Origine et histoire de l'Abbaye Saint-Médard
L'ancienne abbaye Saint‑Médard est un monastère bénédictin situé à Soissons, dans l'Aisne. Fondée en 557 par le roi des Francs Clotaire Ier pour abriter les reliques de saint Médard, elle conserva un mausolée provisoire en bois ; Clotaire mourut avant l'achèvement et son fils Sigebert Ier inaugura et orna l'église ; tous deux furent inhumés dans la basilique face au tombeau de Médard. En novembre 751, le dernier Mérovingien, Childéric III, fut déposé dans l'abbaye par Pépin le Bref, qui y reçut également la consécration royale. Sous les Carolingiens, l'abbaye prit une importance considérable et devint, au début du IXe siècle, l'un des domaines seigneuriaux les plus puissants de l'Empire, ses abbés étant considérés comme de premiers seigneurs. Le monastère formait une véritable cité à Soissons où plus de quatre cents religieux vivaient dans un ensemble comprenant basilique, palais royal, palais abbatial, plusieurs églises et chapelles, cloîtres, écoles, cours, jardins et vignes. Hors de la cité, son domaine s'étendait sur de nombreuses dépendances ecclésiastiques et laïques, près de deux cent vingt paroisses, villages, fermes, manoirs et fiefs tels que la seigneurie de Vic‑sur‑Aisne. L'abbaye bénéficia des faveurs impériales, notamment de Charlemagne et de Louis le Pieux : elle reçut le droit de battre monnaie et fut exemptée de contributions financières et militaires. L'Évangéliaire produit au scriptorium, préparé à l'école palatine d'Aix‑la‑Chapelle dans les dernières années du règne de Charlemagne, constitue un exemple majeur de l'enluminure carolingienne du début du IXe siècle. En 825, Louis le Pieux associa l'évêque de Soissons Rothad et le comte Ruotfrid aux fonctions de missi dans le Soissonnais, et l'abbé Hilduin fut chargé de régir plusieurs grandes abbayes dont Saint‑Médard ; en 826 Hilduin y déposa des reliques de saint Sébastien. L'abbaye connut des épisodes de crise politique et d'attaques : en 833 un synode présidé par l'archevêque Ebon de Reims déposa Louis le Pieux, et au IXe siècle les invasions normandes ravagèrent le Soissonnais, provoquant le pillage et l'incendie des bâtiments abbatiaux. En 888, Eudes reprit l'offensive contre les Vikings et fit entourer l'abbaye d'une enceinte munie de tours, fortifiant aussi ses possessions, notamment le château de Vic‑sur‑Aisne. À partir du règne de Charles le Chauve, les abbés laïcs se multiplièrent et percevaient les revenus attachés à l'abbaye ; parmi eux figurent Carloman (abbé laïc de 860 à 870), Herbert II de Vermandois et Herbert l'Ancien. Le moine Odilon, mort vers 920, rédigea une Histoire des translations des reliques de saint Sébastien et de saint Grégoire au monastère à la demande d'Ingramme (ou Enguerrand), prévôt devenu évêque de Laon ; ses textes et d'autres récits liés au monastère furent publiés ultérieurement. L'abbaye fut détruite par les Vikings puis par les Magyars avant d'être reconstruite au XIe siècle. Vers 1079, saint Arnould de Palmèle fut sollicité par Thibaud Ier de Champagne pour pourvoir en religieux les projets monastiques de Vertus, aboutissant en 1081 à la fondation de l'abbaye Saint‑Sauveur avec Sophrone comme premier abbé. L'édifice subit encore des destructions : il fut démoli en 1567 au début des guerres de Religion, partiellement reconstruit en 1630, puis rasé jusqu'à la crypte en 1793. L'historien Otto von Corvin rapporte une accusation selon laquelle l'abbaye aurait servi de lieu de falsification d'actes ecclésiastiques, citant notamment un moine nommé Guernon qui se serait confessé sur son lit de mort ; cette assertion figure dans son essai anticlérical. La crypte et la chapelle ont reçu des protections au titre des monuments historiques : la crypte depuis 1875 et la chapelle depuis le 14 février 1921. Selon Eugène Lefèvre‑Pontalis, l'abbaye connut quatre campagnes de construction aux VIe, IXe, XIIe et XVIe siècles ; la datation de la crypte fait l'objet de débats entre spécialistes, mais sa mention la plus ancienne remonte à 1079. La crypte, composante intégrée de l'édifice et comparable par sa forme à celle de Saint‑Willibrord d'Echternach, s'étendait sous le maître‑autel oriental et mesurait environ 30 mètres de largeur. Des trois chapelles du XIIe siècle, seule la chapelle méridionale subsiste et a été réparée dans les années 1970. L'église abbatiale — aujourd'hui disparue — était une basilique allongée à trois nefs avec collatéraux voûtés, deux tours carrées au transept oriental et, côté ouest, un porche monumental flanqué de deux tours, formant une façade particulièrement imposante. Parmi les abbés connus figurent Carloman, Herbert II de Vermandois, Odoleus (ou Odolenus, dit Oldoric), saint Arnould de Palmèle, Engerrand, Milon de Bazoches et Albéric de Braine, dont le corps exhumé lors de fouilles a été confié fin 2020 à un atelier de conservation pour restauration. Le patrimoine écrit de l'abbaye comprend notamment l'Évangéliaire de Saint‑Médard et un cartulaire daté vers 1201‑1300. Les armes de l'abbaye se blasonnent ainsi : de gueules à une crosse en pal d'or à dextre et une lance de tournoi de même à senestre, garnie d'un guidon d'argent chargé d'une aigle de sable, le tout accosté de deux fleurs de lys d'or.