Origine et histoire de l'Abbaye de Marquette
L'abbaye cistercienne du Repos Notre‑Dame, également nommée Reclinatorium B. Virginis ou Bona requies B. M., a été fondée en 1226 par Jeanne de Constantinople et son mari Ferrand de Flandre près du pont de Marque ; elle relevait autrefois du diocèse de Tournai et de la dépendance de Clairvaux. Jeanne fit édifier un mausolée pour son mari après sa mort et la rejoignit à son tour à son trépas. Initialement établie à Marcq, l'abbaye fut transférée à Marquette en 1227 à la suite d'un échange avec les moines de Laon ; les religieuses s'y installèrent en 1236 à l'achèvement des bâtiments. En 1243 l'abbaye possédait à Assenede 1 600 mesures de marais et de terres incultes, et en 1244 Jeanne de Constantinople se retira dans la communauté comme novice. Le 31 octobre 1292 les échevins de Lille accordèrent à l'abbaye une exemption des droits de chaussée et d'écluse pour les biens de la maison contre la cession de quelques rentes, mais en 1297 elle fut pillée par les troupes de Philippe le Bel. En 1340, pendant la guerre de Cent Ans, les Anglais passant par Marquette furent attaqués avec succès à l'emplacement de l'abbaye par le seigneur de Roubaix ; les comtes de Salisbury, de Suffolk et Guillaume de Montaigu y furent retenus prisonniers. Charles VI logea en l'abbaye le 5 novembre 1382 avant la bataille de Roosebeke. En 1404 une sentence des échevins de Maldegem condamna l'abbaye à verser une redevance au prieuré de Papingloo pour des terres situées à Maldegem. L'abbaye fut dévastée en 1482, et elle subit à nouveau pillage et profanation lors de la fureur iconoclaste de 1566. En 1578 une attaque des Hurlus menée par un chef nommé Bras de fer fut repoussée grâce à la défense de la porte d'entrée ; cet épisode, relié à la protection de la Vierge, incita l'abbesse Marguerite de Bachemont à faire placer une image de Marie dans la muraille, attirant bientôt pèlerins et malades. En 1618 une chapelle fut érigée près du pont pour abriter l'image miraculeuse de Notre‑Dame de la Barrière ; cette chapelle, proche de la porte d'entrée, reçut des pèlerinages jusqu'à la Révolution française. En 1925 une petite chapelle au 106 rue Sadi‑Carnot reproduisit en miniature la porte de l'abbaye. Le 24 mai 1670 Marie‑Thérèse d'Autriche visita l'abbaye. Au XVIIe siècle les moniales se réfugiaient parfois dans le couvent qui est aujourd'hui le bâtiment principal du lycée Notre‑Dame d'Annay ; la façade en « taille en pointe de diamant » de ce bâtiment est le seul vestige du couvent. Le pont face à l'abbaye, qui obligeait les bateaux de paille à décharger, fut remplacé par un pont‑levis en août 1691. Pendant la guerre de Succession d'Espagne, les 12 et 13 août 1708 des opérations militaires eurent lieu près de l'abbaye : le prince de Nassau‑Frise y avança des troupes, un poste français fut culbuté et Eugène de Savoie‑Carignan arriva le 13 août à deux heures du matin. En 1792 un incendie ravagea l'abbaye et des sépultures, dont celle de Jeanne de Constantinople, furent profanées. Les vestiges furent inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques en mars 2005, et des fouilles programmées menées de 2005 à 2007 ont permis de retrouver des chapiteaux à crochet, la lame funéraire de Jeanne de Constantinople, un vicus, un bâti sur solin de calcaire, quatre puits, un cimetière mérovingien de 136 tombes, une obole à l'effigie de Justin Ier, des éléments d'armement scramasaxe et un ambon. L'abbaye a été dirigée par trente‑huit abbesses, de Berthe de Marbais à Pélagie Josèphe de Francqueville d'Abancourt (1767‑1778). Parmi elles, Geneviève‑Armande‑Élisabeth de Rohan‑Guéméné (1691‑1753), issue de la maison de Rohan, avait été abbesse de l'abbaye Saint‑Léger de Préaux et représenta la reine lors d'un baptême à Douai le 1er mai 1765. Margueritte III de Bachimont, vingt‑huitième abbesse, gouverna l'abbaye pendant vingt‑sept ans et fit réaliser d'importants travaux et ornements ensuite en grande partie détruits en 1566 ; plusieurs religieuses trouvèrent refuge à Lille ou à Arras avant de revenir. Parmi les personnalités liées à l'abbaye figurent Jehan de Roulers, échevin et receveur en 1504 ; Anne Delavaux, née à Lomme, qui servit sous le nom d'Antoine de Bonne Espérance dans l'armée espagnole et prit sa retraite à l'abbaye ; et Michel Gousselaire (1629‑1706), prêtre, procureur et directeur de monastères, qui mourut à l'abbaye et rédigea des manuscrits sur les abbayes de la région.