Origine et histoire de l'Abbaye Saint-Martin-ès-Aires
L'abbaye Saint-Martin-ès-Aires, à Troyes (Aube), a été fondée au IXe siècle pour abriter les reliques de Lupus, évêque de Troyes, connu comme saint Loup, défenseur légendaire de la ville et patron de Troyes. Elle succédait à un oratoire Notre-Dame situé hors des murailles où avait été enterré saint Loup ; les miracles attribués au saint firent du lieu un point de dévotion et les comtes de Champagne y prêtaient serment. L'oratoire fut incendié par les Vikings en 887 et les reliques furent alors transférées sur un nouveau site à l'intérieur des remparts. La communauté fut réformée en 1135 par Bernard de Clairvaux ; l'abbé et les moines adoptèrent la règle de saint Augustin et dédicacèrent l'abbaye à Martin de Tours, qui lui donna son nom. En 1415, l'abbé fit venir le sarcophage de Maure de Troyes ; l'évêque Étienne de Givry en retira des reliques offertes à l'abbaye, donnant lieu à un pèlerinage associé à la cure de Sainte-Maure. Une grande partie des bâtiments claustraux était en bois jusqu'à la reconstruction conduite par l'abbé Thévignon ; ces travaux se poursuivirent jusqu'en 1759. Saisie comme bien national à la Révolution, l'abbaye fut vendue en deux lots : l'un comprenant la maison abbatiale, la basse-cour, deux jardins et la maison de la trésorerie, acquis par le sieur Aumont puis racheté par les Dames du Sacré-Cœur ; l'autre comprenant l'abbatiale, la basse-cour, un jardin, la terrasse, les hangars et les bûchers, vendu 27 600 livres à M. Jacminot qui y installa une filature de coton puis, vers 1830, un hospice pour enfants. En 1791, le citoyen Bramant dressa l'inventaire d'une bibliothèque de 1 124 manuscrits ; y subsistent notamment l'Ordo Processionum, les Remarques sur les conciles des six premiers siècles..., la Rhetorica latina rhetoribus trecensibus et Les psaumes de David expliqués à la lettre. L'abbatiale comportait deux clochers, l'un dans une tour et l'autre au centre de l'édifice, pointu et couvert d'ardoises, tandis que le reste du bâtiment était couvert de tuiles. Elle mesurait 42,5 m de longueur sur 12,5 m de largeur ; le portail donnait sur la rue Saint-Martin et une porte ouvrait sur le cloître. Les dalles funéraires du chœur furent transportées à l'église de Villemaur et le jubé fut détruit en 1760. Parmi les abbés dits « mythiques » figurent saint Loup, saint Caméline (479–525), Auderic, saint Winebauld (583–620), Theudecaire, Léon, Alcuin (782–804) et Adelerin, comte et abbé. La liste des abbés historiques comprend, entre autres, Guillaume (jusqu'en 1160), Jacques (1160–1171), Vital (1172–1184), Odon (1184), Lambert (1200–1206), Pierre (1207), Jean de Boulages (1228), Renaud (1233) et plusieurs successeurs jusqu'à Michel de Martini (1523). Parmi les abbés commendataires se succédèrent notamment Odard Hennequin (1534–1544), François Primatice (1544–1566), René d'Amoncourt (1566–1567), Chrétien Adenot (1575–1581), Jean Thévignon (1581–1583) puis plusieurs membres des familles de Choiseuil, Lallement, de Vincent de Savollian, Couet du Vivier de Lorry, ainsi que Paul de Murat et Henri de Chambre d'Hurgons, ce dernier jusqu'en 1790. Les bâtiments actuels, datés du XVIIe au XIXe siècle, abritent l'Institut universitaire des métiers et du patrimoine (IUMP) et l'École supérieure de design de Troyes. L'ensemble bénéficie d'une protection au titre des monuments historiques : inscription le 13 octobre 1987 puis classement le 16 octobre 1989.