Origine et histoire
L'abbaye Notre‑Dame des Ayes est un ancien monastère cistercien de moniales situé à Crolles, en Isère. Elle se trouve dans l'actuelle impasse Elsa‑Triolet, le long de l'avenue de l'Abbaye. Le toponyme "Ayes" peut renvoyer soit à hayes (les possessions du seigneur), soit au latin aqua (une zone humide), soit à haies (la palissade végétale entourant l'abbaye). L'abbaye a été fondée vers 1140 par Clémence‑Marguerite de Bourgogne, épouse de Guigues IV d'Albon ; certaines sources indiquent 1142 pour la fondation et 1143 pour l'arrivée des douze religieuses et de l'abbesse, venues de l'abbaye du Betton. Au Moyen Âge, l'abbaye exploitait notamment un moulin sur le ruisseau de Craponoz et possédait de nombreuses terres dans le Dauphiné. Après la peste noire, en 1399, le monastère ne comptait apparemment plus que dix religieuses, sans l'abbesse. Les guerres de religion entraînèrent pillages et destructions en 1560, puis un incendie en 1648 endommagea encore l'édifice ; l'abbaye fut rebâtie de 1662 à 1666. En 1623, trois religieuses des Ayes — Claude de Buissonrond, Louise de Paquier et Louise de Ponsonas — cherchèrent à se réformer et, formées à Rumilly dans la congrégation des bernardines réformées, fondèrent le 24 novembre 1624 l'abbaye Sainte‑Cécile à Grenoble, dont Louise de Ponsonas fut la première abbesse. Louise de Ponsonas eut des différends avec Louise de Ballon, notamment sur la rédaction des Constitutions de la nouvelle congrégation, qu'elle réécrivit en 1631 en modifiant l'histoire de la réforme, et elle put invoquer sa nationalité française face à la savoyarde Louise de Ballon. À la veille de la Révolution, en 1781, le couvent était en fort mauvais état : l'église seule était correctement entretenue, tandis que la majeure partie des bâtiments menaçait ruine et dissuadait les vocations. Le 21 janvier 1791, les commissaires révolutionnaires procédèrent à l'inventaire de l'abbaye, qui fut vendue comme bien national le 18 avril 1791 ; César de Chaléon l'acheta en laissant aux religieuses leurs appartements, le chœur et les chapelles latérales de l'église. Le 22 septembre 1792, des officiers municipaux vinrent pour faire évacuer le monastère ; n'y restaient alors que l'aumônier, une sœur et une converse, mais en février 1793 cinq bernardines du couvent Notre‑Dame des Grâces de Tullins s'y réfugièrent. En 1797, cinq ou six prêtres réfractaires y célébraient la messe hebdomadaire, rassemblant entre cinq et six cents fidèles. Il ne subsiste aujourd'hui qu'un corps de logis, vestige probable du logis abbatial, orné de plafonds peints de la période classique et comportant des chapiteaux du XIIe siècle réemployés provenant du cloître. Ce bâtiment est inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis le 17 juillet 1990. Les stalles de l'abbaye sont conservées à la chapelle de la Salette, à Grenoble. L'abbaye est fille de celle de Betton. Le moulin, distinct de l'abbaye, a été conservé et a fonctionné jusque dans les années 1980 après de nombreuses modernisations aux XIXe et XXe siècles.