Période
3e quart XVIe siècle, 2e quart XVIIe siècle, 4e quart XVIIIe siècle
Patrimoine classé
Façades et toitures du bâtiment longeant la grande-rue, la maison des hôtes, la grange, le moulin ainsi que le portail de l'ancienne église abbatiale transformé en arc de triomphe (cad. A 1541, 1839, 1840, 1842 à 1845, 1850, 1885, 1891, 1898, 2693) : inscription par arrêté du 16 mars 1977
Origine et histoire de l'Abbaye
L'ancienne abbaye de Maroilles est un monastère de moines bénédictins fondé vers 650 à Maroilles, dans l'Avesnois (Nord). Elle fut établie par Radobert, comte de Famars ; son premier abbé, Humbert, propriétaire terrien originaire du Laonnois, fit en 674 une donation qui le fait considérer comme cofondateur et mourut vers 681. Fondée comme Eigenkloster, l'abbaye resta longtemps sous l'influence de la famille du fondateur. Au début du IXe siècle, Maroilles devint abbaye royale ; c'est à cette époque que se développa le culte de saint Humbert et que l'abbé Rodin obtint de Charlemagne la translation des reliques. L'abbaye subit ensuite des incursions, notamment normandes puis hongroises, et la région devint zone frontière après le traité de Verdun. Touchée par la politique de sécularisation carolingienne, Maroilles fut attribuée à Enguerrand par Charles le Chauve ; un abbé laïc fut nommé avant 870 et une mense conventuelle assura l'entretien d'une trentaine de chanoines. La communauté conserva toutefois la règle de saint Benoît jusqu'à la Révolution. Aux Xe et XIe siècles, les évêques de Cambrai cherchèrent à s'approprier l'abbaye : vers 920 elle fut rattachée à l'évêché de Cambrai et, en 948, Otton Ier la donna à l'évêque Fulbert, provoquant de longs conflits qui se soldèrent par l'expulsion des chanoines et le rétablissement d'une discipline plus conforme à la règle bénédictine sous Gérard Ier de Florennes. En 921, Charles le Simple confirma les possessions de l'abbaye sur les « villages de Saint-Humbert » — Taisnières-en-Thiérache, Noyelles-sur-Sambre, Marbaix et Maroilles — et l'abbaye possédait alors plus de 4 300 hectares ; elle bénéficia d'une exemption du tonlieu et d'un marché. L'abbaye vivait des revenus de ses terres et de la dîme ; le fromage local, d'abord nommé craquegnon, serait né à cette époque, affiné plus longuement sur l'instigation de l'évêque Enguerrand. Aux XIIe et XIIIe siècles, des chartes de franchises réglementèrent les rapports entre l'abbé et les villageois, avec des décisions contrastées en 1202 et 1245 sur l'exercice du droit de ban. À la fin du Moyen Âge, la peste et l'évolution des pratiques agricoles entraînèrent une orientation vers l'élevage ; l'abbaye, l'une des plus importantes du Hainaut sur la partie aujourd'hui française, s'enrichit mais connut de nombreux litiges avec les habitants à propos de l'assolement et de la clôture de prés communaux, tandis que le bocage se développait en Thiérache. Aux XVIe et XVIIe siècles, malgré le passage des troupes, des reconstructions importantes furent menées : le moulin à farine porte la date 1575 sur un linteau (certaines sources évoquent aussi 1576), il fut agrandi en 1634 et modifié en 1780 ; sous l'abbatiat d'Alexandre de Brissy l'abbaye connut par ailleurs une vie musicale soutenue et fit construire de nouveaux orgues. Le 29 juillet 1789, lors du « vacarme de Maroilles », des habitants mirent l'abbaye à sac ; entre 1791 et 1794 le site servit de carrière de pierre et l'abbatiale, le cloître et le quartier de l'abbé disparurent. Aujourd'hui subsistent le moulin, la grange dîmière — réhabilitée en maison de l'environnement et du tourisme du Parc naturel régional de l'Avesnois — le logis des hôtes, le logement du portier et des éléments de portail réemployés dans un arc de triomphe. Cet arc de triomphe, dessiné et complété par l'architecte Guyot lors de l'aménagement de la place Verte en 1808-1809, utilise des matériaux provenant du portique supérieur de l'ancienne abbaye ; les pilastres, l'arcade et l'entablement sont des remploi et le fronton portait à l'origine les armes de l'empereur et une devise ; l'arc fut restauré en 1843 par l'architecte Grimault. L'abbaye était située en lisière de la forêt de Mormal, sur les bords de l'Helpe Mineure, rivière abondamment alimentée par les précipitations de l'Avesnois et présentant un débit nettement plus élevé en hiver. L'abbaye et son moulin ont été inscrits à l'inventaire des monuments historiques en 1977 ; l'orgue, classé pour sa partie instrumentale en 1963 et pour son buffet en 1965, est aujourd'hui installé dans l'église Saint-Humbert de Maroilles. La commune est propriétaire du moulin depuis 2012 et envisage de le remettre en fonction pour produire de l'électricité. Le nom de l'abbaye reste associé au fromage de Maroilles.