Origine et histoire de l'Abbaye de Saint-Sauveur-le-Vicomte
L'ancienne abbaye Sainte-Marie-Madeleine-Postel se situe au sud‑est de la commune de Saint‑Sauveur‑le‑Vicomte, dans le département de la Manche en Normandie. Ses origines remontent au XIe siècle : un monastère bénédictin y fut établi par Néel II, la construction par des moines de Jumièges commençant dès 1067 et l'abbaye étant fondée autour de 1080 par Néel III de Saint‑Sauveur. L'abbatiale fut consacrée dans la seconde moitié du XIIe siècle par l'évêque Algare, même si l'édifice n'était pas complètement achevé en 1198 ; sa construction a mobilisé les familles de Saint‑Sauveur, de La Roche‑Tesson et d'Harcourt. L'abbaye a été détruite à trois reprises (1365‑1375, 1793‑1832 et en 1944) et relevée à chaque fois de ses ruines. Lors de la guerre de Cent Ans, elle fut pillée et mise à sac par les troupes anglaises, obligeant les moines à l'exil ; les religieux ne purent revenir qu'en 1422 et le chœur, arasé, fut reconstruit au XVe siècle. Le régime de la commende entraîna ensuite la dégradation d'une partie des bâtiments conventuels par manque d'entretien. À la Révolution, les vœux monastiques et le port de l'habit furent interdits et l'abbaye vendue comme bien national, l'église servant ensuite de carrière de pierres par intermittence. En 1832, mère Marie‑Madeleine Postel acheta l'enclos — à l'exception de l'église — pour en faire la maison mère de sa congrégation ; elle entreprit la restauration de l'abbaye avec l'architecte François Halley, malgré l'effondrement du clocher en 1843, et les travaux se poursuivirent jusqu'à la consécration du monument en 1856, après sa mort. Les reliques de sainte Marie‑Madeleine Postel, de la bienheureuse Placide Viel et de Marthe Le Bouteiller sont conservées dans le transept nord, et le tombeau de la fondatrice est une œuvre de Halley. En juin 1944 l'abbaye fut bombardée et incendiée ; sa restauration fut ensuite assurée par les services de la reconstruction et des monuments historiques sous la direction d'Yves‑Marie Froidevaux. L'église, d'architecture romane avec un clocher central à la croisée du transept, conserve un mur sud percé d'arcades en plein cintre surmontées d'un triforium ; d'autres vestiges subsistent dans le transept nord, ainsi que des salles basses et la porte d'entrée. La nef d'origine, à triple élévation, a été remaniée après la guerre de Cent Ans, au XIXe siècle par Halley et de nouveau après 1944 ; le chœur est de style gothique flamboyant et les vitraux du chœur, de l'abside, du transept et de la façade sont l'œuvre d'Adeline Bony‑Hébert‑Stevens. Le logis abbatial date du XVIIIe siècle et des bâtiments conventuels modernes jouxtent les constructions anciennes ; la petite maison dite la Gloriette conserve des souvenirs de sainte Marie‑Madeleine Postel et correspond à l'emplacement de l'ancienne bibliothèque où elle vécut entre 1832 et 1846. À l'intérieur, on voit les armes d'un abbé sculptées sur un pilier du chœur, peut‑être de la famille Jallot, et une salle expose les blasons de vingt‑huit abbés, dont ceux de Jean II Caillot, Jacques II de Grimouville, Jean IV d'Orange des Roches et Jacques VI Le Fèvre du Quesnoy. Le mobilier comprend un maître‑autel en bois sculpté du XVIe siècle provenant de Coutances ainsi qu'une chaire inachevée de Halley, déplacée après les dommages de 1944 et aujourd'hui située dans la nef latérale nord ; une livraison de statues destinée à l'abbaye est d'ailleurs mentionnée en 1522. L'abbaye exerçait jadis la justice de bailliage, était siège d'un doyenné regroupant quatorze paroisses, disposait du droit de présentation pour dix‑neuf cures et possédait en 1665 huit prieurés, parmi lesquels Notre‑Dame de Selsouëf, Saint‑Pierre de la Luthumière (ou Saint‑Jouvin) à Brix, Saint‑Michel de Clitourps, Notre‑Dame de la Couperie à La Colombe, Sainte‑Croix de Virandeville, Estoublon à Bricquebosq et deux établissements à Jersey (Bonne‑Nuit et Lecq). L'abbaye tirait aussi des revenus des foires qu'elle avait instituées et reçut de nombreuses donations, notamment des grèves de Barneville offertes par Guillaume de Barneville, ainsi que des rentes liées aux pêcheries et à la capture de cétacés entre la Saire et la baie des Veys. L'établissement fut dirigé par une longue succession d'abbés — le premier étant Bénigne, moine de Jumièges — et compta, jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, des titulaires tels que Jean II Caillot et Jacques VI Le Fèvre du Quesnoy ; le dernier abbé avant la Révolution fut Aymar‑Claude de Nicolaÿ. L'abbaye est ouverte toute l'année aux pèlerins et aux visiteurs et bénéficie d'une protection au titre des monuments historiques : l'église est classée depuis 1840 et les façades et toitures de la « Maison mère », de la Floriette et de la chapelle de l'abbé à l'est sont inscrites par arrêté du 29 novembre 1945.