Origine et histoire de l'Abbaye de Perseigne
L'abbaye de Perseigne est une ancienne abbaye cistercienne située dans le nord de la Sarthe, aux portes de la forêt de Perseigne et du parc naturel régional Normandie-Maine, sur la commune de Neufchâtel-en-Saosnois. Fondée probablement en 1145 par Guillaume III Talvas, elle est la première abbaye cistercienne du Maine ; la charte de fondation conservée aux archives départementales de la Sarthe est sans date. Il ne subsiste aujourd'hui que quelques pans de murs ; ses ruines sont inscrites aux monuments historiques depuis le 4 octobre 1932. La fondation, de taille moyenne au sein de l'ordre cistercien, a organisé son temporel aux XIIe et XIIIe siècles au moyen d'un réseau de granges partiellement reconstitué par prospections archéologiques, et deux bâtiments agricoles ont laissé des vestiges significatifs. L'abbaye occupe la vallée de la Bienne, sur un petit affluent, juste en amont de deux plans d'eau créés par les moines ; elle se trouve à environ 160 mètres d'altitude et à un kilomètre et demi au nord-est du village de Neufchâtel-en-Saosnois, à l'orée méridionale de la forêt de Perseigne. Rapidement bénéficiaire de nombreux dons, Perseigne reçut du comte fondateur un important patrimoine foncier majoritairement situé sur la paroisse de Neufchâtel-en-Saosnois, comprenant entre autres les terres de la Ragonnière, la grange d'Antenoise, quelques vignes et leurs dépendances. D'autres donations extérieures comprenaient sept terres abritant quatre granges, et la communauté disposait de la haute et de la basse justice sur ses domaines ainsi que du droit de clore ses terres et d'usages étendus dans les forêts de Perseigne, d'Écouves, de Bourse et de Blève. Après une période d'affaiblissement de la politique de dons sous le fils du fondateur, une nouvelle série de donations, liée à la renommée de l'abbé Adam et à la générosité de nouveaux seigneurs, permit l'acquisition de granges comme Blanchelande, Sèche-Noë, Colombiers et La Chaussée ; en 1198 l'abbaye possédait dix-huit granges. Selon la règle cistercienne, ces granges étaient, au moins jusqu'en 1255, en principe situées à une journée de marche au maximum de la maison-mère ; seules quatre des granges de Perseigne dépassaient légèrement trente kilomètres. Les superficies variaient fortement : la plus vaste, Malèfre, couvrait 173 hectares, tandis que la plus petite, la Moinerie, n'en comptait que 10. La vie intellectuelle fut également remarquable : le moine Thomas de Perseigne composa entre 1165 et 1189 un Commentaire du Cantique des Cantiques qui connut une large diffusion en Occident, avec quatre-vingt-sept copies connues. L'abbé Adam de Perseigne, dont une trentaine de lettres sont conservées, joua un rôle de relais entre la papauté, la filiation cistercienne bourguignonne et la royauté anglaise ; d'origine probablement champenoise, il exerça diverses fonctions ecclésiastiques avant d'être envoyé ou élu abbé en 1188. Son autorité et sa réputation le conduisirent à mener plusieurs missions de médiation et d'enquête pour des évêques et pour le pape, interventions qui profitèrent par ailleurs à la construction d'un édifice qualifié de « vaste et coûteux », sans que la nature précise de cet ouvrage puisse être établie. Thomas de Perseigne, actif sous cet abbatiat, est aussi connu pour son De Praeparatione cordis. La prospérité de la fin du XIIe siècle s'explique en partie par la conjoncture agricole : huit années de mauvaises récoltes entre 1193 et 1201 incitèrent les donateurs à transférer des biens pour soutenir la communauté, laquelle connut même une dispersion temporaire de ses moines. Durant la première moitié du XIIIe siècle les dons diminuèrent, l'abbaye commençant à acquérir des terres elle-même dès 1222, et la politique de donations s'interrompit complètement à partir de 1265. Les relations avec certains seigneurs locaux se détériorèrent, notamment avec Jean III d'Harcourt qui s'adonna au vol et à la destruction de biens monastiques, ce qui entraîna sa condamnation par Philippe de Valois en 1325 ; les troubles de la guerre de Cent Ans empêchèrent ensuite les réparations et une charte de Pierre II d'Alençon de 1367 atteste de l'état de délabrement de l'abbaye. Aucune concurrence marquée n'est signalée avec les abbayes cisterciennes voisines, telles que Tironneau, l'Épau ou Champagne, la coexistence étant décrite comme paisible. Parmi les éléments du patrimoine mobilier signalés figurent les gisants d'Olivier Clisson et de Françoise de Hérisson, relevés par Gaignières. Perseigne est fille de l'abbaye de Cîteaux ; parmi ses abbés connus figurent Érard (1145-1188) et Adam Herard (1188-1221).