Origine et histoire de l'Abbaye Notre-Dame-de-Ré dite des Châteliers
L'abbaye Notre-Dame-de-Ré, dite des Châteliers, est une ancienne abbaye cistercienne en ruine située sur la partie orientale de l'île de Ré, commune de La Flotte-en-Ré. Elle a été fondée au cours de la seconde moitié du XIIe siècle par Isaac de l'Étoile et Jean de Trizay à la demande d'Èble de Mauléon. L'établissement connaît une histoire mouvementée marquée par plusieurs destructions et pillages : incendiée en 1294, prise en 1388 par des troupes anglaises, lourdement détruite en 1462 et ravagée en 1574 lors des guerres de Religion. Abandonnée au début du XVIIe siècle, elle est unie en 1623 à la congrégation de l'Oratoire ; des pierres de l'abbaye servent en 1625 à la construction du fort de la Prée. Une petite chapelle dédiée à saint Laurent, placée sur le chœur surélevé, est entretenue par les Oratoriens et accueille un pèlerinage local ; elle conserve un retable en pierre daté de 1695 mais perd ses ornements et sa toiture en 1793. Les bâtiments abbatiaux, disposés au nord de l'église autour d'un cloître, ont été mis en lumière par des campagnes de fouilles entreprises à partir de 1967 ; des vestiges et du mobilier archéologique sont exposés à la Maison du Platin à La Flotte. Des fouilles plus anciennes en 1876 avaient déjà attiré l'attention sur le site, notamment par la découverte du tombeau d'un abbé du XIIIe siècle aujourd'hui conservé au musée d'Orbigny à La Rochelle. L'ensemble fait l'objet d'un classement au titre des monuments historiques depuis le 21 mai 1990. L'abbatiale Notre-Dame, la partie la mieux conservée, est de style gothique et relève sans doute des campagnes de reconstruction après les destructions médiévales. L'église se présente comme une nef unique de deux travées dont les voûtes sur croisées d'ogives se sont effondrées, tandis que les murs gouttereaux et la façade occidentale demeurent presque intacts. La nef s'ouvre sur un transept dont les croisillons comportaient chacun de petites chapelles rectangulaires ; il n'en subsiste que les fondations. Le chœur, d'une travée autrefois voûtée, conserve seulement les arrachements des voûtes et un grand mur oriental percé d'une vaste baie dépourvue de son remplage ; cette portion paraît postérieure au reste de l'édifice et relève d'une campagne de la fin du Moyen Âge. Les bâtiments conventuels ont presque disparu, plusieurs fois détruits puis démantelés au XVIIe siècle pour les besoins de la construction voisine, et seuls subsistent des éléments dispersés. Le carré du cloître, situé au nord de l'église, est visible : son mur-bahut a été rétabli, les galeries dallées et un petit jardin occupent aujourd'hui son centre. De la salle capitulaire et de la sacristie ne subsistent que des murs arasés et un sol épierré, tandis que le réfectoire n'offre plus qu'un pan de mur conservant trois chapiteaux et les départs de voûte, unique vestige en élévation des bâtiments claustraux. L'abbaye possédait autrefois des dépendances et des ressources dispersées sur l'île, notamment des pêcheries, un moulin à vent et des installations liées au salinage et à des activités métallurgiques, ainsi que divers fiefs et granges. Son essor économique, lié à ces droits et activités, s'affaiblit au XIVe siècle en raison de la raréfaction de la main-d'œuvre convers et des aléas militaires et sociaux. Après les destructions successives et l'abandon progressif, le haut pignon occidental de l'abbatiale a servi d'amer pour la navigation, peint en noir et blanc, ce qui a motivé des interventions ponctuelles de maintenance. Les éléments mis au jour lors des fouilles, tels que sculptures et carrelages, sont consultables localement et contribuent à la connaissance du plan et de l'organisation du monastère. L'abbaye Notre-Dame-de-Ré, dite des Châteliers, reste un témoin important de la présence cistercienne insulaire et de l'histoire religieuse et économique de l'île de Ré. Sa filiation la rattache à Pontigny et elle est sœur des abbayes de Trizay et de l'Étoile ; le premier abbé connu porte le nom d'Isaac de Stella.
