art roman où l'articulation entre architecture carolingienne et romane est particulièrement visible. Ruinée à plusieurs reprises, l'abbaye connaît une restauration importante lancée par Guillaume de Volpiano à partir de 1004. L'église Saint‑Pierre conserve des vestiges datés du Xe siècle, notamment la façade et deux travées nord de la nef, tandis que l'abbatiale Notre‑Dame, consacrée en 1067, mêle des parties romanes et des éléments gothiques. Le chœur et le transept de Notre‑Dame furent reconstruits au XIIIe siècle pour accueillir des chapelles rayonnantes et mieux éclairer l'édifice. Le cellier et la salle capitulaire datent du XIIe siècle, la porterie du XIVe siècle et le cloître, élevé au XVIe siècle, a été détruit. L'arrivée des mauristes en 1617 entraîna de nouveaux travaux : un premier projet de logis débuta en 1661, le logis actuel fut construit par Jean‑Baptiste Tisserand de 1668 à 1673 et un grand dortoir, édifié entre 1701 et 1732 par Jacques Bayeux, fut réaménagé en 1732. L'abbaye fut profondément endommagée au début du XIXe siècle, victimes de démolitions et d'une utilisation comme carrière de pierre, avant des opérations de réaménagement engagées à partir de 1854 et la construction d'un logis pour la famille Lepel‑Cointet par Jacques‑Eugène Barthélémy. Propriété de l'État depuis 1947, le site a été transféré au département de Seine‑Maritime le 1er janvier 2007. Sur le plan architectural, l'abbatiale présente un massif occidental de type Westwerk, une nef romane élevée sur trois niveaux et une tour‑lanterne dont subsiste le mur ouest ; les chapiteaux du XIe siècle sont importants pour l'histoire de la sculpture normande. L'église Saint‑Pierre, reconstruite au cours du Moyen Âge, conserve des éléments pré‑romans et des murs de nef de style gothique issus des campagnes de restauration. La salle capitulaire du XIIe siècle, voûtée sur croisées d'ogives, jouxte la salle des reliques et illustre l'organisation monastique médiévale. Les celliers associent parties romanes et gothiques, un réseau de caveaux souterrains et des salles voûtées ; les mauristes y installèrent une bibliothèque au-dessus du cellier. Centre intellectuel et scriptorial, l'abbaye a possédé une riche bibliothèque et un scriptorium dont sont issus de nombreux manuscrits, enluminures et ouvrages liturgiques ; les études et l'érudition furent relancées par les mauristes aux XVIIe et XVIIIe siècles. Tout au long de son histoire Jumièges subit pillages et destructions, notamment par les Vikings, pendant les guerres de Religion et à la Révolution, circonstances qui entraînèrent la perte ou la dispersion d'une grande partie de ses richesses. Les fouilles archéologiques récentes ont approfondi la connaissance du site et mis au jour, en 2023, une sépulture qui pourrait être celle de Guillaume VII, abbé au XIVe siècle. L'ensemble de l'ancienne abbaye et ses abords sont protégés au titre des monuments historiques et le site fait partie du parc naturel régional des Boucles de la Seine normande. Les ruines conservent des traces lisibles des différentes phases de construction et de restauration ; le logis abbatial accueille aujourd'hui un musée lapidaire, des expositions et des services culturels accueillant le public.