Origine et histoire de l'Abbaye
L'abbaye Saint‑Gildas de Rhuys, située dans le bourg de Saint‑Gildas‑de‑Rhuys (Morbihan), est une fondation bénédictine dont la légende relie la création à saint Gildas et à la deuxième vague migratoire en Armorique. Son histoire ancienne reste mal connue, mais l'édifice abbatial conserve aujourd'hui l'une des plus belles églises romanes de Bretagne. L'abbatiale est classée au titre des monuments historiques et divers objets de son mobilier ont été protégés au début du XXe siècle. L'histoire du monastère se découpe en trois grandes périodes. La première, relevant de l'époque bretonne primitive, voit l'existence d'une communauté liée à la figure de Gildas; si les archives et les fouilles manquent, la tradition, un inventaire de livres conservé à Paris et la mémoire des moines déplacés vers Berry plaident pour une présence monastique antérieure au Xe siècle. La deuxième période, mieux documentée, commence avec la restauration ordonnée par le duc de Bretagne et l'arrivée de moines de Fleury sous la conduite de Félix, qui relèvent ou reconstruisent le monastère. Au XIe siècle l'abbaye développe le culte de saint Gildas et d'autres saints, possède de nombreux prieurés et devient un centre monastique important. La troisième période voit l'instauration de la commende, la dégradation des bâtiments, puis une reprise par la Congrégation de Saint‑Maur; la chute du clocher suite à un coup de foudre provoque l'effondrement de la nef et entraîne une reconstruction menée par l'architecte Olivier Delourme. À la Révolution les moines sont expulsés et les bâtiments vendus comme biens nationaux; rachetés au début du XIXe siècle par la fondatrice des Sœurs de la Charité de Saint‑Louis, ils retrouvent une vocation religieuse, scolaire et hospitalière, puis font l'objet de restaurations par le service des Monuments historiques à la fin du XIXe siècle. Entre 1125 et 1133 Pierre Abélard fut nommé abbé pour relever la communauté; confronté à l'indiscipline des moines et aux violences locales, il dut finalement se retirer, laissant une empreinte dans la mémoire locale. Vers 1960 les Sœurs transforment l'établissement pour accueillir des personnes handicapées; ce service est transféré à Vannes en 1993, et les bâtiments sont ensuite rénovés et agrandis pour développer une vocation d'accueil hôtelier, culturel et spirituel. L'abbatiale conserve des éléments remarquables de l'art roman : le chœur, le transept nord, une trentaine de chapiteaux aux décors géométriques et plusieurs tombeaux. Le transept nord, la partie la plus ancienne, est un vaste volume du XIe siècle dont l'appareillage en opus sicatum se retrouve dans les parties basses du chevet; il fut remanié au début du XIIe siècle en réemployant des chapiteaux pour le rond‑point de l'abside. Le chœur présente deux travées droites avec arcades en plein cintre reposant sur des piles cruciformes, un rond‑point rythmé par cinq colonnes et un déambulatoire voûté desservant trois chapelles rayonnantes; il a été restauré au XIXe siècle dans le respect de son état ancien. La nef et la croisée de transept, refaites dans un style néo‑classique, s'harmonisent par leur sobriété avec les parties romanes subsistantes; la nef, couverte d'une voûte en berceau, remplace l'ancienne nef romane décrite par des textes. Les chapiteaux romans, en place ou déposés, déclinent des variations du modèle corinthien avec des motifs végétaux très stylisés; l'un d'eux, probablement issu de la nef, est sculpté de lions affrontés. Le mobilier et le trésor de l'abbaye, conservés en sacristie, constituent l'un des plus importants trésors reliquaires de Bretagne : châsses médiévales en bois lamé de cuivre et en argent, chef‑reliquaire et plusieurs reliquaires en argent et vermeil, un calice en or, une mitre de soie brodée datée du XVIe siècle mais traditionnellement attribuée à Abélard, ainsi que d'autres pièces liturgiques. Le retable monumental du croisillon sud, daté du premier tiers du XVIIe siècle, a été déplacé au XIXe siècle pour remettre en valeur le caractère roman de l'édifice. À l'extérieur, le clocher est inséré dans une tour‑porche qui réemploie probablement des éléments d'un ancien narthex, et le chevet présente trois chapelles absidales en cul‑de‑four. L'abbaye possédait de nombreuses dépendances et ressources : une paroisse donnée à Ambon, une vingtaine de prieurés répartis en Bretagne (parmi lesquels Ambon, Arz, Auray, Baud, Saint‑Sauveur de Locminé, Quiberon ou Rieux), des terres et métairies, un moulin à vent et des droits seigneuriaux sur certaines communautés. La liste des abbés, réguliers puis commendataires, est longue et documentée; y figurent des noms anciens comme Gildas le Sage, Félix de Rhuys, Vital, Pierre Abélard et de nombreux successeurs jusqu'à la fin de l'Ancien Régime. Malgré les recherches et une bibliographie abondante, des lacunes subsistent, notamment pour la période la plus ancienne du monastère.