Période
XIIe siècle, XIIIe siècle, XIVe siècle, XVe siècle, XVIe siècle, XVIIe siècle, XVIIIe siècle
Patrimoine classé
Eglise de la Trinité, clocher, cloître et presbytère (ancien logis des abbés commendataires) : classement par liste de 1840 ; Vestiges de la chapelle Saint-Loup dans le bâtiment D (cf plan joint à l'arrêté) : inscription par arrêté du 23 décembre 1948 ; Façades et toitures des bâtiments de l'ancienne abbaye de la Trinité (figurant sous les n° A, B et C sur le plan annexé à l'arrêté) , ainsi que la salle capitulaire située dans le bâtiment C et le sol de la cour du cloître : classement par arrêté du 10 juin 1949 ; Les parties suivantes de l'abbaye de la Trinité : les greniers, en totalité, dans la limite de l'enclos et murs inclus, les façades et toitures du bâtiment Régence, enfin le mur de clôture de l'ancien logis abbatial qui contient des vestiges de bâtiments anciens telles que représentées sur le plan annexé à l'arrêté et situées sur les parcelles section AR, numérotées 86, 91, 135, 137, 138, 139, 140, 141, 144, 145, 406, 430, 458, 459, 556, 600, 601, 628, 633 et 635 : inscription par arrêté du 8 décembre 2022
Origine et histoire de l'Abbaye de la Trinité
L’ancienne abbaye de la Trinité de Vendôme, fondée au XIe siècle par Geoffroy Martel (vers 1033-1034), comprend une église dont les élévations couvrent les XIIe, XIIIe, XIVe et XVe siècles et des bâtiments conventuels remaniés entre le XIVe et le XVIIIe siècles. La tradition rapporte une fondation miraculeuse, mais les sources médiévales la présentent aussi comme un acte à la fois pieux et politique destiné à affirmer l’autorité comtale. La charte qui officialise la fondation date du 31 mai 1040 et, à cette époque, le gros œuvre du chœur roman semble déjà achevé. Les largesses des fondateurs et d’autres bienfaiteurs, notamment la donation de la Sainte Larme vers 1047, firent de la Trinité un pèlerinage important attirant des fidèles venus de loin. L’abbaye entre rapidement en relation étroite avec la papauté : dès le milieu du XIe siècle elle reçoit des privilèges pontificaux qui aboutissent à une exemption quasi-totale, et la charge d’abbé s’accompagne d’un titre cardinalice à partir du XIIe siècle. L’apogée monastique intervient sous l’abbatiat de Geoffroi de Vendôme (fin XIe–début XIIe siècle), période d’essor numérique, artistique et de réception de papes. Le clocher, construit probablement au milieu du XIIe siècle, s’élève à quelque 80 mètres ; sa base carrée, son pilier central et son système d’arcs destinés à porter un beffroi en charpente témoignent d’un raisonnement constructif qui combine héritage roman et innovations de l’école gothique. Au début du XIIIe siècle le transept est surélevé et l’abbaye réalise une armoire monumentale pour la Sainte Larme, puis, à partir de la fin du XIIIe siècle et jusqu’au milieu du XIVe siècle, s’engagent d’importants travaux de reconstruction de l’abbatiale en style rayonnant. Le chef de saint Eutrope est transféré à la Trinité le 18 mai 1353 et y demeure ensuite. La guerre de Cent Ans contraint l’abbaye à se fortifier et interrompt les chantiers à partir du milieu du XIVe siècle ; les efforts se concentrent alors sur la conservation et la restauration des bâtiments. À la reprise des travaux après les troubles, la façade flamboyante est réalisée au tournant des XVe et XVIe siècles sous l’impulsion de Louis de Crevant et la maîtrise d’œuvre de Jehan Texier dit Jehan de Beauce, grâce aussi à des aides papales et royales et à des prélèvements sur les revenus de la mense abbatiale. Les XVIe et XVIIe siècles voient un déclin progressif, puis la congrégation de Saint‑Maur entreprend des réaménagements ; le monastère décline au XVIIIe siècle et les bâtiments sont vendus en 1791. Après la Révolution, les locaux accueillent tribunal, prisons et sous‑préfecture ; en 1802 s’établit un quartier de cavalerie qui prendra le nom de quartier Rochambeau en 1886 et donnera lieu à la construction progressive d’une trentaine de bâtiments annexes, la place militaire perdurant jusqu’à la Première Guerre mondiale, et la gendarmerie étant réinstallée à proximité en 1996. En 2018, le bâtiment dit Régence, partie sud du cloître, a été acquis par la maison Louis Vuitton pour y installer un atelier de maroquinerie. L’abbatiale réunit des éléments romans anciens, un chœur gothique du XIVe siècle, le clocher roman monumental et une façade flamboyante ; les verrières, dont un vitrail de la Vierge de Vendôme du XIIe siècle (240 × 60 cm), sont classées. La clôture du chœur et les stalles, commandées par Louis de Crevant et achevées par son neveu Antoine, offrent des miséricordes sculptées et un décor Renaissance. Du côté conventuel, la galerie nord du cloître le long de l’église subsiste, la salle capitulaire conserve des fresques tardives du XIe-début XIIe siècle découvertes en 1972, les cuisines médiévales étaient de plan circulaire et le logis abbatial actuel date des XVe-XVIe siècles. L’abbaye abritait de nombreuses reliques : outre la Sainte Larme, dont le reliquaire fut en partie dépouillé en 1792, l’or envoyé à la Monnaie de Paris en décembre 1793 et dont le fuseau de cristal passa ensuite de mains en mains avant d’être remis en 1803 à l’évêque d’Orléans puis offert au cardinal Caprara et perdu en cours de transfert vers Rome, la Trinité conservait notamment le chef de saint Eutrope, un fragment de la Vraie Croix et de nombreuses autres reliques d’apôtres et de saints. Les possessions de l’abbaye s’étendaient largement, de la Saintonge à la Normandie, et comprenaient de nombreux prieurés et églises paroissiales dans les diocèses de Chartres, du Mans, d’Angers, de Tours, de Poitiers, de Saintes et de l’Orléanais, parmi lesquelles figurent, pour exemples, l’église Saint‑Bienheuré de Vendôme, le prieuré de Villedieu‑le‑Château et le prieuré de l’Esvière d’Angers. La succession des abbés est bien documentée depuis Renauld Ier (1033‑1046) jusqu’à Antoine de Crevant (1522‑1539), puis par une série d’abbés commendataires et titulaires jusqu’à la Révolution. Enfin, l’ensemble bénéficie de protections au titre des monuments historiques depuis le XIXe siècle, avec des classements et inscriptions couvrant l’église, la salle capitulaire, la cour du cloître, les façades et toitures et divers éléments du domaine abbatial.