Origine et histoire de l'Abbaye Saint-Eptade
L'abbaye Saint‑Eptade de Cervon est un ancien monastère de moines bénédictins fondé par saint Eptade d'Autun dans le finage de Cervon, dans la Nièvre, au cœur du Morvan, en Bourgogne‑Franche‑Comté. Selon les sources, l'établissement, connu sous les noms de Cervodunum ou Cerdunum, fut fondé en 500. Saint Eptade y vécut en ermite avant que la renommée de sa sainteté n'attire des disciples et n'entraîne la construction d'un monastère. L'abbaye fut sécularisée au XIIe siècle et transformée en collégiale dont le doyen conserva le titre d'abbé. Le chapitre comptait initialement dix chanoines, réduit ultérieurement à six chanoines et deux étudiants, et comprenait les dignités de prévôt, chantre et trésorier. Le chapitre exerçait une seigneurie de haute justice en partie et percevait les dîmes de la paroisse ; d'autres institutions religieuses, comme les bénédictins de Nevers et l'abbaye de Réconfort, possédaient aussi des droits et des rentes sur le finage. En 1461 la paroisse de Magny‑Lormes fut unie au chapitre contre une rente sur ses dîmes. L'élection de l'abbé se faisait par la pluralité des voix des chanoines, et l'élu entrait aussitôt en possession de sa charge et des prébendes. Les évêques d'Autun tentèrent à plusieurs reprises d'intervenir dans ces nominations, ce qui suscita au début du XVIIIe siècle des conflits opposant les chanoines et l'évêché jusqu'à la confirmation des droits du chapitre. L'abbaye eut également des différends avec d'autres établissements religieux, notamment Saint‑Léonard de Corbigny, et des conflits avec des paroisses voisines, comme celui portant sur la desserte de Mouron qui se termina par une sentence imposant au chapitre d'assurer la célébration des offices et de recevoir certaines prestations. Une convention du XVIe siècle prévoyait qu'un chanoine célèbre chaque dimanche une première messe à Mhère à sept heures du matin. La garde de l'abbaye appartenait aux comtes de Nevers, selon une charte de septembre 1333.
L'église, aujourd'hui dédiée à saint Barthélémy, présente un portail roman remanié au XVe siècle ; le tympan subsistant, daté de la fin du XIIe siècle, montre un Christ en Majesté en mandorle entouré des symboles des évangélistes et rappelle le type du Christ de la basilique de Vézelay. Le portail occidental est classé au titre des monuments historiques depuis le 24 mars 1908. L'édifice a un plan à trois nefs et un chœur caractéristique de l'architecture de transition, avec arcades à ogives naissantes et fenêtres en plein cintre ; six pilastres cannelés soutiennent les voûtes et, en dessous, se trouve un caveau réservé jadis aux sépultures des chanoines. Le chœur abritait l'autel du chapitre tandis que l'autel paroissial se trouvait dans la grande chapelle nord ; l'autre chapelle principale était dédiée à Notre‑Dame de Pitié et cinq autels sous les piliers — consacrés à l'Annonciation, saint Georges, saint Sébastien, saint Étienne et saint Antoine — appartenaient à des seigneurs locaux. La grande nef, avec ses bas‑côtés, témoigne d'un roman primitif aux piliers massifs et à l'ornementation sobre, tandis que le portail ouest est décoré d'archivoltes et de chapiteaux historiés illustrant des scènes bibliques. Le clocher, ajouré de fenêtres géminées et surmonté d'une haute flèche, domine les environs. En 1410 l'église se trouva en ruines et fit l'objet de longues procédures judiciaires entre les habitants, l'officialité d'Autun, le tribunal métropolitain de Lyon et la cour romaine, aboutissant à une décision en 1537 confirmant la responsabilité des autorités diocésaines. Lors de la visite de l'archidiacre d'Autun en 1667, les sols de la nef et des chapelles n'étaient pas carrelés. En 1743 l'abbé Pierre‑Antoine de Mesgrigny reçut publiquement l'abjuration de Marguerite de Paris des idées calvinistes, événement qui attira une importante affluence. L'église a été ravagée à plusieurs reprises par des incendies qui lui firent perdre les voûtes de la nef et des bas‑côtés. La paroisse fut érigée en cure de deuxième classe en 1827 ; l'édifice fut ensuite rénové en 1848 et reconsacré le 12 novembre 1848, date à laquelle de nombreuses reliques furent déposées dans le tombeau de l'autel. En 1854 le petit clocher en forme de dôme présent sur la toiture fut abattu et remplacé par une nouvelle construction ; lors des travaux de fondation on mit au jour un ossuaire symétriquement disposé contenant les débris d'environ six cents cadavres, transférés dans le cimetière créé au nord en 1810. Aujourd'hui l'ancienne collégiale, de plan en croix latine, conserve le tympan roman du XIIe siècle et un retable sculpté de la Vierge de Pitié du XVIIe siècle inscrit aux monuments historiques en 1962 ; elle présente l'une des premières croisées d'ogives du Nivernais et s'ouvre au public sur demande.
À proximité de l'abbéloge se dresse une tour ronde, vestige des anciennes fortifications dont on disait qu'elle comptait six étages, et une cave du XIVe siècle subsistait encore sous la maison contiguë à la fin du XIXe siècle. Le trésor de l'église comprend notamment un retable en pierre de la Vierge de Pitié daté de 1604 et inscrit aux monuments historiques, dix‑huit stalles dans la nef et un beau Christ en bois. Les caves de l'ancienne abbaye existent toujours, l'une étant située sous l'école, et les bâtiments conventuels laissaient visibles plusieurs domaines où les chanoines logeaient séparément. Le cimetière n'étant pas clos, on constatait autrefois la présence de marchands et d'animaux parmi les tombes. Les revenus en dîmes et terres s'élevaient à 5 815 livres réparties en neuf prébendes, l'abbé percevant deux d'entre elles, les charges ordinaires comprenant notamment les rémunérations du curé et du vicaire, et le chapitre percevant les dîmes de la paroisse ainsi que celles de Magny et de Mouron.