Origine et histoire de l'Abbaye Saint-Martin
Les origines carolingiennes de l'abbaye de Saint‑Martin à Laon demeurent obscures. Selon Julia Fritsch, l'évêque Barthélemy de Jur installa Norbert de Xanten sur le site en 1119 pour réformer les chanoines ; après l'échec de la tentative, Norbert fonda l'ordre des Prémontrés en 1121 et douze chanoines de Prémontré furent établis à Saint‑Martin en 1124. L'abbaye, considérée parmi les principales maisons de l'ordre, aurait compté jusqu'à 500 frères en 1136, ce qui motiva l'agrandissement de l'église pour accueillir les offices communautaires. L'église abbatiale actuelle a été largement construite au XIIe siècle, principalement dans la seconde moitié de ce siècle. La nef à deux niveaux et les bas‑côtés, couverts initialement d'une charpente apparente, furent édifiés au milieu du XIIe siècle ; le chœur, le transept et la nef sont datés d'environ 1160. Vers 1190, la charpente primitive fut remplacée par des voûtes, nécessitant l'ajout de colonnes engagées, d'arcatures d'appui et d'arcs‑boutants plus puissants, et la façade du bras sud du transept fut surélevée. Le chœur reçut une couverture en charpente entre 1226 et 1240 (dendrochronologie) et la construction des tours se poursuivit jusqu'à la fin du XIIIe siècle. La façade occidentale est postérieure, sa construction débutant autour de 1270, et le tympan du portail nord représente le martyre de saint Laurent, relique importante arrivée vers 1230. Au fil des siècles, des modifications notables furent apportées : les flèches des tours ont été abattues (les dates mentionnées varient entre 1605 et 1737), le palais abbatial et le pavillon dit « vide‑bouteilles » furent élevés entre 1616 et 1621 pour Nicolas Lesaige, et une vaste campagne de reconstruction fut entreprise en 1736 par les architectes Charles et Nicolas Bonhomme. La tour nord‑est fut reconstruite en 1740, l'aile est avec son grand escalier était achevée en 1754, et les ailes nord et ouest ainsi que les galeries du cloître furent reprises entre 1779 et 1788. En 1340, l'abbé Jean de Bruyères reçut l'ordre de fortifier le monastère, ce qui traduit l'importance stratégique et religieuse du site. Au XVIIIe siècle, des démarches aboutirent à l'incorporation de l'abbaye à l'évêché de Laon : des bulles pontificales furent obtenues dans les années 1730, suivies de la prise de possession épiscopale et de l'approbation royale. Après la Révolution, l'église devint paroissiale et, aménagés par l'ingénieur Duroché, les autres bâtiments accueillirent l'hôtel‑Dieu en 1810. En 1944, un bombardement détruisit les bâtiments entourant la cour de la « Communauté », dont les ailes ouest et nord, mettant au jour les pignons médiévaux du cellier et du réfectoire. L'abbaye possédait plusieurs reliques et objets de dévotion — un fragment de la Croix rapporté par le premier abbé Gautier, un os de saint Barthélemy, un os de saint Norbert et le bras gauche de saint Laurent — reliques qui attirèrent indulgences, pèlerinages et une foire annuelle déplacée en 1523 au premier lundi de janvier. Le pèlerinage et les foires connurent des interruptions pendant les troubles de la fin du XVIe siècle, disparurent à la Révolution et les foires subsistèrent au XIXe siècle sous une forme différente. Aujourd'hui, l'emprise de l'abbaye accueille l'hôpital de Laon ; le cloître abrite une médiathèque et l'église reste en usage paroissial.