Origine et histoire de l'Abbaye
L'ancienne abbaye de Saint-Sever‑de‑Rustan, située à Saint‑Sever‑de‑Rustan dans les Hautes‑Pyrénées, est un monastère bénédictin au plan et à l'architecture marqués par une histoire mouvementée. Le site est occupé dès l'époque antique, comme l'attestent des vestiges mis au jour en 1977 et 2015, et la tradition fait remonter sa fondation à un prêtre nommé Sever, sans que l'identification à Sulpice Sévère soit confirmée. La première mention connue du monastère date du début du XIe siècle, lorsqu'Arsius, moine de Saint‑Pé, y est appelé comme premier abbé, et en 1087 l'abbaye est rattachée à Saint‑Victor de Marseille. Au Moyen Âge l'abbaye prospère et étend ses possessions, mais elle subit des violences et des destructions lors des conflits qui traversent la région, notamment pendant la guerre de Cent Ans et lors des guerres de Religion, quand les troupes protestantes prennent, pillent et brûlent le bourg et les bâtiments monastiques. Après ces ravages, des travaux de restauration sont entrepris par les moines à la fin du XVIe siècle puis, à partir du XVIIe siècle, par la congrégation de Saint‑Maur, qui réorganise les lieux réguliers et rebâtit notamment l'aile Ouest où sont installés le réfectoire et le dortoir. Les XVIIe et XVIIIe siècles voient d'importantes campagnes de remaniement et d'embellissement : cloître voûté, remaniement de l'aile Est, construction d'un nouveau dortoir au nord, aménagement d'une grande cour d'honneur et transformation de l'aile Ouest en un ensemble décoré à la manière des demeures aristocratiques, avec pavillon central, lambris sculptés et décors de stucs. Entre 1736 et 1780, l'abbé Dom Charles Lacroix conduit une campagne de travaux qui, en 1776, entraîne la réfection du plafond de la nef, l'aménagement d'une sacristie et le transfert de boiseries provenant du logis abbatial ; à la même période les cuisines et cellules sont réaménagées et le grand escalier du pavillon nord‑ouest est édifié. L'abbaye est vendue comme bien national à la Révolution, à l'exception de l'église et de la sacristie, puis acquise en 1792 par la famille Mérens qui la désigne comme « le château ». Le corps de bâtiment principal, à l'ouest du cloître, est racheté par la municipalité en 1889 pour y installer écoles et services communaux, tandis que le cloître du XVe siècle est démonté et transféré au jardin Massey à Tarbes après son acquisition par la ville de Tarbes en 1890. Au cours du XIXe et du XXe siècle, plusieurs destructions et ventes d'éléments décoratifs fragilisent l'ensemble ; des protections publiques sont néanmoins mises en place, l'église et certains bâtiments étant classés ou inscrits au titre des monuments historiques à partir de 1914 et dans les décennies suivantes. Le XXe siècle connaît par ailleurs l'effondrement ou la disparition de parties importantes, notamment le dortoir, l'aile Est et le moulin, et, malgré des campagnes de restauration ponctuelles, l'ensemble se dégrade. À la fin des années 1960 l'association des Amis de Saint‑Sever est fondée pour soutenir la connaissance et la restauration du site ; la plus grande partie des constructions devient propriété du Département des Hautes‑Pyrénées en 2010, qui engage des opérations de conservation, l'église, la sacristie et une partie de l'aile Ouest restant propriété communale. Architecturalement, l'abbaye résulte de multiples campagnes aux Xe, XIIe, XVe, XVIe et XVIIIe siècles ; le plan général actuel date du XVIIIe siècle et le pavillon central est traité « à la manière de Mansart ». L'église abbatiale, de plan en croix latine, présente une nef unique relativement courte, un transept développé et un chevet composé d'absides en échelon ; extérieurement, ses sept absides parallèles témoignent de l'ample développement du type bénédictin dans la région. Le portail, restauré au XIXe siècle, conserve un tympan authentique représentant le Christ en majesté, tandis que des chapiteaux historiés à l'intérieur illustrent des scènes bibliques et narratives, parmi lesquelles des épisodes de saint Jean‑Baptiste, Daniel et diverses représentations symboliques. Le triforium visible aujourd'hui date de 1900 et la nef, longue de quarante mètres, associe voûtes et travées de périodes différentes, du roman au XVIIIe siècle. L'escalier monumental du XVIIIe siècle, remarquable par son encastrement sans piliers porteurs, desservait les chambres des moines et témoigne de l'ambition décorative des derniers grands aménagements monastiques. Le cloître, démonté puis réérigé au jardin Massey, fait partie des éléments déplacés mais protégés, tandis que d'autres parties ont été détruites ou dispersées au fil des ventes et des remaniements. Aujourd'hui, l'ensemble conserve des témoins importants de son passé religieux, architectural et social, et fait l'objet d'actions de conservation et de valorisation.