Abbaye de Morimond à Parnoy-en-Bassigny en Haute-Marne

Patrimoine classé Patrimoine religieux Abbaye

Abbaye de Morimond

  • 1-2 Morimond
  • 52400 Parnoy-en-Bassigny
Abbaye de Morimond
Abbaye de Morimond
Abbaye de Morimond
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Abbaye de Morimond
Abbaye de Morimond
Abbaye de Morimond
Crédit photo : Frédéric BRICE - Sous licence Creative Commons
Propriété privée

Période

4e quart XVIIIe siècle

Patrimoine classé

Abbaye de Morimond (ruines) : inscription par arrêté du 30 octobre 1925

Origine et histoire de l'Abbaye de Morimond

L'abbaye cistercienne de Morimond, fondée en 1115 à Parnoy-en-Bassigny (Haute-Marne), est la quatrième des premières filles de Cîteaux et figure parmi les abbayes dites « primaires » de l'ordre. Son nom, issu du latin mori mundo (« mourir au monde »), exprime l'idéal de renoncement propre aux moines cisterciens. La fondation résulte de la volonté d'Olry d'Aigremont et d'Adeline de Choiseul ; un oratoire avait d'abord été établi au Vieux-Morim, où un solitaire, Jean, attendit des disciples avant que des frères envoyés de Cîteaux, sous la conduite d'Arnauld, ne prennent possession des terres. Lors de la cérémonie d'implantation, Étienne Harding reçut des seigneurs locaux la vallée du Flambart et des biens complémentaires, tandis qu'Olry donna Waldenvillers pour augmenter le patrimoine de l'abbaye. Si la tradition retient 1115 comme année de fondation, la reconnaissance de Morimond comme abbaye « primaire » est postérieure et confirmée par des bulles pontificales d'Alexandre III en 1163 et 1165 ; la première version de la Carta Caritatis de 1119 ne la mentionne pas, et certaines études modernes envisagent une fondation autour de 1117–1118.
Les premiers moines trouvèrent une vallée humide et boisée ; ils élevèrent d'abord des huttes puis des bâtiments en bois, assainirent et cultivèrent les terres, et aménagèrent un système hydraulique fondé sur plusieurs étangs dont le Grand Étang de l'abbaye, alimenté par cinq bassins secondaires et utilisé pour l'irrigation, l'énergie motrice, des moulins et des viviers. Une première église abbatiale fut consacrée en 1154.
Sous l'abbatiat d'Arnauld, des tensions avec des seigneurs locaux le conduisirent à partir pour Jérusalem ; il mourut en Flandre en 1126. Étienne Harding envoya Gauthier pour rétablir la discipline et faire revenir les moines, menaçant d'excommunication ceux qui refusaient. L'abbaye, située aux confins de la Lorraine et de la Champagne, reçut de nombreux pèlerins et se développa pour les accueillir : une lanterne allumée chaque nuit signalait l'hospitalité des frères et attira, en 1132, un groupe de jeunes nobles dont Otton de Freising, qui fut plus tard abbé de Morimond avant de devenir évêque de Freising. D'autres candidats venus de la noblesse, comme Évrard de Mons, entrèrent sous l'habit et contribuèrent aux fondations en Allemagne et en Thuringe.
Morimond se révéla une maison mère particulièrement féconde : elle créa de nombreuses abbayes-filles en France, en Allemagne, en Pologne, en Bohême, en Espagne et jusqu'à Chypre, et participa au rayonnement cistercien en Europe centrale et orientale. Entre 1123 et 1305, Morimond et Clairvaux parrainèrent quarante-quatre fondations dans le Saint-Empire ; la filiation de Morimond compta, à son apogée, plusieurs centaines d'établissements : au XVIIIe siècle on lui attribuait environ deux cent treize abbayes d'hommes et près de sept cents établissements toutes catégories confondues. Parmi ses filles et sœurs figurent des maisons remarquables comme Kamp, Maulbronn, Ebrach, Heiligenkreuz, Aiguebelle, Silvacane et la fondation libanaise de Balamand. Morimond intervint aussi dans l'organisation d'ordres militaires en Espagne et au Portugal, et accepta l'affiliation d'institutions telles que l'ordre de Calatrava.
L'abbaye posséda un vaste patrimoine foncier et des droits variés : dès 1160 un dénombrement mentionne notamment dix granges, des tennements, des droits de pêche et de pâturage, des salines, ainsi que des domaines et exploitations dans de nombreuses seigneuries voisines. Au fil des siècles, l'économie monastique associa gestion hydraulique, activités métallurgiques, moulins, verrerie, pressoirs à vin, vastes bois et élevages ; les travaux hydrauliques comprenaient trois étangs totalisant trente-cinq hectares et un réseau d'égouts voûtés long d'un kilomètre environ. Les cisterciens pratiquèrent le défrichement et la gestion forestière selon des coupes programmées et réserves, plantèrent des vignes et organisèrent une agriculture très structurée autour de granges tenues par des convers spécialisés (meuniers, boulangers, brasseurs, corroyeurs, foulons, etc.). Au XIIIe siècle Morimond administrait une quinzaine de granges et d'importantes ressources en bétail et porcs.
L'abbaye eut aussi un rôle intellectuel et éducatif : conformément aux prescriptions pontificales, elle formait des moines érudits, envoyait des profès à Paris et constitua une bibliothèque qui, à son apogée, compta environ six mille volumes dont une grande partie alimenta ensuite la bibliothèque de Chaumont.
L'abbatiale, conçue selon l'esthétique cistercienne dépouillée, fut reconstruite au cours du XIIIe siècle et consacrée le 7 septembre 1253 ; la nef mesurait cinquante mètres de longueur, la travée de chœur trente mètres, et la voûte culminait à vingt-cinq mètres, sans déambulatoire, conformément au plan cistercien. Un orgue daté de 1715 fut transféré à la cathédrale de Langres à la Révolution. Aujourd'hui, des vestiges médiévaux subsistent, notamment un fragment de l'aile nord de l'église ; la chapelle Sainte-Ursule relève du XVe siècle et la porterie, la bibliothèque et quelques pavillons témoignent des transformations du XVIIIe siècle, ainsi que des aménagements hydrauliques liés aux activités industrielles.
Morimond subit de graves dommages pendant les guerres de religion et la guerre de Trente Ans ; les moines se réfugièrent à Langres et ne revinrent définitivement qu'à la fin du XVIIe siècle, ouvrant alors une longue phase de travaux. À la Révolution, les dernières communautés furent expulsées : en 1790 l'abbaye comptait vingt-cinq moines et l'abbé Antoine Chautan dut quitter les lieux en 1791 ; les bâtiments furent démantelés et vendus comme biens nationaux, et l'église, utilisée comme brasserie, tomba en ruines au XIXe siècle tandis que les aménagements hydrauliques étaient détournés à des fins industrielles.
Le site a été inscrit à l'inventaire complémentaire des Monuments historiques en 1925. Depuis 1990 l'association des Amis de l'abbaye de Morimond veille à la promotion, à l'entretien et à la valorisation du lieu, a soutenu des fouilles archéologiques subventionnées depuis 1998 et a mené la restauration de la chapelle Sainte-Ursule au début des années 2000. En 2018 le site a été retenu par la « Mission Bern » ; en 2019 l'association a annoncé un projet de restauration de la porterie soutenu en partie par les fonds du loto du patrimoine. La succession des abbés de Morimond, documentée de 1115 à 1791, témoigne de la longévité et de l'influence de cette maison mère cistercienne.

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