Origine et histoire
L'abbaye du Mont‑Saint‑Michel, dédiée à l'archange Saint‑Michel, est un établissement monastique de style gothique édifié entre le XIe et le XVIe siècle sur l'îlot du Mont‑Saint‑Michel, dans la Manche (Normandie). Autrefois bénédictine, elle est depuis 2001 liée aux Fraternités monastiques de Jérusalem et conserve une vie religieuse permanente. Le site, propriété de l'État et géré par un établissement public, est classé au titre des monuments historiques (liste de 1862) et inscrit deux fois au patrimoine mondial de l'UNESCO, pour le « Mont Saint‑Michel et sa baie » et comme composante des « Chemins de Compostelle en France ». L'abbaye attire à elle seule 1,5 million des quelque 2,5 millions de visiteurs annuels du Mont, ce qui en fait l'un des principaux sites culturels visités en France. Le nom ancien du rocher, « Mont‑Tombe », dérive vraisemblablement du latin tumba et renvoie soit à un tertre naturel soit à un site funéraire antérieur à l'installation monastique; l'îlot voisin de Tombelaine tire son nom d'une formation apparentée. La tradition rapporte que saint Aubert, évêque d'Avranches, fit ériger un premier oratoire à l'archange, récit légendaire dont les origines réelles restent obscures et que les sources médiévales traitent avec un mélange de foi et de propagande locale. Des constructions carolingiennes et préromanes ont été successivement reprises et agrandies: la chapelle dite Notre‑Dame‑sous‑Terre, redécouverte lors de fouilles, illustre cet état primitif et ses remaniements. À la fin du Xe siècle la collégiale initiale fut remplacée par une communauté bénédictine, fondation retenue traditionnellement à la suite de la réforme imposée par le duc de Normandie. Les moines bénédictins développèrent l'abbaye, construisirent l'église abbatiale romane et organisèrent l'ensemble monastique autour de cryptes et de bâtiments conventuels adaptés à la topographie du rocher. Au XIIIe siècle, grâce au soutien de mécènes, la construction de la « Merveille », ensemble exceptionnel construit sur trois niveaux pour loger cloître, réfectoire, salle des chevaliers, a donné à l'abbaye son appareil monumental et fonctionnel le plus célèbre. L'édifice combine des éléments carolingiens, romans et gothiques: quatre cryptes soutiennent la plateforme du chœur, la nef conserve une élévation à trois niveaux de tradition normande et le chœur gothique présente un triforium et des chapelles rayonnantes. Par sa situation stratégique et symbolique, le Mont fut fortifié et défendu à de nombreuses reprises; il résista notamment aux attaques et sièges pendant la guerre de Cent Ans, qui entraînèrent renforcement des remparts et creusement de citernes. L'abbaye connut ensuite un déclin progressif, aggravé par le régime de la commende, puis fut transformée en lieu de détention aux XVIIe‑XIXe siècles, ce qui, paradoxalement, contribua à la conservation de l'ensemble face aux démantèlements révolutionnaires. Durant la période pénitentiaire, l'abbatiale fut aménagée pour accueillir ateliers et dortoirs, et de nombreuses modifications architecturales furent réalisées, parfois au prix de dommages importants. À partir du XIXe siècle s'amorcent des campagnes de restauration et de mise en valeur menées par des architectes de l'entourage de Viollet‑le‑Duc; la flèche néogothique est couronnée par une statue de saint Michel due à Emmanuel Frémiet. Les fouilles et les travaux de consolidation des XXe et XXIe siècles ont précisé la chronologie des vestiges anciens et redonné sa lisibilité au site; Notre‑Dame‑sous‑Terre a notamment été dégagée et mise en valeur. L'aménagement des accès et la construction d'une digue‑route à la fin du XIXe siècle, puis la restauration du caractère maritime de l'îlot engagée au XXIe siècle et achevée en 2015 ont cherché à rendre au Mont sa relation à la mer. L'abbaye reste un pôle culturel et religieux vivant: elle accueille pèlerins, visiteurs et manifestations artistiques, et la présence religieuse actuelle assure la célébration régulière du culte. Sur le plan architectural et spatial, l'abbaye illustre une remarquable adaptation au site: les constructions s'étagent en terrasses, les niveaux inférieurs servent de fondations et d'espaces utilitaires tandis que les salles supérieures, plus légères, accueillent les activités spirituelles et d'hospitalité. Le monument conserve une grande diversité d'espaces — cryptes et chapelles souterraines, nef abbatiale, cloître, Merveille, salles des hôtes et des chevaliers, promenoirs, celliers et logis abbatiaux — qui témoignent à la fois de sa vocation monastique, de son rôle d'accueil et de sa fonction défensive. Géré par le Centre des monuments nationaux et propriété de l'État, le site fait l'objet d'un programme de conservation et d'accueil visant à concilier protection patrimoniale, vie religieuse et fréquentation touristique.