Origine et histoire de l'Abbaye
L'abbaye du Thoronet est une abbaye cistercienne située sur la commune du Thoronet, dans le Var, en région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Classée au titre des monuments historiques par la liste de 1840, elle bénéficie par ailleurs d'une double protection juridique : la préservation de l'environnement, de la faune et de la flore, et le périmètre de 500 mètres autour des monuments historiques prévu par les articles L.621-30-1 et L.621-31 du code du patrimoine. L'une des « trois sœurs provençales » avec Sénanque et Silvacane, l'abbaye est réputée pour l'harmonie, la pureté et la simplicité de son architecture cistercienne. L'abbé Foulques, ancien troubadour devenu abbé puis évêque de Toulouse et proche de Saint Louis, a marqué son histoire. Le site a inspiré des artistes et architectes : Fernand Pouillon a consacré à l'abbaye un roman en 1964 et Le Corbusier l'a visitée en 1953. Selon la notice liée à l'inscription de Fontenay au patrimoine mondial, le Thoronet figure parmi les exemples les plus achevés de l'architecture cistercienne. Des campagnes de restauration, engagées à partir du XIXe siècle et soutenues notamment grâce à l'intervention de Mérimée, ont permis de préserver l'ensemble.
Fondée au XIIe siècle pour une communauté d'une vingtaine de moines, la communauté initiale provient de l'abbaye de Mazan : Paulin et douze moines fondèrent en 1136 l'abbaye de Florièyes; ils s'installèrent au Thoronet en 1146, l'acte de donation étant daté du 18 des calendes d'avril 1146, et le transfert définitif du site de Florièyes est marqué par un acte de 1157. L'abbaye prospéra grâce aux nombreuses donations, notamment des seigneurs de Castellane, et organisa son économie autour de l'agriculture et de l'élevage. Comme beaucoup de maisons cisterciennes, elle connut ensuite un déclin lié aux troubles internes et aux guerres de Religion ; rattachée en 1787 à l'évêché de Digne-les-Bains, la communauté s'éteignit à la Révolution et les derniers moines quittèrent le site en 1791, date à laquelle l'abbaye fut vendue comme bien national, puis rachetée par l'État en 1854.
Implantée dans un vallon boisé, l'abbaye disposait sur place d'une carrière, de sources et d'une forêt, éléments qui ont conditionné ses choix de construction et son autonomie. Les premiers bâtiments comprenaient le cellier et un édifice proche de la porterie, puis l'abbatiale orientée à l'est et le cloître trapézoïdal qui suit la disposition des constructions. L'emploi d'une pierre calcaire locale, parfois laissée brute en bossage, confère à l'ensemble une unité matérielle et des qualités acoustiques et lumineuses remarquées depuis le XIXe siècle ; les parements sont taillés pour obtenir des joints très fins tout en assurant l'attache du blocage interne.
L'abbatiale, le plus vaste édifice du site, présente un plan en croix latine modeste d'environ 40 mètres sur 20, une nef voûtée en berceau brisé, un transept saillant et un chevet en cul-de-four sobre et dépourvu d'ornement. La façade occidentale reste sobre, sans portail monumental, et le clocher primitif, daté entre 1160 et 1180, est surmonté d'une flèche de pierre culminant à plus de trente mètres. Les ouvertures sont rares et étroites : quatorze fenêtres munies de vitraux en grisaille percent des murs épais, et la lumière diffuse joue un rôle essentiel dans l'organisation spatiale et spirituelle de l'ensemble.
Le cloître, de plan trapézoïdal et d'environ 30 mètres de côté, constitue le centre de la vie monastique ; ses galeries, construites sur et dans le rocher, montrent une économie de moyens et une grande unité de formes, la galerie sud étant la plus ancienne. Parmi les bâtiments conventuels, la salle capitulaire voûtée d'ogives et dotée de deux colonnes centrales, la sacristie, le lavabo hexagonal adossé au préau et le cellier attestent de la distribution des fonctions ; la salle des moines a abrité le scriptorium, pièce chauffée essentielle pour la production de parchemins. La vie matérielle reposait sur des ressources parfois éloignées : l'abbaye exploitait des marais salants et des pêcheries à Marignane, Hyères, Martigues et Sainte-Maxime, et tirait principalement ses revenus de l'élevage.
L'exploitation de la bauxite au XXe siècle a profondément modifié l'hydrologie et la morphologie du vallon, provoquant l'assèchement de ruisseaux et plusieurs glissements de terrain qui ont entraîné effondrements et désordres structurels ; ces risques ont motivé des travaux de drainage, de reprise des fondations et de consolidation des voûtes et des maçonneries, notamment entre 1985 et 1990. Les opérations de confortement ont inclus la réfection des toitures, l'allègement des voûtes, des injections de coulis dans les maçonneries et la mise en place d'un réseau de drainage, tandis que la surveillance hydrogéologique reste permanente. Restaurée et gérée par l'État puis par le Centre des monuments nationaux, l'abbaye a retrouvé une vocation spirituelle et culturelle : elle accueille concerts, festivals et expositions et sert parfois de décor pour des tournages.
La succession des abbés, documentée par Gallia Christiana, commence par Paulin en 1146 et s'étend jusqu'à François III du Mouchet de Villedieu en 1787-1791. Bibliographies, archives départementales et études scientifiques assurent la connaissance documentaire du site et accompagnent sa conservation et sa mise en valeur.