Origine et histoire de l'Abbaye de Montmajour
L'abbaye Saint-Pierre de Montmajour est une abbaye bénédictine fondée en 948 sur un rocher entouré de marais, à environ quatre kilomètres au nord‑est d'Arles (Bouches‑du‑Rhône). En octobre 949, Teucinde, aristocrate bourguignonne, acheta l'île de Montmajour appartenant à l'archevêque Manassès et la donna aux religieux ; elle confirma sa donation en 977. Dès le Xe et le XIe siècle de nombreuses donations, dont celle de la comtesse Berthe en 961, enrichirent rapidement la communauté, et le pape Léon VIII plaça le monastère sous son autorité directe en 963. Entre le XIe siècle et le début du XVIIIe siècle le site se développa par la construction d'une série d'édifices religieux et militaires : ermitage semi‑troglodyte, monastère médiéval avec cloître et abbatiale Notre‑Dame, donjon défensif, puis le monastère classique Saint‑Maur. L'abbaye devint une nécropole princière au XIe siècle et se signala par le pèlerinage de la Sainte‑Croix, institué lors de la consécration de la première église Notre‑Dame et célébré chaque 3 mai, qui attira pendant le Moyen Âge des foules nombreuses. Montmajour étendit son influence en Provence grâce à un vaste réseau de prieurés — jusqu'à cinquante‑six au XIIIe siècle — et, vers 1100, quelque 112 églises et prieurés dépendaient d'elle. Les relations avec la ville d'Arles furent à la fois conflictuelles, notamment sur les limites territoriales, les marais et les droits de pêche et de chasse, et utiles, la cité fournissant marchés, artisans et main‑d'œuvre aux moines. À partir du XIVe siècle et sous la pression des grandes compagnies et des conflits locaux, l'abbaye dut renforcer ses défenses, édifiant notamment la tour dite de Pons de l'Orme ; elle perdit peu à peu son indépendance abbatiale, fut mise en commende et vit le déclin de ses prieurés. Les guerres de religion entraînèrent en 1593 l'occupation de l'abbaye et son abandon temporaire, puis la réforme mauriste fut imposée au XVIIe siècle et mise en œuvre à partir de 1639, entraînant de nouvelles constructions au début du XVIIIe siècle. Un incendie important en 1726 suscita des réparations dirigées par l'architecte Jean‑Baptiste Franque, et le dernier abbé avant la sécularisation de 1786 fut le cardinal de Rohan. À la Révolution l'ensemble monastique fut vendu comme bien national, fortement dégradé, puis racheté par la ville d'Arles en 1838 ; il fut classé parmi les monuments historiques dès la liste de 1840 et restauré sous le Second Empire par Henri Révoil. Depuis 1945 l'abbaye est propriété de l'État. Le site présente un ensemble diversifié : l'ermitage et sa chapelle Saint‑Pierre, le monastère médiéval avec cloître et abbatiale Notre‑Dame, la tour‑donjon et les bâtiments classiques du monastère Saint‑Maur. La chapelle Saint‑Pierre, semi‑troglodyte et datée des années 1030‑1050, conserve douze chapiteaux corinthiens remarquables et la pierre tombale du comte Geoffroy ; son vestibule servit d'inhumatoire. L'abbatiale Notre‑Dame, édifiée en deux campagnes au XIIe siècle, associe une crypte imposante et une église haute presque troglodytique, et se distingue par un plan partiellement concentrique autour d'une rotonde munie d'un déambulatoire desservant cinq chapelles rayonnantes. La qualité de l'appareillage, la puissance des murs et l'art de bâtir du transept témoignent de l'apogée de l'architecture romane provençale au milieu du XIIe siècle, même si des adjonctions gothiques et des aménagements postérieurs ont modifié l'ensemble. Le cloître, de 24 sur 27 mètres, aux galeries voûtées et aux arcatures soigneusement appareillées, fut construit entre le milieu du XIIe et le XIIIe siècle ; son décor roman, complété et remanié par la suite, a été restauré au XIXe siècle. À l'extérieur de la clôture, la chapelle de la Sainte‑Croix, conçue en plan quadrilobé et entourée d'un cimetière rupestre, servait de reliquaire pour la relique vénérée lors du pardon et remonte à la fin du XIIe siècle, vers 1170‑1180. Le donjon de l'abbé, élevé à la fin du XIVe siècle à l'initiative de Pons de l'Orme, est une tour massive de 26 mètres, avec rez‑de‑chaussée voûté abritant un magasin et un puits‑citerne, des étages autrefois divisés par des planchers et une terrasse crénelée restaurée en 1946. Les bâtiments mauristes, érigés à partir de 1703 sur les plans de Pierre II Mignard, formaient un vaste bloc classique sur plusieurs niveaux ; en partie démantelés et transformés après la Révolution, certains éléments jugés sauvables ont fait l'objet de restaurations récentes. Montmajour a inspiré peintres et cinéastes, apparaît dans des œuvres de Van Gogh et a servi de décor pour plusieurs productions filmiques et télévisuelles, tandis que son histoire et son architecture ont fait l'objet de nombreuses études et publications.