Abbaye de Ligugé dans la Vienne

Patrimoine classé Patrimoine religieux Abbaye

Abbaye de Ligugé

  • Place du Révérend Père Lambert
  • 86240 Ligugé
Abbaye de Ligugé
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Abbaye de Ligugé
Abbaye de Ligugé
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Abbaye de Ligugé
Abbaye de Ligugé
Crédit photo : InconnuUnknown Eric Menneteau - Sous licence Creative Commons
Propriété de la commune

Période

Haut Moyen Age, Ve siècle, VIe siècle

Patrimoine classé

Portail de l'église abbatiale : classement par liste de 1846 ; Eglise (à l'exception du porche classé) ; clocher et parties anciennes incorporées dans l'abbaye ; terrains de fouilles (martyrium) (cad. C 392) : classement par arrêté du 9 septembre 1965

Origine et histoire de l'Abbaye

L’ancienne abbaye Saint‑Martin de Ligugé, située dans la Vienne, est un monastère bénédictin fondé par saint Martin de Tours en 361 et considéré comme le plus ancien établissement monastique d’Occident encore en activité, même si les bâtiments conventuels actuels sont d’époque plus récente. Protégée au titre des monuments historiques en 1846 et 1965, elle a fait l’objet de fouilles en 1952 qui ont mis au jour des substructions romaines et romanes au nord de l’église, des vestiges s’étendant à l’ouest jusqu’à l’extrémité du cloître et au nord jusqu’au presbytère, ainsi que les restes d’une crypte sous l’église. Des éléments d’un premier édifice du IVe siècle ont été retrouvés sous l’avenue menant à l’abbatiale ; un martyrium du IVe siècle a été complété au VIe siècle par trois nefs, et l’église fut allongée à l’est à la fin du VIIe siècle. Saint Martin s’installa à Ligugé comme ermite dans une villa romaine offerte par saint Hilaire, évêque de Poitiers ; ses disciples, logés séparément dans de petites cabanes appelées Locaciacum (d’où le nom de Ligugé), furent orientés vers une vie contemplative et laborieuse inspirée du monachisme oriental. Martin fut choisi évêque en 370 et quitta l’abbaye pour Tours ; Ligugé connut ensuite un abandon au Ve siècle en raison des persécutions wisigothes, qui cessèrent après la victoire de Clovis à Vouillé.
Au haut Moyen Âge, Grégoire de Tours visita le monastère vers 591 et en fit le récit ; l’abbé Ursinus rédigea l’hagiographie de saint Léger vers 684 et à cette époque l’abbaye possédait le privilège de battre monnaie. Vers la fin du VIIe siècle, le moine Defensor composa le Liber scintillarum, une anthologie de 2 950 citations tirées de l’Ancien et du Nouveau Testament et des Pères de l’Église. L’établissement paraît avoir disparu au VIIIe siècle, n’apparaissant pas dans la liste des monastères dressée en 817, puis fut ravagé en 865 par les Normands et par les conflits carolingiens ; il fut restauré au Xe siècle par la comtesse Adèle, fille de Rollon, et adopta alors la règle bénédictine sous la dépendance de Saint‑Cyprien de Poitiers.
Autour de l’an 1000, Aumode, comtesse du Poitou, fit restaurer le sanctuaire pour l’accueil des pèlerins et sa sépulture subsiste dans la crypte ; l’abbaye devint alors un prieuré desservi par des moines venus de Maillezais, dépendant de l’ordre de Cluny, situation qui perdura jusqu’à la fin de la vie régulière au XVIIe siècle. Le prieuré reçut le pape Urbain II en 1096, obtint des droits de justice en 1268 et servit de résidence au pape Clément V en 1307 durant le procès des Templiers. Détruit et occupé à plusieurs reprises pendant la guerre de Cent Ans (1346, 1359), il fut partiellement reconstruit à la fin du XVe siècle puis de nouveau occupé par des moines de Maillezais.
Entré en commende en 1501, le prieuré fut achevé après 1504 par Geoffroy d’Estissac ; l’église paroissiale et le cloître datent de cette époque, l’église mesurant 24 mètres de long sur 9 de large et sa voûte culminant à 14 mètres. Rabelais y fit ses études au début du XVIe siècle et un petit donjon, appelé depuis « tour Rabelais », subsiste en façade. Le prieuré fut incendié pendant les guerres de Religion lors du siège de Poitiers par les troupes de Coligny en 1569.
