Origine et histoire de l'Abbaye Royale
L'ancienne abbaye royale de Saint-Michel-en-l'Herm, située en Vendée, est un ancien monastère bénédictin aujourd'hui propriété privée et classé monument historique depuis 1973. Sa fondation est attribuée à l'évêque de Poitiers Ansoald à la fin du VIIe siècle, sur une île au confluent du Lay et de la Sèvre niortaise, d'où ses anciens noms Condate ou Vieux-Condet. Dès ses origines le monachisme y prit une forme érémitique d'inspiration irlandaise, tournée vers l'évangélisation, et le choix du vocable saint Michel et du terme « Herm » souligne l'idée d'un établissement en désert. L'abbaye passa sous la règle de saint Benoît en 817 sous l'abbé d'alors de Noirmoutier, Arnoux. Détruite par les Normands en 877, elle servit de base aux incursions vikings pendant près de quatre-vingts ans avant d'être restaurée à partir du Xe siècle ; les travaux de reconstruction entrepris par Ebles s'étendirent près de soixante-dix ans et aboutirent à la consécration d'une église en 1047. Aux Xe et XIe siècles, l'abbaye connut des changements de suzeraineté et dépendances, passant notamment sous l'influence des vicomtes de Thouars puis retrouvant son indépendance en 1041 avec l'arrivée de moines venus de Luçon. Fortement impliquée dans les rivalités féodales et régulièrement menacée par les incursions, elle fit l'objet de nouvelles constructions après un incendie en 1048 et fut consacrée à nouveau en 1078. Aux XIIe, XIIIe et XIVe siècles l'abbaye s'affirma comme un acteur économique majeur grâce à un réseau de possessions terrestres et maritimes, au commerce, et surtout au sel ; elle finança d'importants travaux d'endiguement, de canalisation et de drainage du Marais poitevin, souvent en paréage avec des seigneurs locaux et d'autres abbayes, comme en témoigne le canal des Cinq-Abbés. Malgré sa richesse, elle dut néanmoins payer des rançons pour échapper à certaines destructions pendant la guerre de Cent Ans et renforcer ses défenses après des attaques. Pendant les guerres de Religion, l'abbaye, refuge des biens de l'évêque de Luçon et place forte catholique, fut assiégée et prise par les huguenots en 1568 ; le pillage entraîna la perte d'archives et de la bibliothèque, des destructions matérielles importantes et un lourd bilan humain. À partir de la fin du XVe siècle l'abbaye entra dans la période des abbés commendataires, accentuée après le concordat de 1516 : des titulaires issus de familles aristocratiques furent nommés par le roi, parmi lesquels plusieurs figures notables apparaissent dans la succession connue des abbés. La restauration entreprise à la fin du XVIe siècle resta incomplète faute de moyens, et le testament de Jules Mazarin, abbé de 1651 à 1661, ainsi que des décisions royales afférentes, fragilisèrent encore la communauté avant qu'une partie des revenus ne soit finalement conservée pour la mense conventuelle. En 1669, face au dépeuplement, l'évêque de Luçon fit appel à la congrégation de Saint-Maur, qui lança une reconstruction confiée à l'architecte François Le Duc entre 1685 et 1705 ; cette campagne comprit notamment le logis de l'abbé, le réfectoire et le dortoir, le remblaiement et la réorganisation des espaces médiévaux, puis la reconstruction d'une église au XVIIIe siècle sur un plan plus modeste. À la veille de la Révolution le monastère avait fortement décliné : en 1789 il ne comptait plus qu'un prieur et six moines titulaires, et en 1790 l'ensemble fut vendu comme bien national, les religieux se dispersèrent et de nombreux bâtiments et biens furent vendus ou détruits ; la bibliothèque, inventoriée à 3 506 volumes, fut dispersée. Racheté en 1792 par Jean-François Didelot puis, en 1818, par Julien Anne Le Roux, l'ensemble est resté dans la descendance de cette famille ; plusieurs descendants des Le Roux en sont aujourd'hui propriétaires. Le patrimoine de l'abbaye témoigne de ses cinq états successifs : les éléments les plus anciens subsistants correspondent à la « basse église », aujourd'hui partiellement enfouie, tandis que la salle capitulaire du XIIe siècle, le chauffoir et le réfectoire du XIIIe siècle, ainsi que des vestiges romans et des chapiteaux, attestent de la riche période médiévale. Les mauristes ont laissé des bâtiments majeurs — logis abbatial, réfectoire, dortoir — qui s'appuient sur un remblaiement ayant mis les structures médiévales en sous-sol, et l'abbaye conserve par ailleurs des constructions du XVIIIe siècle comme le logis de l'Aiguier et son pigeonnier. La succession des abbés, dont la liste partiellement connue court du Xe au XVIIe siècle et s'achève avec Jules Mazarin, comporte de nombreux noms cités dans les sources et illustre la longue continuité institutionnelle de Saint-Michel-en-l'Herm.