Origine et histoire de l'Abbaye
L'ancienne abbaye bénédictine Saint-Grégoire de Munster a été fondée vers 660 à la confluence de la Petite et de la Grande Fecht, avec éventuellement une implantation monastique antérieure autour de 633. Dédicacée à saint Grégoire le Grand, elle reçoit de nombreuses donations royales entre les VIIe et IXe siècles et devient abbaye d'Empire, relevant de l'évêché de Bâle. Au sein de l'enceinte fortifiée de Munster, l'abbaye occupe près d'un quart de la surface bâtie et possède une tour-porte au sud, le Klostertor. Les bâtiments conventuels et l'église subissent plusieurs incendies au Moyen Âge (1182, 1348, 1354, 1446) ; l'église est reconstruit en plusieurs campagnes sous les abbés Jean Rodolphe de Laubgass et Christophe de Montjustin, la tour clocher étant amorcée vers 1470, le chœur à partir de 1479 et la nef à partir de 1485. Entièrement ruinée pendant la Guerre de Trente Ans, l'abbaye est relevée par les abbés Charles Marchand et Louis de la Grange ; l'architecte bénédictin Léopold Durand fixe alors, pour plus d'un siècle, l'organisation des bâtiments, l'église étant meublée et les constructions conventuelles reconstruites autour d'un cloître. En 1659, l'abbaye est affiliée à la Congrégation de Saint-Vanne et Saint-Hydulphe. Le dernier grand chantier aboutit à l'édification d'un nouveau logis abbatial à la fin de l'Ancien Régime.
Vendue à la Révolution, l'ensemble est acquis par l'industriel André Hartmann et, à partir de 1798, reconverti en ateliers textiles, bureaux, logements, gendarmerie et brasserie, l'ancien réfectoire servant de salle de spectacle. L'aile ouest du cloître, qui aurait abrité la bibliothèque, est abattue en 1844 ; l'église abbatiale disparaît progressivement : la nef et le chœur sont démolis en 1803-04 et la tour clocher est détruite en 1865. La ville de Munster acquiert la parcelle en juin 1865 ; dans l'enceinte usinière les Hartmann font bâtir une tour en 1872 et un immeuble contigu vers 1870, ce dernier étant donné à la ville en 1892 par Aimée Hartmann et ayant longtemps abrité l'Harmonie musicale Hartmann et l'école de musique. Les bombardements de la Première Guerre mondiale détruisent le cloître et une partie de l'aile principale est ; les Manufactures Hartmann et Fils déplacent alors la production et affectent les bâtiments subsistants à des bureaux. La vente de l'ancienne abbaye à la ville est finalisée le 27 décembre 1988.
Aujourd'hui subsistent le logis abbatial au nord, une moitié de l'aile principale est, une partie de la galerie sud du cloître et une arcade ouest remontée en 1970, ainsi qu'un vestige du moulin à l'ouest. L'emprise de l'église, établie au nord en bordure de la place, est connue par des fouilles archéologiques menées en 1967, 1979, 1990 et 1992. Le jardin conventuel de 1692 à l'est est occupé par la salle des fêtes construite en 1967 et son parking ; le verger et le potager à l'ouest ont laissé place à un parking et à un immeuble de logements réalisés en 2005-06.
Les origines de l'abbaye restent discutées : les plus anciennes mentions viennent des Annales de Munster, écrites plusieurs siècles après les faits, et les récits postérieurs ont accumulé traditions et embellissements — fondation par des moines bénédictins venus de Rome ou d'Irlande, installation en un lieu dit Schweinsbach, etc. Ces traditions comportent de nombreuses incohérences — la vallée n'était pas déserte au VIIe siècle, le site de Schweinsbach est vraisemblablement plus tardif et l'adoption de la règle bénédictine en Alémanie intervient plus tard —, si bien que la recherche moderne retient avec prudence une fondation vers 660, confortée par une donation de Childéric II vers 675, tout en n'excluant pas une présence monastique antérieure.
L'abbaye connaît une forte expansion au IXe siècle grâce aux libéralités de Louis le Pieux et de Lothaire, possédant alors une grande partie de la vallée et de nombreux villages en plaine. Elle subit ensuite des pertes de domaines et d'influence entre le XIe et le XIIIe siècle, est disputée entre évêques, empereurs et seigneurs locaux, et entre progressivement en déclin jusqu'au XVIe siècle sous l'effet de facteurs internes et de l'essor du protestantisme dans la région. Rétablie et repeuplée au XVIIe siècle par la Congrégation de Saint-Vanne et Saint-Hydulphe, elle redevient au XVIIIe siècle un centre intellectuel, puis est dissoute à la Révolution ; sa bibliothèque d'environ 8 500 volumes est dispersée, la majeure partie rejoignant la bibliothèque municipale de Colmar. Les collections mobilières et le trésor disparaissent également à la Révolution. Les vestiges de l'abbaye sont inscrits au titre des monuments historiques le 25 mai 1990 et font l'objet, au début des années 2020, d'un projet de valorisation.