Au XVIIe siècle, Ligugé fut laissé aux jésuites par Gaspard Le Franc pour affecter ses revenus à leur collège de Poitiers ; la présence jésuite, marquée notamment par la construction de l’aile sud en 1674, dura jusqu’à la suppression de l’ordre en 1763, après quoi les revenus furent gérés par un économe royal. La Révolution entraîna la mise en vente du prieuré en 1793 ; acquis successivement par des particuliers, il resta dans la famille du meunier Véron jusqu’au milieu du XIXe siècle.
Racheté par le cardinal Pie en 1852, le prieuré fut restauré à partir de 1853 et la vie monastique y fut rétablie sous l’impulsion de dom Guéranger ; seuls l’église paroissiale, une tour du XVIe siècle et l’aile de 1674 subsistaient antérieurement. Quatre moines de Solesmes vinrent s’y installer, le titre abbatial fut rétabli par le pape Pie IX en 1856, et Ligugé participa à de nouvelles fondations ; expulsée en 1880, une partie de la communauté trouva refuge en Espagne à Silos et put revenir dès 1885, ce qui permit la construction des bâtiments actuels et la création en 1891 d’une imprimerie monastique, ancêtre de l’imprimerie Aubin. Expulsés de nouveau en 1901, les moines se réfugièrent à Chevetogne et revinrent en 1923, puis achevèrent une nouvelle église claustrale en 1929.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’abbaye, qui hébergea environ cinquante soldats allemands, participa aux réseaux de Résistance et aida de nombreuses personnes à gagner la zone libre ; Robert Schuman et Amadou Bow y furent accueillis en août 1942, grâce notamment au Père Aimé Lambert et au Père Jean Coquet, le premier étant exécuté en prison en 1943. En 1945, l’atelier d’émaillage fondé par le Père Jean Coquet travailla sur des maquettes d’artistes contemporains et acquit une renommée internationale.
Aujourd’hui l’abbaye accueille des retraitants et conserve des liens avec des figures littéraires et spirituelles comme Joris‑Karl Huysmans et Paul Claudel ; la communauté compte 28 moines et 120 oblats et appartient à la congrégation de Solesmes au sein de la confédération bénédictine. Les moines produisent des émaux et mènent des recherches en patristique et en assyriologie. Dom Christophe Bettwy, entré à l’abbaye en 1998, a été élu en avril 2018.
L’église paroissiale Saint‑Martin, reconstruite en 1505 par Geoffroy d’Estissac sur l’emplacement d’un édifice antérieur de 1310 détruit en 1359, présente en façade des couvercles de sarcophages mérovingiens et un portail de pierre finement ciselé ainsi qu’un clocher de style gothique flamboyant ; la porte de bois sculpté illustre Saint Martin partageant son manteau et une statue moderne de l’évêque se trouve au‑dessus du linteau. La nef du XVIe siècle, couverte d’une voûte à nervures, est sobre dans ses lignes, l’abside est du XIXe siècle, les vitraux historiés datent de 1856 et l’orgue remonte à 1880 (restauré en 1983), tandis que la tribune de 1893 est un exemple de sculpture dite « gothique à petits plis ». Le portail fut classé Monument historique en 1846 et l’église, le clocher, les parties anciennes et le terrain des fouilles furent protégés en 1965 à l’initiative du Père Jean Coquet.
La crypte, située sous la première travée, occupe l’emplacement d’une cave romaine et conserve l’abside de la basilique martiniènne et l’escalier d’accès ; la petite crypte à trois nefs, aménagée au VIIe siècle, contient le couvercle d’un sarcophage d’un jeune Wisigoth nommé Ariomères (Ve siècle) et une pierre gravée relative à l’abbé Ursinus (VIIe siècle). L’oratoire du catéchumène, d’origine XIIIe siècle et restauré au XIXe siècle, rappelle le miracle rapporté par Sulpice‑Sévère où saint Martin ranime un catéchumène ; un vitrail moderne de Labouret, en dalles de verre, illustre ce récit.
Le clocher abrite une sonnerie de trois cloches fondues en 1877 par Charles Martin à Nancy, baptisées le 22 avril 1877 et nommées Martin‑Benoît (Mi3, 850 kg), Maria‑Pia (Fa#3, 600 kg) et Hilaria‑Paula (Sol#3, 460 kg). Enfin, les moines fabriquent depuis 2002 une pâtisserie appelée SCOFA, dont l’acronyme correspond aux ingrédients principaux (sucre, crème, œufs, farine, amande) ; la recette est partagée avec les sœurs carmélites de Niort.

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