Origine et histoire de l'Abbaye de Saint-Michel de Cuxa
L'abbaye de Saint-Michel de Cuxa, située au pied du Canigou à Codalet (Pyrénées-Orientales, Occitanie), est un monastère bénédictin rattaché à la province espagnole de la congrégation de Subiaco ; l'ensemble est classé au titre des monuments historiques. Elle prend sa source dans le monastère de Saint-André d'Eixalada, fondé vers 840 et emporté par une crue de la Têt à l'automne 878, après laquelle trente-cinq moines se réfugient à Cuxa. Sur place se trouvait une église dédiée à saint Germain, propriété d'un clerc nommé Protais, qui, rallié à la communauté d'Eixalada, devient abbé après l'acte de 879 qui organise la nouvelle communauté. Les comtes de Cerdagne-Conflent assurent rapidement la protection et l'enrichissement du monastère, et en 950 il reçoit le privilège d'immunité le plaçant sous l'autorité directe du pape. Sunifred II confie avant 965 l'abbaye à Garin, moine venu de Cluny, qui y introduit une réforme clunisienne et dirige plusieurs établissements du sud de la France. Une petite église de pierre et d'argile dédiée à saint Michel est mentionnée en 938 ; à partir de 956 Sunifred fait bâtir une grande église en pierre, consacrée le 28 septembre 975, qui subsiste en grande partie et constitue un témoin important de l'architecture préromane. Au retour d'un pèlerinage, l'abbé Garin reçoit à Cuxa le doge Pietro Orseolo, qui s'y retire en 978 et meurt en odeur de sainteté en 987, attirant pèlerins et notoriété au monastère. Oliba Cabreta et son fils Oliba de Besalú, liés à la communauté, renoncent aux pouvoirs temporels et soutiennent les travaux : Oliba de Besalú, élu abbé de Ripoll puis de Cuxa, entreprend d'importantes transformations et accroît le patrimoine monastique avant sa mort en 1046. On lui attribue la construction des deux églises superposées de la Crèche et de la Trinité, l'ajout de trois absides au sanctuaire, la voûte des bas-côtés, la réalisation des clochers et d'autres aménagements liturgiques. En 1091 l'abbaye est donnée en propriété à l'abbaye Saint-Victor de Marseille, qui prend en charge sa réforme pour restaurer l'observance bénédictine. Au début du XIIe siècle, le cloître de marbre et la tribune en marbre contribuent à l'émergence de la sculpture romane roussillonnaise, travaux liés à l'abbatiat de Grégoire au milieu du siècle. Les siècles suivants voient un recul des moyens et de l'entretien, même si la richesse foncière et la juridiction du monastère demeurent importantes sur plusieurs paroisses. À partir du XVIe siècle la vie conventuelle se relâche : les revenus sont partagés en « offices » et chaque moine habite séparément ; l'église est remaniée par des chapelles latérales et d'autres transformations. La bulle papale de 1772 rétablit la vie commune et supprime ces offices, mais la réforme rencontre une forte résistance et, en 1790, il ne reste qu'une poignée de moines. Vendue comme bien national le 28 mai 1791, l'abbaye voit ses objets d'orfèvrerie dispersés et, au XIXe siècle, une large partie des bâtiments s'effondre ou est démontée ; chapiteaux et éléments architecturaux sont alors vendus à des particuliers et des collectionneurs. Au début du XXe siècle, le sculpteur américain George Grey Barnard acquiert de nombreux chapiteaux et arcades, qui contribuent à la constitution du musée The Cloisters puis sont achetés par le Metropolitan Museum of Art de New York. D'autres éléments rapportés par Barnard ou retrouvés sur place permettent la reconstruction partielle du cloître entre 1950 et 1955 sous la direction de Sylvain Stym-Popper, la galerie sud étant la mieux reconstituée à partir de pierres authentiques. En 1919 Ferdinand Trullès acquiert l'abbaye pour y reloger des cisterciens exilés, remplacés en 1965 par des bénédictins de Montserrat ; des campagnes de restauration menées depuis les années 1930 restituent notamment la toiture de la nef en 1950 et dégagent des parties de la crypte. Le Festival Pablo Casals, inauguré à Prades en 1950, est accueilli à l'abbaye à partir de 1957, et la crypte est ouverte au public en 1967. Enfin, à la demande des religieux, un jardin des iris a été créé par des bénévoles dans le parc de l'abbaye et réunit près de 500 variétés issues de la pépinière de Thau.