Origine et histoire
L'abbaye Saint-Pierre de la Couture, située au Mans (Sarthe), conserve aujourd'hui l'église abbatiale Notre‑Dame et le cloître ; le reste des bâtiments abrite la préfecture de la Sarthe. Son origine est attribuée à saint Bertrand, évêque du Mans (586‑616), et le monastère tel qu'on le connaît date du XIe siècle. Le nom de « Couture », issu de cultura, renvoie aux terres cultivées qui entouraient l'établissement puis au culte divin (cultura Dei), d'où le nom latin Cenobium Sancti Petri dicitur ad culturam. Rapidement, l'abbaye accumula de larges possessions dans le Maine et au-delà, notamment dans le Bordelais, la Provence, la Bourgogne et en Angleterre, ce que signala son blason mêlant fleurs de lys et trois lions. Une agglomération se développa entre le faubourg Saint‑Nicolas et l'abbaye, formant le noyau d'un quartier périphérique aujourd'hui intégré au centre‑ville.
Les IXe et Xe siècles furent difficiles : les religieux subirent la domination des seigneurs laïcs, puis des attaques normandes qui détruisirent partiellement l'abbaye. Gauzbert refondit l'abbaye en 990 avec l'appui du comte Hugues Iᵉʳ du Maine et de l'évêque Avesgaud ; à partir de cette époque La Couture chercha à garantir son indépendance, comme le faisaient les monastères clunisiens, en multipliant procès et récupérations de terres usurpées. Grâce à ces ressources l'abbaye reconstruisit son église aux XIe et XIIe siècles.
À son apogée, au début du XIIe siècle, La Couture possédait de vastes domaines, de nombreux prieurés — dont Solesmes — et l'abbé jouissait d'un rang et de pouvoirs comparables à ceux des seigneurs locaux, parfois supérieurs à ceux de l'évêque. La guerre de Cent Ans et les occupations anglaises provoquèrent d'importantes destructions aux XIVe et XVe siècles, mais l'abbaye renforça aussi son rôle d'appui auprès de ses dépendances.
Le déclin commença au début du XVIe siècle lorsque les abbés furent nommés par l'autorité royale et que l'abbaye fut progressivement mise en commende, perte d'autonomie accentuée par le concordat de 1516. Henri IV séjourna dans l'abbaye lors du siège du Mans ; plus tard, la congrégation de Saint‑Maur intervint pour réformer la maison, entraînant tensions et intégration administrative. Une importante campagne de reconstruction eut lieu vers 1760–1775, qui donna les bâtiments visibles aujourd'hui, malgré une communauté monastique peu nombreuse.
À la Révolution, la plupart des biens furent vendus ; l'église abbatiale et le monastère subsistèrent, l'église servant un temps au culte révolutionnaire — la fête de l'Être suprême y fut célébrée — puis redevenant paroissiale après le concordat. Très tôt affectés à l'administration départementale, les locaux accueillirent le conseil général et, au fil du temps, la préfecture, des archives, une bibliothèque, des collections muséales et des logements de fonction, provoquant des aménagements successifs et parfois des fermetures d'espaces comme le cloître.
Au XIXe et XXe siècles, les archives furent progressivement déplacées, les collections et services municipaux transférés vers d'autres bâtiments (hôtel de Tessé, rue Gambetta), et une nouvelle aile ajoutée en 1934. Classée partiellement aux monuments historiques en 1959 (galerie, cloître, grand escalier) et inscrite en 1975, l'abbaye a fait l'objet de campagnes de restauration dirigées après le déménagement de la cité administrative, confiées à l'architecte Jean‑Louis Lagrange. L'enclos de 2,8 hectares a servi à la création d'équipements publics alentour. Aujourd'hui, l'ensemble n'est ouvert au public qu'occasionnellement, lors de visites guidées et de parcours thématiques.
L'abbatiale Notre‑Dame, de style gothique, fait face au boulevard René‑Levasseur et conserve des éléments médiévaux importants, dont une crypte, un chœur élevé avec déambulatoire et absidioles, ainsi que des volets romans encore visibles au nord de la nef. Des manuscrits enluminés des XIe–XIIe siècles, issus de l'atelier de copistes de l'abbaye, ont été conservés et certains sont aujourd'hui conservés à la médiathèque Louis‑Aragon. Les travaux du milieu du XVIIIe siècle ont dessiné le nouveau monastère autour de deux cours (cloître et cuisine), avec des galeries, un grand escalier remarquable et des espaces monastiques organisés (réfectoire, dortoirs, infirmerie, cellules d'hôte), selon les plans de Jean‑François Pradel.
Le cloître, traité avec soin, conserve des sculptures du XIIe siècle et des galeries à travées rythmées par des pilastres à chapiteaux toscans ; le grand escalier, chef‑d'œuvre de stéréotomie, relie quatre niveaux sur plus de cent vingt marches. La salle du chapitre et la sacristie conservent des boiseries et des peintures, dont plusieurs toiles de Pierre Parrocel. La liste des abbés, documentée par le Gallia Christiana, est abondamment conservée pour l'étude de la succession des titulaires de Gauzbert à Louis‑Sylvestre de La Châtre.
Enfin, l'abbaye possédait de nombreuses dépendances et revenus, parmi lesquels l'église de Vezins et des prieurés comme celui de Pontvallain, dont les rentes et attributions sont signalées dans les archives de la fin du XVIIIe siècle.