Origine et histoire de l'Abbaye de Sixt
L’ancienne abbaye de Sixt, fondée par des chanoines réguliers de l’ordre de saint Augustin issus de l’abbaye d’Abondance, se situe à Sixt-Fer-à-Cheval, en Faucigny, Haute‑Savoie, sur une terrasse d’environ 720 m dominant le Giffre à la confluence avec le Giffre des Fonds. Le prieuré, élevé en abbaye avant 1144, reçut des donations du sire de Faucigny et connut des confirmations pontificales et des règlements de conflits au cours du Moyen Âge ; son premier abbé s’appelait Ponce. L’ensemble monastique a favorisé dès le Moyen Âge des activités pastorales en haute montagne et a conservé une prospérité relative jusqu’à la Révolution, qui mit fin à la communauté en 1792 par l’invasion française et la dispersion des chanoines. Seule une partie des bâtiments subsiste aujourd’hui : l’église abbatiale et son grenier, l’ancien bâtiment abbatial dit « logis » et le presbytère, ainsi que quelques dépendances, éléments inscrits au titre des Monuments historiques en 1997. Depuis le début des années 2010, le site fait l’objet de recherches archéologiques et historiques.
Les bâtiments actuels résultent de campagnes successives : une reconstruction et des aménagements au XIIIe siècle avec l’ajout d’un chœur gothique à chevet plat doté d’un triplet, puis des travaux aux XVIIe et XVIIIe siècles, et une restauration après un incendie important en octobre 1680 qui détruisit la nef, les ailes et les toitures ; une nouvelle nef fut achevée à la fin des années 1680 et la toiture reprise au milieu du XVIIIe siècle. À l’époque moderne, l’abbaye connut un abbé commendataire, des réformes religieuses et des travaux importants au début du XVIIe siècle, notamment l’ouverture du tombeau de Ponce en 1620 et la reconstruction du cloître et du plafond du réfectoire, puis la transformation progressive de certains espaces en archives. Après la Révolution, l’ancien couvent fut successivement aménagé en auberge puis en hôtel jusqu’en 1995, accueillit une exploitation minière au XIXe siècle et fit l’objet d’agrandissements au début du XXe siècle. La propriété est partagée entre la commune de Sixt‑Fer‑à‑Cheval (parcelle de l’église) et le département de la Haute‑Savoie (parcelle de l’ancien couvent) depuis 2000, et un projet de restauration vise une nouvelle vocation muséale, environnementale et culturelle dans le cadre du projet Grands Sites de France.
L’église paroissiale Sainte‑Madeleine est un édifice composite, avec un chœur du XIIIe siècle aux voûtes d’ogives en tuf reposant sur des culots sculptés, une nef reconstruite au XVIIe siècle, un clocher à bulbe du XIXe siècle et deux chapelles latérales du début du XXe siècle ; le chevet est éclairé par un triplet et deux grandes baies modernes ouvrent le mur gouttereau sud. La sacristie, bâtie au sud du sanctuaire, abrite un trésor protégé contenant des pièces médiévales et modernes et conserve une peinture représentant la Crucifixion. La configuration intérieure inclut quatre travées dans le chœur, l’illusion d’un transept créée par deux chapelles à la troisième travée orientale — la chapelle nord reposant sur un rocher de calcaire détaché de la montagne —, ainsi qu’une nef moderne en trois travées avec tribune.
Le logis abbatial, correspondant à l’aile sud, a fait l’objet de fouilles et de relevés après son acquisition par le département en 2000 ; les recherches ont mis en évidence des décors des XVIIe et XVIIIe siècles préservés malgré des occupations variées. Le rez‑de‑chaussée présente de vastes salles et des cuisines desservies par un long couloir voûté en arêtes daté du XVIIe siècle ; la plus grande salle, d’environ 86 m², a abrité le restaurant de l’hôtel et pourrait correspondre à l’ancien réfectoire, avec un plafond à poutres décorées. Les étages, accessibles par un grand escalier à degrés du XVIIe siècle, renferment les anciennes cellules des chanoines transformées en chambres, et conservent poutres, boiseries, portes et cheminées des XVIIe‑XVIIIe siècles.
Les opérations archéologiques préventives et programmées ont précisé la topographie et les phases de l’abbaye : des fouilles réalisées entre 2010 et 2015 ont révélé les fondations de l’abbaye primitive, un cloître roman riche en chapiteaux, l’aile ouest disparue et des sépultures dans le préau et la galerie occidentale datées par carbone 14 aux XIIe‑XIIIe siècles, attestant l’usage funéraire dès l’origine. Des études du bâti ont permis de restituer les différentes campagnes de construction, notamment l’identification d’une ancienne salle capitulaire et d’une chapelle latérale médiévale dédiée à saint Jacques mise au jour au sud du chevet. D’autres sondages ont mis en évidence la tour de l’abbaye, datée par carbone 14 de la fin du Moyen Âge ou du début de l’époque moderne, ainsi que des dépendances domestiques liées au couvent. Ces travaux alimentent une thèse d’histoire et d’archéologie médiévale et nourrissent le projet de valorisation du site.