Origine et histoire de l'Abbaye
L'abbaye de Montbenoît, située dans la commune du même nom dans le Doubs (Bourgogne-Franche-Comté), est une ancienne abbaye augustinienne présentant une longue évolution architecturale du XIe jusqu'au XXe siècle. La façade sur la place comporte un portail à tétramorphe sculpté et une haute arcade en arc brisé ; le clocher-porche de style néo-gothique a été reconstruit en 1906 à l'emplacement du porche et du clocher détruits en 1902, la tour du clocher datant de 1903. Le porche et la tribune sont voûtés sur croisée d'ogives ; la tribune s'ouvre sur la nef par une arcature néogothique et un balcon à remplage. La nef et l'avant-chœur datent de 1141 à 1162, sous le premier prieur Nardouin ; la première chapelle sud et la première travée de la nef appartiennent au XVe siècle, tandis que le chœur, la sacristie et deux chapelles ont été réalisés en 1522 sous l'impulsion de Ferry Carondelet par J. F. Badius. Le cloître, dont les aménagements s'étendent du XIIe au XVe siècle, est entouré de bâtiments des XVe et XVIe siècles et fait l'objet d'un classement au titre des monuments historiques depuis 1846. L'abbaye conserve également des stalles sculptées de la Renaissance tardive, des peintures, deux chapelles, des voûtes en berceau et une cuisine voûtée ; l'ensemble intérieur fut pillé au XVIIe siècle par les troupes de Bernard de Saxe-Weimar. En raison des guerres et des incendies successifs, Montbenoît constitue le seul ensemble religieux médiéval conservé dans le département du Doubs. L'église, à l'exception du clocher, est classée au titre des monuments historiques depuis le 7 novembre 1922 ; le clocher a fait l'objet d'une inscription distincte le 23 août 2013 et les autres bâtiments sont inscrits depuis le 8 octobre 1935.
Le Saugeais forma pendant sept siècles une seigneurie unique dépendant de l'abbaye ; une charte de 1251 établie par l'archevêque Guillaume II de la Tour et Amauri de Joux fixe les conditions de vie des habitants, et le prieur Étienne y est mentionné comme contemporain des premiers habitants. En 1458, Henri Bouchet scelle le « coutumier du Saugeois » qui rassemble 112 articles traitant des droits du monastère, de la culture des terres, de la chasse, de la police rurale, des droits féodaux et des modes de désignation des messiers, des prud'hommes et du juge. Les XIe et XIIe siècles voient l'occupation et la mise en culture des terres du Jura et l'implantation d'abbayes et monastères dans la région, œuvres des disciples de saint Benoît ; dans les premiers temps le supérieur était appelé « frère » et ce n'est qu'avec Narduin, au milieu du XIIe siècle, que le prieur peut revêtir la crosse abbatiale.
La fondation remonte à un ermite nommé Benoît qui, vers l'an Mil, établit un ermitage dont la réputation attire des disciples ; la communauté suit d'abord la règle de saint Benoît avant d'entrer dans l'ordre des chanoines réguliers de saint Augustin, changement probablement intervenu sous l'archevêque Anseric (1117‑1134). Une charte d'Henri de Joux de 1199 atteste déjà l'observance de la règle augustinienne. L'habergement du Saugeais impose aux habitants des redevances et corvées annuelles : douze deniers par homme et par maison, dix-huit deniers par bœuf ou cheval, et trois journées de corvée par famille, dont l'une à la faux ; il précise les modalités de départ des habitants, les ventes de maisons au monastère pour douze deniers, l'accompagnement par le sire de Joux, les délais de reprise de possession, les dispositions en cas de décès sans postérité, ainsi que l'obligation d'aider l'abbaye à racheter ses biens mis en gage et à assister l'abbé dans certaines démarches.
Dès le XIIe siècle l'abbaye reçoit de nombreuses donations : Landry de Joux lui donne forêts, pâturages, rivières, prairies et le droit d'usage des bois pour les fours à poix ; Henri de Joux concède ensuite la moitié des dîmes de ses moissons et des droits de mariage ; l'archevêque Anseric remet l'église de Nods en 1132 et Humbert de Scey celle de Pontarlier en 1133. En 1141 le pape Innocent II prend sous sa protection plusieurs possessions de l'abbaye, nommant notamment les églises de Grandecourt et de Glamondans, les granges d'Arçon, Bugny et Chevigney, ainsi que des terres à Montigny et Orbe ; l'archevêque Humbert complète ces biens par des libéralités dans les années 1148 et 1157 et les sires de Salins accordent en 1148 un droit de sel hebdomadaire. De nombreux autres seigneurs, prélats, chevaliers, bourgeois et particuliers complètent ces dotations. La charte de 1189 de Thierry de Montfaucon dresse un inventaire étendu des possessions et droits de l'abbaye, incluant péages, moulins, dîmes, hôpital, terres, fermes, serfs, fours, maisons, charges de sel, vignes, redevances en vin et foin, églises et corvées.
Les seigneurs de Joux sont les protecteurs de l'abbaye ; plusieurs d'entre eux sont inhumés dans le chœur, dont Henry Ire sous un monument daté vers 1228 et d'autres membres de la famille mentionnés par des inscriptions, ainsi que Berthe de Joux et divers descendants. Une plaque fait également référence à Ferricus Carondelet et à une commémoration datée de 1525. La maison de Joux décline au XIIIe siècle, devient vassale et s'éteint en 1326 avec la mort sans postérité d'Henry de Joux.
De nombreux établissements dépendaient de l'abbaye, parmi lesquels les prieurés de Laval, Vuillorbe, Grandecourt et Maraux, de nombreuses églises (Chevigney, Montigny, Tornans, Doubs, Arçon, Nods, Saint-Gorgon, Ouhans, Pontarlier, Guyans-Vennes, Chapelle-d'Huin, Orchamps-Vennes, Gilley, l'église des Allemands) ainsi que des vicariats en chef et secondaires à Liévremont, Bugny et La Chaux, et des chapelles dans les églises de Pontarlier. Une liste des prieurs existe, mais les dates d'exercice ne sont pas toutes connues. Une bibliographie ancienne, notamment l'ouvrage d'Alexandre Barthelet (1853), documente l'histoire de l'abbaye et du val du Saugeois.