Origine et histoire de l'Abbaye Saint-Corneille
L'ancienne abbaye Saint-Corneille, située à Compiègne dans l'Oise, à environ 75 km au nord de Paris, abrite la Bibliothèque municipale Saint-Corneille. Fondée sous le nom de Notre-Dame ou Sainte-Marie par Charles II le Chauve à l'emplacement d'un palais mérovingien, elle devint une abbaye impériale et royale inspirée du modèle d'Aix-la-Chapelle. Consacrée par le pape Jean VIII, l'abbaye reçut d'importants privilèges et rassembla des reliques prestigieuses, attirant pèlerins, princes et conciles. Son église et son ensemble abbatial servaient de chapelle palatine et furent le lieu de sacre, d'inhumation ou de reconnaissance de plusieurs souverains carolingiens et robertiens. Au fil des siècles l'abbaye étendit des domaines et des possessions dans le Tardenois, le Beauvaisis, l'Amiénois, le Boulonnais, le Soissonnais, le Laonnois, jusqu'en Ardennes et Bourgogne. Après des périodes de destructions et de reconstructions — invasions, incendies et remaniements — son architecture évolua et l'ensemble fut modifié à plusieurs reprises au Moyen Âge et à la Renaissance. Au XIIe siècle l'abbaye connut une réforme : les chanoines furent remplacés par des moines bénédictins en 1150, réforme confirmée et soutenue par des bulles pontificales. La commende et l'affaiblissement des ressources, puis la réunion de sa mense à l'abbaye royale du Val-de-Grâce, marquèrent un long déclin avant la Révolution. Les abbés et les religieux conservèrent cependant jusqu'à l'époque moderne une juridiction étendue sur la ville de Compiègne et la vallée de l'Oise, des privilèges de foire et des droits seigneuriaux. À la Renaissance et aux siècles suivants les abus de la commende et les tensions avec les bourgeois et l'évêché de Soissons se firent plus fréquents, malgré des dons royaux et la présence de personnalités ecclésiastiques. Les bénédictins de la congrégation de Saint-Maur occupèrent l'abbaye à partir de 1626 ; la mense fut réunie en 1658 à celle du Val-de-Grâce. La Révolution porta un coup décisif : l'abbaye fut déclarée bien national en 1791, profanée et pillée en août 1793, puis ses bâtiments vendus et transformés en entrepôts ; un décret du Premier consul ordonna sa destruction, effective en 1822. Les bâtiments restants furent presque entièrement brûlés en 1940 lors d'un bombardement ; ne subsistent aujourd'hui que des vestiges, dont le cloître daté du XIIIe siècle, des éléments du clocher et de l'avant-nef, ainsi qu'un pan de mur avec deux gargouilles visible depuis la place du marché aux herbes. Le cloître et les restes du clocher ont été classés monument historique le 26 octobre 1964, et les sous-sols de l'ancien réfectoire inscrits le 28 septembre 1944. Parmi les trésors liturgiques et reliquaires que l'abbaye a conservés figuraient le Saint-Suaire et des reliques de saint Corneille et de saint Cyprien, qui firent sa réputation de sanctuaire de pèlerinage. Voltaire évoqua à tort la présence d'un « Saint Prépuce », alors que la relique conservée à Saint-Corneille au XVIIIe siècle était en réalité le couteau associé à la circoncision. De l'implantation médiévale jusqu'au XVIIIe siècle, l'abbaye posséda huit barons fieffés chargés de sa garde et des cérémonies, privilège maintenu jusqu'en 1789. Aujourd'hui l'ancien ensemble abbatial accueille, depuis 1959, l'une des bibliothèques municipales de Compiègne ; les locaux, comprenant vestiges anciens et édifices modernes, ont été fermés pour travaux en 2005 et la nouvelle bibliothèque inaugurée le 15 décembre 2007. La bibliothèque conserve dans ses réserves des ouvrages provenant de l'abbaye, et la galerie d'objets comprend notamment un diptyque byzantin réemployé au XIIIe siècle pour la reliure d'un manuscrit de Saint-Corneille. L'histoire millénaire de l'abbaye, marquée par sa richesse, ses privilèges, ses remaniements architecturaux et sa destruction, reste étroitement liée à celle de la ville de Compiègne et du Valois.