Origine et histoire de l'Abbaye Saint-Jean de Sorde
L'abbaye Saint-Jean de Sorde, située à Sorde-l'Abbaye dans les Landes, est un ancien monastère bénédictin inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l'UNESCO au titre des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle et protégé par différents classements et inscriptions. Le site occupe l'emplacement d'une vaste villa gallo-romaine dont des mosaïques et des thermes ont été mis au jour, et dont les vestiges ont servi de fondations au logis abbatial. Un acte de donation de 975 atteste l'existence de la communauté au moins depuis la fin du Xe siècle, tandis que la construction de l'église s'étend des XIe et XIIe siècles pour le chevet, le transept et la nef, le portail nord appartenant à la fin du XIIe siècle. L'absidiole sud, datée du XIe siècle, constitue la partie la plus ancienne de l'édifice, la tour-clocher remontant à la période ancienne elle aussi. Le transept fut surélevé et renforcé à la fin du XIIIe siècle, la nef fut voûtée au XIVe siècle, et les voûtes furent remaniées aux XVIIe et XIXe siècles. L'abbaye, étape importante sur la via Turonensis pour les pèlerins de Compostelle, a subi des destructions répétées pendant les guerres de religion au XVIe siècle, puis a été relevée et restaurée par la congrégation de Saint-Maur après son rattachement en 1665. Les plans de reconstruction sont attribués aux frères Robert Plouvier (1664-1665) et Antoine Poumet (vers 1678), et les travaux se sont poursuivis au XVIIIe siècle, notamment pour la sacristie, le bâtiment sud et le cryptoportique. Transformée en paroisse en 1791, l'abbaye voit ensuite une partie de ses bâtiments et dépendances vendus ou affectés à d'autres usages, certains devenant hôpital militaire avant d'être revendus au début du XIXe siècle. Des restaurations importantes ont eu lieu au XIXe siècle, avec un projet de restitution de l'état ancien conduit par l'architecte Loupot entre 1868 et 1873, et le clocher a été restauré en 2002 ; la porterie a été détruite par un incendie en 1957.
Les recherches archéologiques, relancées après la découverte d'une mosaïque en 1957, ont été conduites de 1958 à 1966 par l'archéologue J. Lauffay, qui a mis au jour le vaste établissement des IIIe et IVe siècles, des thermes avec caldarium, tepidarium et frigidarium chauffés par un hypocauste, ainsi qu'un atrium bordé de galeries ; une seconde villa est signalée à l'est du bourg, à Barat-de-Vin. Le logis abbatial, reconstruit à la fin du XVe ou au début du XVIe siècle sur des éléments plus anciens, livre de la fenêtre d'observation une vue sur des fragments de mosaïques et les vestiges du système hypocaustique enfouis sous son sol. Un sarcophage monolithe, découvert lors de fouilles en 1960, se trouve devant le portail septentrional.
L'église présente un chevet roman en deux campagnes de construction et un intérieur qui a été largement transformé par les restaurations, mais conserve des sculptures romanes aux chapiteaux des absidioles et une mosaïque d'époque romane derrière le maître-autel. Ces mosaïques, datées de la fin du XIe et du début du XIIe siècle, couvrant autrefois l'abside, ont été redécouvertes lors de travaux en 1869 ; elles forment huit panneaux comprenant rinceaux, entrelacs, rosace géométrique et compartiments ornés d'animaux — félins, aigles et un chien poursuivant un lièvre — et semblent appartenir à la même tradition atelier que celles de Saint-Sever, Lescar, Moissac et Layrac. Parmi le mobilier, le maître-autel de forme-sarcophage provient de l'atelier des frères Mazzetti (1784) et est exécuté en marbres polychromes ; la sacristie conserve un mobilier en chêne du dernier quart du XVIIIe siècle, la chaire en chêne est d'inspiration néo-gothique du XIXe siècle, et plusieurs éléments liturgiques en fer forgé datent aussi de la fin du XVIIIe siècle. Une dalle funéraire en marbre blanc rappelle l'abbé Vincent de Caste, qui affilia l'abbaye à Saint-Maur en 1679 et rédige peut‑être son histoire en 1677.
Le plan monastique répond aux besoins liturgiques et aux processions : un chœur développé et un transept central pour la vie communautaire, une nef pour les fidèles et les pèlerins, des absidioles abritant des chapelles et des bas-côtés organisant le déroulement des offices. Le cloître, centre de la vie monastique, avait ici trois galeries et s'articulait avec la salle capitulaire, le grenier des dîmes, le cryptoportique et des granges batelières en sous-sol permettant le déchargement direct depuis le gave, ainsi que des aménagements pour l'élevage et la conservation du poisson. Malgré l'état partiellement ruiné des bâtiments conventuels et la végétation envahissante, l'ensemble conserve des vestiges remarquables qui témoignent de la longue histoire du site, depuis l'occupation romaine jusqu'aux aménagements modernes de protection et de restauration.