Origine et histoire de l'Abbaye Saint-Martin
L'ancienne abbaye Saint-Martin de Sées, située à Sées dans l'Orne, est une fondation bénédictine attribuée au VIe siècle et liée à l'abbaye de Saint-Évroult. Le premier monastère fut détruit lors des invasions normandes et n'a laissé aucun vestige, mais l'abbaye renaît au XIe siècle dans le cadre de la réforme monastique. De l'église romane de cette époque subsistent une baie en plein cintre et une série d'arcatures à l'étage. À son apogée au XIIIe siècle, l'abbaye accueille Saint Louis en 1256, qui y séjourne et lui accorde des terres. Au milieu du XIVe siècle, des événements de guerre la marquent : des Anglais s'y réfugient en 1359, elle est ensuite assaillie et mutilée lors de la prise par Du Guesclin. Au XVIe siècle, elle est pillée par les troupes protestantes de l'amiral de Coligny et une partie des bâtiments est incendiée par Gabriel de Montgommery, entraînant la destruction du couvent, de la nef et du clocher. La réforme catholique conduit à une seconde renaissance : la réforme de Saint-Maur est introduite en 1636 et l'abbaye est alors reconstruite, l'édifice actuel datant de cette période et d'une campagne de construction poursuivie au début du XVIIIe siècle, notamment en 1704 sur le modèle de l'abbaye Saint-Étienne de Caen. Le XVIIIe siècle voit toutefois un relâchement religieux qui précède la vente comme bien national à la Révolution ; l'abbaye devient ensuite une manufacture textile qui emploie plusieurs centaines d'ouvriers sous la direction de Richard Lenoir. Après la faillite de la filature au milieu du XIXe siècle, l'évêque de Sées y installe le grand séminaire ; l'église romane du XIe siècle est alors remplacée par une église de style néo-Renaissance. Classés au titre des monuments historiques depuis le 5 juillet 1968, le bâtiment principal, ses pavillons, le logis de l'abbé, la porterie, le grand escalier et les vestiges romans qu'il contient sont protégés, de même que l'ensemble du jardin. Au XXe siècle, l'abbaye sert d'infirmerie pendant la première guerre mondiale, puis de centre de rééducation ; en 1936 elle est vendue aux assurances maladie d'Île-de-France et accueille successivement sanatoriums, préventoriums, colonies et instituts de rééducation. Entre 2005 et 2014, l'établissement abrite un ITEP géré par l'UGECAM, qui quitte les lieux en 2014 ; l'abbaye est alors mise en vente et a été acquise en mai 2017 par un acheteur privé qui n'a pas communiqué son projet. Une association locale cherche depuis 2012 à promouvoir un nouveau projet culturel et muséal axé notamment sur Nicolas-Jacques Conté, sans que ce projet ait reçu l'appui des collectivités. L'abbaye a possédé une bibliothèque médiévale importante dont plusieurs dizaines de manuscrits sont aujourd'hui conservés dans les archives diocésaines de Séez, à la bibliothèque municipale d'Alençon, au Vatican et ailleurs, et dont la majorité n'a pas encore été décrite ; des travaux de chercheurs et un projet de numérisation visent à restituer ce fonds, qui a fait l'objet de restitutions documentées, notamment en 2017. Implantée entre l'Orne et l'église Notre-Dame de la Place, l'abbaye présentait historiquement un ensemble clos avec cours, cloître, dortoirs, réfectoire, bibliothèque, bâtiments d'exploitation, jardins, viviers et réseaux hydrauliques, et son plan a été documenté par des gravures et des cadastres anciens. Richement dotée, elle possédait de nombreuses dîmes, prieurés et droits féodaux en Normandie et au-delà, formait une baronnie exerçant la basse et la moyenne justice sur de nombreuses paroisses et disposait au XVIIIe siècle d'un revenu important pour l'époque. Ses armes sont décrites comme "de France, à la bordure de gueules chargée de huit besants d'argent".