Origine et histoire de l'Abbaye royale du Moncel
L'ancienne abbaye Saint-Jean-Baptiste du Moncel, à Pontpoint (Oise), est un couvent de clarisses fondé par Philippe le Bel en 1309 sur des terres confisquées à Philippe de Beaumanoir ; elle est aujourd'hui rattachée à la paroisse Sainte-Maxence de Pont-Sainte-Maxence. Le choix du site s'explique par la proximité de la forêt d'Halatte, de l'Oise, de sources et par l'existence d'un manoir royal voisin intégré au domaine. Sur la recommandation d'un confesseur franciscain et dans un contexte politique tendu vis‑à‑vis du Saint‑Siège et de l'ordre du Temple, Philippe le Bel institue le couvent afin que les religieuses prient pour lui et pour la prospérité du royaume. Les travaux débutent en 1309, ralentissent après la mort du roi, puis reprennent sur l'initiative du confesseur de la reine et par ordre de Philippe de Valois vers 1328. Les premières religieuses arrivent en 1335 et la consécration solennelle a lieu en 1336 ; l'église abbatiale est consacrée en 1337 et Pernelle de Troies devient la première abbesse. L'abbaye atteint rapidement la soixantaine de moniales, principalement issues de l'aristocratie, et bénéficie de dots, de revenus royaux et de dons funéraires, notamment de la reine Jeanne. Les crises du XIVe siècle — pillages après Crécy, peste et rançons liées à la capture du roi Jean II — assoient cependant des difficultés financières et matérielles, aggravées par des pillages et des dommages en 1358 ; en 1364 la commune de Pontpoint cède ses droits à l'abbaye pour régler des créances. Sainte Colette de Corbie séjourne brièvement au Moncel en 1402 mais la maison n'adopte pas sa réforme et conserve des usages moins rigoristes que la règle primitive des clarisses. Les conflits avec l'administration des Eaux et Forêts persistent au XVe siècle malgré des interventions royales. Confirmée par François Ier, l'abbaye connaît une période de restauration après un incendie en 1526, reçoit des visiteuses de marque et voit ses droits forestiers définitivement reconnus en 1549. Les guerres de Religion du XVIe siècle causent de nouveaux dommages ; l'abbesse Philippine de Pellevé entreprend alors réparations et constructions qui modifient l'ensemble conventuel, laissant toutefois trois galeries du cloître détruites depuis cette époque. Sous l'Ancien Régime l'abbaye perd peu à peu la faveur royale, voit l'abbatiat limité par Louis XIV et développe dès le XVIIe siècle un pensionnat pour jeunes filles dont l'effectif varie au XVIIIe siècle. La Révolution disperse la communauté : l'abbaye est saisie, vendue comme bien national en 1792 et l'église abbatiale est démolie en 1795, les matériaux vendus pierre par pierre. Après des usages variés — hôpital militaire, entrepôt pour négociants en vin — le site attire l'attention scientifique au début du XXe siècle et est classé monument historique en 1920. Le domaine sert de petit séminaire à partir de 1923, est réquisitionné par la Wehrmacht en 1940 et, après divers regroupements scolaires, ferme définitivement comme institution religieuse en 1982. Un bail emphytéotique signé en 1984 confie la restauration et la gestion au Club du Vieux Manoir qui restaure les toitures, protège les charpentes d'origine, aménage un musée et ouvre le site au public pour visites, expositions et manifestations culturelles. L'ensemble monastique occupe un domaine clos de 6 hectares, entouré de rues et partagée entre bâtiments conventuels, jardins, vergers, étangs et vestiges archéologiques. Le logis conventuel, classé, s'organise autour d'une cour carrée de 46 mètres de côté et conserve la galerie nord du cloître ; l'abbatiale disparue est matérialisée au sol par des pavés et la fouille archéologique a révélé des occupations antérieures. Les bâtiments, tous en pierre de taille, présentent une organisation fonctionnelle traditionnelle : celliers au sous‑sol, dortoirs à l'étage nord et est, réfectoire au rez‑de‑chaussée nord, cuisines à l'ouest et salle capitulaire et chartrier à l'est ; la majorité des plafonds de bois a été remplacée au XXe siècle par des planchers en béton. Les caves, commencées dès 1310, conservent des voûtes d'ogives et des colonnes octogonales tandis que certaines salles basses sont couvertes en berceau ; ces espaces ont longtemps servi au stockage du vin. Le chartrier est la seule salle voûtée non souterraine et présente des nervures et clés sculptées qui annoncent des développements gothiques ultérieurs ; la salle capitulaire a conservé quelques éléments d'origine mais a été défigurée par un plafond en béton posé en 1925. Le cloître primitif a perdu trois galeries et la galerie subsistante, datée du XVIIe siècle, présente douze arcades en plein cintre surbaissé de style Renaissance ; dans la cour se trouve un lavabo médiéval exceptionnel. Les dortoirs conservent des charpentes en carène renversée en chêne de la forêt d'Halatte, remarquables par leurs dimensions et leur bon état, et qui constituent l'un des attraits majeurs du monument. La maison des pères, l'ancienne ferme abbatiale, la grange dîmière et les tours de Fécamp complètent le domaine ; la ferme et la grange, inscrites en 1988, et les tours, classées en 1920 avec l'abbaye, montrent l'emprise agricole et seigneuriale du site. La fontaine‑lavoir, alimentée par une source captée par un tuyau en plomb posé pour le compte de Philippe de Valois, est datée du XIVe siècle et a été restaurée. L'abbaye se visite de mars à novembre selon des horaires et conditions assurant la sécurité des lieux : l'accès se fait sur présentation d'un droit d'entrée et la visite guidée, tenue par des stagiaires du Club du Vieux Manoir, couvre les salles ouvertes au public en environ 90 minutes.