Période
VIIe siècle, XIIe siècle, XVIIIe siècle
Patrimoine classé
Crypte : classement par liste de 1840 - Tour-clocher ; première travée de la nef de l'ancienne église ; restes du cloître ; aire de l'ancien cloître avec les vestiges qu'il peut renfermer ; les côtés ouest et sud du cloître (cad. AE 271 à 275, 315, 316) : classement par arrêté du 19 mai 1980 - Ensemble de l'abbaye, y compris ses sols (cad. AE 206 à 214, 269, 270, 273, 276, 333, 334) : inscription par arrêté du 9 septembre 1998
Origine et histoire de l'Abbaye Notre-Dame
L’abbaye Notre-Dame de Jouarre, située à Jouarre (Seine-et-Marne, Île-de-France), a été fondée au VIIe siècle et fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis la liste de 1840. Sa création revient à Adon, qui obtint le domaine de Jouarre et établit le monastère vers 630/635, dans la mouvance de saint Colomban de Luxeuil ; il s’agissait à l’origine d’un monastère double, rassemblant hommes et femmes sous une même autorité. Peu après la fondation, des femmes s’associèrent à la vie monastique ; Telchide prit la tête du monastère, Mode et sa sœur Balde s’y retirèrent, et Agilbert, frère de Telchide, succéda à Adon. Un ensemble funéraire destiné aux sépultures de la famille d’Adon fut édifié vers 680 : ce sont les cryptes mérovingiennes qui subsistent encore. La crypte conserve les cénotaphes des fondateurs et de leurs proches — Adon, Balde, sainte Telchide, Mode, Aguilberte, Agilbert, Ébrégisile et une princesse irlandaise nommée Osanne — et constitue le vestige le mieux préservé d’un édifice de la fin du VIIIe siècle dont des restes ont été observés sous la place Saint-Paul au XIXe siècle et en 1993, permettant de reconstituer un bâtiment à trois nefs dans l’axe des cryptes actuelles. De l’époque romane subsiste notamment la tour-clocher. Aux IXe–Xe siècles, l’abbaye fut un important centre de pèlerinage dans le rayonnement d’Aix-la-Chapelle ; aux XIe–XIIe siècles, un bourg fortifié se développa autour du monastère et donna naissance à la ville de Jouarre. Au XVIe siècle, l’abbesse Charlotte de Bourbon-Vendôme s’enfuit au moment du massacre de la Saint-Barthélemy et gagna l’Allemagne, où elle épousa Guillaume Ier d’Orange-Nassau. Au XVIIe siècle, l’abbesse Jeanne de Bourbon fit construire une église de style classique, et l’abbesse Jeanne de Lorraine accueillit fréquemment la reine Anne d’Autriche. Les principaux bâtiments abbatiaux actuels furent reconstruits au milieu du XVIIIe siècle sous l’abbatiat de Catherine‑Henriette de Montmorin : l’architecte Augustin de Luzy mena des travaux entre 1742 et 1753, qui donnèrent notamment le pavillon abbatial, de grands dortoirs et le pavillon de l’Aumônerie ; le pavillon de Thianges, destiné aux hôtes, fut également édifié au cœur du village. À la Révolution, en 1792, les moniales furent dispersées et l’église du XVIIe siècle vendue pierre à pierre. Au XIXe siècle, un groupement de moniales venu de l’abbaye de Pradines permit le relèvement du monastère : les religieuses rachetèrent peu à peu de nombreux bâtiments vendus comme biens nationaux, tandis que les terres ne revinrent pas à l’abbaye, qui servit également de lieu de retraites spirituelles. Le domaine se reconstitua lentement après les destructions et morcellements révolutionnaires, mais certaines parcelles et constructions, comme les caves de l’ancien grenier à blé et le bâtiment de l’ancien auditoire devenu la mairie, ne font plus partie des biens propres de l’abbaye. La succession des abbesses, attestée depuis la fondation, comprend les premières saintes fondatrices (Théodechilde, Aguilberte, Balde), une longue lignée médiévale et moderne, des figures notables comme Charlotte de Bourbon-Montpensier et Catherine‑Henriette de Montmorin, la dernière abbesse avant la dispersion révolutionnaire Gabrielle de Tane de Santena, puis, après le rétablissement, des titulaires à partir d’Amélie Bagot ; depuis 2014 l’abbesse est Claire Brondy, mère Christophe. La communauté bénédictine actuelle vit selon la règle de saint Benoît, ora et labora : les sœurs partagent leurs journées entre la prière et des activités artisanales, notamment la fabrication de crèches et de statuettes en céramique et émaux, visibles sur leur site internet. L’abbaye a également été à l’origine de fondations extérieures, parmi lesquelles l’abbaye de Regina Laudis aux États-Unis (1947) et le monastère de la Paix-Notre-Dame à Flée (Sarthe, 1946).