Origine et histoire de l'Abbaye
L'abbaye Saint-Hydulphe de Moyenmoutier est une ancienne abbaye bénédictine située dans les Vosges qui a accueilli jusqu'à 300 religieux. Fondée au VIIe siècle par saint Hydulphe à partir d'un ermitage, elle adopta la règle de saint Benoît et se développa autour de plusieurs églises et prieurés. La tradition rapporte des donations locales favorisant l'implantation de la communauté, qui passa ensuite sous la protection des souverains carolingiens puis des ducs de Lorraine. Après des pillages et destructions, notamment par les Hongrois, l'abbaye fut réformée et reconstruite au Xe siècle par l'abbé Adalbert, qui rétablit la vie monastique et fonda la bibliothèque. Cette bibliothèque s'enrichit au fil des siècles de manuscrits remarquables, parmi lesquels figurent l'Évangéliaire pourpre et le Glossaire d'Épinal. Moyenmoutier connut des périodes de rayonnement intellectuel et spirituel, accueillant des réformateurs et des figures notables comme Guillaume de Volpiano et le cardinal Humbert. Malgré conflits, incendies et épidémies, l'abbaye conserva une activité importante ; elle fut restaurée et fortifiée au XIVe siècle et participa au renouveau religieux du XVIIe siècle avec la Congrégation de Saint-Vanne et Saint-Hydulphe. La période de la commende au XVIe et XVIIe siècles affaiblit la vie régulière, mais une réforme entamée au début du XVIIe siècle redonna vigueur spirituelle et culturelle à la communauté. Sous Hyacinthe Alliot et Humbert Belhomme, l'abbaye devint un centre savant et la bibliothèque atteignit un important fonds imprimé. L'ensemble que l'on voit aujourd'hui correspond à la troisième implantation, réalisée à la fin du XVIIIe siècle par l'architecte Ambroise Pierson ; l'abbatiale fut inaugurée en 1776. La Révolution entraîna l'inventaire et la vente des biens, la dispersion de la bibliothèque et la transformation des bâtiments : l'abbatiale fut conservée comme église paroissiale tandis que les autres corps de logis furent vendus et reconvertis. À partir du XIXe siècle l'ancienne abbaye accueillit une importante activité industrielle textile qui se poursuivit jusqu'au début du XXIe siècle. Après la cessation des activités industrielles en 2002, la commune acquit le site, fit classer les bâtiments et conduisit des opérations de dépollution, de restauration partielle et d'aménagement de jardins, dont un parc à la française inauguré en 2016. L'abbaye, bâtie en grès rose des Vosges, présente une façade ouest en U avec l'abbatiale au centre et des ailes conventuelles aux nord et sud. L'abbatiale, de facture baroque sobre, mesure environ 60 m de long, 16 m de large et 30 m de haut ; sa charpente en forme de coque inversée permet un vaste volume intérieur sans piliers. La nef à cinq travées et le chœur sont couverts de voûtes bombées ; l'orgue, les stalles anciennes, des châsses, tableaux et sculptures sont classés monuments historiques. Parmi les éléments remarquables figurent les stalles de 1698, la grille aux armes de la congrégation, la Pietà de Malfosse et des trophées-appliques provenant de la seconde abbaye. Les bâtiments conventuels nord comprennent le bâtiment des dames, la grange et des annexes agricoles restaurées extérieurement, tandis que le sud conserve l'emplacement du cloître détruit et la bibliothèque aujourd'hui en ruine. La bibliothèque, qui compta jusqu'à 11 000 volumes au XVIIIe siècle, a été dispersée à la Révolution ; une partie des collections et des boiseries se trouve désormais à Épinal, Nancy et Saint-Dié. L'oratoire Saint-Grégoire, édicule funéraire situé hors de l'enclos, contient un sarcophage en grès et a fait l'objet de restaurations récentes ; il est lié aux origines légendaires de la fondation. Vestiges de remparts, portail monumental et bâtiments agricoles témoignent des phases successives d'occupation et d'exploitation du site. Classée pour son abbatiale et ses bâtiments conventuels, l'abbaye conserve un fort potentiel patrimonial dont la valorisation dépend encore d'une réhabilitation intérieure et d'un projet d'affectation durable.