Origine et histoire de l'Abbaye
La tour de l'abbaye Notre-Dame du Mont de Watten appartient à la commune depuis son transfert par l'État le 7 novembre 2007. L'abbaye, fondée par le prêtre Olfride en 1072, fut le premier monastère de chanoines réguliers de saint Augustin dans le comté de Flandre et un avant‑poste de la réforme grégorienne. À l'origine, une chapelle dédiée à saint Riquier existait au sommet du mont depuis 874, mais elle fut détruite par les Normands en 881. Au milieu du XIe siècle, le moine anachorète Alphume installa une chaumière pour accueillir quelques religieux autour de cette chapelle. Le monastère fut officiellement créé le 8 juin 1072 sous la protection de Robert Ier de Flandre ; Olfride en devint le premier prévôt et l'établissement reçut la protection de saint Nicolas et de saint Riquier. Des seigneurs locaux et des membres de la famille comtale apportèrent matériaux, donations et soutien, tandis que la comtesse douairière Adèle posa la première pierre et accompagna Olfride à Rome pour obtenir la protection pontificale. Pour son opposition à certains prélats, Olfride fut excommunié en 1079 et mourut à Gand en 1085. Du XIe au XIIe siècle l'abbaye étendit ses possessions par la mise en valeur des terres marécageuses et reçut des églises et chapelles en donation. Après un incendie en 1081 et plusieurs reprises de la charge de prévôt, l'établissement poursuivit son développement, recevant notamment des terres et des reliques en provenance de Terre sainte. Les comtes de Flandre, en particulier Robert II, Thierry d'Alsace et Philippe d'Alsace, protégèrent et dotaient l'abbaye, lui accordant parfois des exemptions fiscales et des droits de justice. Les relations foncières donnèrent lieu à de nombreux litiges avec d'autres monastères et seigneuries, dont un long dossier relatif à la dîme de Rubrouck entre 1224 et 1226. En 1297 l'abbaye prit parti pour le comte Gui de Dampierre contre le roi de France, ce qui entraîna des censures ecclésiastiques et une occupation française, puis des mesures de protection de la part des autorités comtales et ecclésiastiques. Au début du XIVe siècle elle fut fortifiée par les Flamands et continua de bénéficier de la sauvegarde des comtes, notamment en 1349. À l'époque moderne, l'abbaye subit en 1566 les destructions liées aux iconoclastes et aux passages militaires, puis ses revenus furent annexés à l'évêché de Saint‑Omer. Reprise et reconstruite par l'évêque à la fin du XVIe siècle, c'est de cette campagne que datent la tour actuelle et une grande partie des murs d'enceinte. Au XVIIe siècle, des jésuites anglais y établirent un noviciat : autorisés en 1608, les premiers novices y arrivèrent en 1623 et la communauté atteignit jusqu'à cent novices; l'abbaye‑noviciat fut renforcée par des fortifications entre 1644 et 1646. Les Jésuites restèrent jusqu'à la suppression de la Compagnie en 1763, puis des prêtres séculiers prirent leur place. En 1769 l'évêque fit démolir l'essentiel du monastère, à l'exception de la tour et des murs de clôture; sur les ruines furent ensuite aménagées une résidence d'été et une ferme qui subsistent encore. Vendue comme bien national en 1789, la tour échappa à la destruction grâce à son rôle de repère pour la navigation; elle devint propriété du ministère de la Marine en 1822, puis de l'État et fut placée sous la protection des monuments historiques. La tour et les murs d'enceinte ont fait l'objet d'un classement par arrêté du 10 février 1909, tandis que le reste de l'abbaye a été classé par arrêté du 21 novembre 1980. Lors de la seconde Guerre mondiale, les Allemands occupèrent l'abbaye et utilisèrent la tour comme poste d'observation. Le patrimoine matériel et foncier de l'abbaye était très étendu, reflété par de nombreuses donations et archives ; parmi les sources anciennes, une chronique du monastère fut rédigée par le chanoine Ebrard dans les années 1080-1085. Aujourd'hui, les vestiges les plus visibles sont la tour en ruines et les murs d'enceinte, quelques éléments de mobilier de l'abbaye se trouvent dans l'église Saint‑Gilles et des matériaux de l'ancien établissement ont été réemployés pour la réparation du moulin daté de 1731. L'abbaye fut dirigée non par un abbé mais par une succession de prévôts, depuis Olfride au XIe siècle jusqu'à Jean Fachin au milieu du XVIe siècle.